France - 29 janvier 2010

Islamophobie et antisémitisme ou les sœurs siamoises

Par Badia Benjelloun

L’Agence Juive a tenu une conférence de presse ce dimanche sur l’antisémitisme à Jérusalem-l’Occupée et par la voix de son président, Natan Sharansky a exprimé son constat d’un regain inégalé des actes antisémites en Europe depuis la fin de la deuxième mondiale. Il y aurait été recensé 631 incidents dans la seule première moitié de l’année 2009 en France contre 431 seulement en 2008 et quelques 600 au Royaume-Uni pour l’année écoulée.

Dans ce décompte, il est précisé que les actes comptabilisés vont de la simple violence verbale à de vraies attaques. Or en France, le signalement des actes antisémites est fait par l’ Union des étudiants juifs de France, (UEJF), le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme ainsi que par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ), toutes trois émanations des conseils de la communauté juive issus du CRIF, officine politique ouvertement sioniste avant que d’être représentative d’une confession. Leurs statistiques excèdent toujours largement les moyennes fournies par les services de police régaliens.

Sharansky constate benoîtement (?) que les chiffres explosent pendant l’agression terroriste de l’entité sioniste à Gaza. Les manifestations de solidarité avec la fraction du peuple palestinien séquestré à Gaza sont dans ce calcul honteux considérés comme actes d’antisémitisme.

Ces positions ont tellement perdu de crédibilité auprès de l’opinion européenne que l’Agence juive, amputée quand même de beaucoup de ses ressources pécuniaires depuis l’écrasement de la pyramide financière de Bernard Madoff, n’a pas jugé opportun de communiquer largement là-dessus, comme c’était la tradition au temps du gouvernement Sharon.

L’institut de sondage Gallup a publié la semaine dernière le rapport d’une enquête menée à l’automne 2009 à propos de l’islamophobie aux US(a). Le sentiment islamophobique est majoritairement ressenti parmi les personnes interrogées, à 53%. Le sondage relie bien la mauvaise perception de l’Islam et des musulmans chez les porteurs de préjugés tel celui qui imagine l’inégalité entre les sexes en défaveur de la femme comme inscrite statutairement dans le dogme musulman.

Les personnes fréquentant au moins une fois par semaine un office religieux sont peu enclines à être islamophobes. Mais le facteur prédictif essentiel de l’islamophobie est l’antisémitisme. La corrélation va dans les deux sens, un antisémite a toute chance d’être islamophobe et un islamophobe est facilement antisémite.

Ainsi les néoconservateurs et les sionistes étasuniens, qui se sont acharnés à forger un sentiment d’islamophobie qu’ils ont adroitement lié dans un complexe de chaînes associatives [arabe-islam-terrorisme-intolérance-haine de la démocratie] doivent être marris de ce piètre résultat. L’enquête ne dit pas si l’accentuation de l’islamophobie actualisée par les sensationnelles interventions benladenistes ne majore pas du même coup l’antisémitisme. Car alors, nous serons bientôt délivrés de l’Homme de la Caverne, l’idiot utile, réel ou fantasmé, inoxydable marionnette depuis 2001 (en fait sa longévité est plus importante quand on la remonte à son acte de naissance au moment où il collaborait encore officiellement avec la CIA contre l’URSS) sera remisé aux greniers des vieilleries non recyclables.

Décidément, tant que l’humanité n’apprend rien de l’histoire, elle est condamnée à répéter ses erreurs.

La « reconquête » de l’Espagne par les rois très catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand II d’Aragon, avait donné lieu au premier et plus important nettoyage ethnique des temps modernes aux XVème et XVIème siècles. Des millions de musulmans et de juifs ont été contraints à l’exil, regagnant des contrées plus tolérantes, l’Afrique du Nord et l’Empire ottoman. En plus du financement de la guerre par la Papauté, des banquiers juifs furent sollicités à l’effort de financement des armées catholiques.

Certains, dont Isaac Abravenel, ont cédé contre la promesse des Rois de protéger la communauté juive. Or c’est bien celle-ci qui fut expulsée en tout premier lieu dès la chute du dernier royaume Grenade.


Badia Benjelloun
26 janvier 2010