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Cisjordanie - 22 janvier 2012
Par Khaled Amayreh
Avec des prix à la consommation en hausse, des salaires bloqués ou en baisse, un chômage galopant et des impôts exponentiels, beaucoup de Palestiniens ordinaires n'arrivent plus à joindre les deux bouts. La situation est décrite comme explosive et potentiellement déstabilisante alors que l'Autorité palestinienne se montre pratiquement impuissante à surmonter, ou même à atténuer la crise économique la plus dure qui frappe les territoires occupés depuis la création de l'AP en 1994.
Des familles ont été obligées de retirer leurs enfants des facultés parce qu'elles ne peuvent plus régler les frais de scolarité, qui s'élèvent à un millier de dollar par semestre. A l'époque de Yasser Arafat, des subventions assez généreuses étaient versées aux universités, et elles permettaient aux étudiants pauvres de suivre leurs études, même s'ils ne payaient pas les frais de scolarité. Presque toutes les subventions et les prêts-étudiants ont maintenant cessé, avec un effet paralysant sur l'aisance financière de nombreuses institutions d'enseignement supérieur.
Distribution d'aide alimentaire, quartier Tel Rumeida, Hébron (photo MR)
Un responsable de l'Université Al-Quds, à Abu Dis, près de Jérusalem, a déclaré à Al-Ahram Weekly la semaine dernière que "seuls les riches peuvent maintenant faire des études supérieures ; si vous n'avez pas d'argent, vous ne pouvez tout simplement pas vous inscrire en faculté, même si vous êtes brillant et si vos notes sont excellentes."
La situation devient encore plus dure quand une famille a deux, ou trois, ou même quatre enfants qui veulent faire leurs études universitaires. Dans ce cas, les choix deviennent amers et rudes, et la famille est obligée de choisir entre se nourrir et payer l'éducation de ses enfants.
De façon traditionnelle, les Palestiniens attachent une importance énorme à l'éducation, qu'il considère comme un investissement sûr pour l'avenir. D'où la frustration et le désespoir ressentis par les familles pauvres incapables de payer des frais de scolarité en augmentation de leurs enfants.
Ce qui est particulièrement triste, c'est que ces étudiants à qui est refusée l'entrée en faculté parce qu'ils ne peuvent pas payer les frais de scolarité cherchent souvent un emploi dans les colonies juives. Ils disent qu'ils n'ont pas le choix et l'AP semble silencieusement être d'accord avec eux.
C'est un fait particulièrement inquiétant d'autant que l'expansion des colonies juives est considérée comme la plus grande menace aux rêves palestiniens d'un Etat viable et indépendant en Cisjordanie et à Gaza.
Mais si on peut survivre sans diplôme, on ne peut pas indéfiniment survivre sans nourriture. Selon des données sur les prix à la consommation, les prix de la nourriture dans les territoires palestiniens occupés sont parmi les plus élevés au monde. Et lorsque l'on combine les prix très élevés des denrées avec une inflation qui flambe, la situation devient intenable.
Par exemple, un kilo de riz est vendu 1,50$ (1,20€) en Cisjordanie , et un kilo de sucre près de 2$ (1,55€). De même, une bouteille de gaz butane de 12 kg coûte 75 shekels (15€). ¨Pour le carburant, un litre d'essence sans plomb est vendu 1,80$ (1,40€) et un litre de diesel 1,70$ (1,30€). Le tableau générale devient plus sombre quand on sait que le salaire moyen mensuel pour la plupart des fonctionnaires civils palestiniens n'excède pas 600 à 700$ (450 à 550€). En comparaison, le revenu annuel par habitant en Israël est de 20.000$ (15.500€).
Alors peu importe que vous vous serriez la ceinture au maximum et que vous adoptiez les mesures d'austérité les plus draconiennes, vous n'arriverez quand même pas à boucler les fins de mois.
Cette semaine, le Premier ministre palestinien Salam Fayyad est apparu à la télévision pour expliquer au public la situation financière catastrophique à laquelle est confrontée l'AP. Il a dit que son gouvernement essayait de faire son maximum pour garder le contrôle de la situation. Il s'est engagé à aider "les secteurs les plus faibles de la société", disant qu'il n'autoriserait pas les coupures d'eau et d'électricité chez ceux qui ne peuvent pas payer les factures.
Le problème, cependant, est que son "maximum" et tous ses efforts risquent de ne pas être suffisants pour apporter du soulagement aux dizaines de milliers de familles, laminées, à un point proche de la famine, par la crise économique actuelle.
Fayyad a dit que son gouvernement imposerait bientôt des taxes sur ceux qui en sont exemptés ou sous-taxés, soulignant que ces nouveaux impôts ne toucheraient pas les pauvres. Certains économistes ont cependant déjà dénoncé les nouveaux projets de taxation comme étant "mal ficelés et inéquitables".
"Ce sont des plans fondamentalement bancals qui rendront notre système fiscal encore plus déformé et encore plus injuste," dit Nasser Abdel-Karim, professeur d'économie à l'Université Birzeit.
De nombreux responsables de l'AP s'échinent à justifier la politique actuelle, fournissant des données économiques et expliquant que l'économie palestinienne ne peut pas voler de ses propres ailes. Très peu cependant sont assez honnêtes pour reconnaître qu'une économie réellement viable et prospère est impossible sous occupation militaire étrangère. Les deux termes sont simplement un oxymore.
Une économie sous occupation manque en soi de l'oxygène qui lui permettrait de se développer et de prospérer, ce qui signifie que les Palestiniens, le Premier ministre Fayyad compris, se trompent et se fourvoient s'ils pensent qu'ils peuvent atteindre leurs objectifs économiques alors que presque chaque aspect de leur vie, économique et autre, est toujours strictement contrôlé par Israël.
Il faut aussi garder à l'esprit une autre donnée pertinente, à savoir que la survie financière de l'AP dépend pour une très large mesure de dons ou d'aide à motivation politique venant des pays occidentaux, en particulier des Etats-Unis. Nombre d'experts comprennent que l'aide occidentale à l'AP, qui empêche le régime de Ramallah de s'effondrer totalement d'un point de vue financier, est inextricablement liée à des exigences politiques qui maintiennent l'AP dans un état perpétuel de soumission à Israël.
Ceci, affirment certains commentateurs, suggère que l'AP devrait s'interroger sérieusement sur l'opportunité de son existence même dans les circonstances actuelles, où elle a la charge de nourrir cinq millions de personnes tout en étant complètement privée des libertés financières et économiques fondamentales qui lui permettraient de mener à bien sa tache convenablement.
Source : Al Ahram
Traduction : MR pour ISM
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Khaled Amayreh
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