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Jérusalem - 19 octobre 2005
Par Chris McGreal
A la lisère nord de Jérusalem, sur la route principale qui mène à la ville palestinienne de Ramallah, trois murs de béton s’élèvent, convergeant autour d’un dédale rapidement construit de cellules, de tourniquets et d’espaces à l’épreuve des bombes.
Quand, dans les semaines à venir, la construction de Qalandiya sera terminée, les ouvertures restant dans les murs hauts de 8 m seront fermées et celles qui permettront encore d’aller d’une ville à l’autre seront jalonnées d'un labyrinthe de contrôles d’identité et de contrôles de sécurité qui font penser à une frontière internationale.
L’armée israélienne a construit ce passage sans fanfare au cours des derniers mois ainsi que d’autres postes tout le long d’une immense et nouvelle "barrière de sécurité" qui est en train d’entourer Jérusalem, pendant que l’attention mondiale se concentrait sur le retrait de Gaza opéré par le premier ministre israélien, Ariel Sharon.
Mais ces postes frontières de facto ne sont qu’un élément dans un réseau de constructions qui ont pour but évident de redessiner les frontières d’Israël au plus profond des territoires palestiniens, de conforter Jérusalem comme capitale d’Israël et de le faire rapidement pour que cette question soit tenue hors des négociations.
Tandis que les leaders étrangers, à commencer par Tony Blair, célébraient le "courage" de M. Sharon lors du retrait de Gaza le mois dernier, Israël accélérait la construction du mur en Cisjordanie , expropriant plus de terres cisjordaniennes qu’il ne capitulait à Gaza et construisant des milliers de maisons supplémentaires dans les colonies juives.
"C’est un compromis : la Bande de Gaza contre les blocs de colonies, la bande de Gaza contre la terre palestinienne , la bande de Gaza contre des frontières imposées unilatéralement" dit Dror Etkes, directeur de l’organisation israélienne Settlement Watch (Observatoire des colonies)
"Ils ne savent pas combien de temps ils ont (devant eux). C’est pourquoi ils sont en train de construire comme des fous".
Au cœur de cette stratégie, il y a le mur de 420 miles (676 km) que beaucoup de politiciens israéliens regardent comme une démarcation des futures frontières.
Ce tracé crée de larges zones d’expansion pour les principales colonies juives d’Ariel, de Maale Adumim et de Gush Etzion, et exproprie des étendues de terres palestiniennes en les séparant de leurs propriétaires.
En parallèle, au cours du premier trimestre de cette année, les nouvelles constructions dans les colonies juives ont augmenté de 83% par rapport à la même période de 2004.
Il y a environ 4000 maisons en cours de construction dans les colonies israéliennes de Cisjordanie , et des milliers d’autres maisons ont été approuvées dans les blocs d’Ariel et de Maale Adumim qui pénètrent profondément dans les territoires occupés.
Le nombre total des colons a augmenté de nouveau cette année avec l'installation en Cisjordanie d'environ 14 000 colons, Ã comparer avec les 8500 colons obligés d’évacuer Gaza.
Israël continue aussi à augmenter la portion de territoires qu’il a l’intention de s’accaparer. Pour le seul mois de juillet, il a saisi plus de terres en Cisjordanie qu’il n’en a rendu à Gaza : Il s’est retiré d’environ 30, 57 Km2 de territoires tout en isolant 38 km2 en Cisjordanie autour de Maale Adumim.
La stratégie d’Israël consiste à "renforcer son contrêle sur les régions qui seront une part indivisible de l’Etat d’Israël", a déclaré le premier ministre après le retrait de Gaza.
Le mois dernier, Sharon a dit lors d’une rencontre avec ses alliés du Likoud qu’il était important d’agrandir les colonies sans attirer l’attention mondiale.
"Il n’y a pas besoin de parler. Nous avons besoin de construire, et nous construisons sans en parler" a-t-il dit.
Quelques jours plus tard, un des principaux conseillers du premier ministre, Eyal Arad a publiquement plaidé pour "une stratégie de détermination unilatérale des frontières définitives de l’Etat d’Israël".
L’impact le plus important de ce qu’ont fait récemment les Israéliens s’est vu dans et autour de Jérusalem, quand Israël a intensifié la construction du mur le long de la partie la plus controversée de son tracé.
"Ce à quoi nous assistons, c’est à l’accélération de la construction du mur" a dit David Shearer, chef de l’Office des Nations Unies pour la Coordination des affaires Humanitaires à Jérusalem.
"A cause du mur, Jérusalem est en train d’être isolée du reste de la Cisjordanie . Se rendre à Jérusalem se fera avec une carte magnétique et un système sophistiqué de portes. L’accès dont les Palestiniens jouissaient pour se rendre sur leurs lieux de prières, dans certaines des meilleures écoles, dans les hêpitaux, va désormais être sévèrement restreint."
Le Mur de béton qui traverse Jérusalem crée des enclaves Arabes dans la ville, restreint la croissance des quartiers Non-Juifs et sépare quelques 200 000 habitants palestiniens des territoires occupés.
Jérusalem-Est sera ultérieurement isolée du reste de la Cisjordanie par des manoeuvres pour lier la ville avec la colonie Maale Adumim en utilisant le mur en guise de frontière.
Le résultat sera d’entourer totalement les zones Arabes de Jérusalem par d’importants quartiers Juifs et de repousser la frontière d’Israël presque jusqu'au centre de la Cisjordanie , en séparant pratiquement le Nord et le Sud du territoire palestinien à son point le plus étroit.
Une organisation comme l’International Crisis Group dit qu’il peut en résulter des conséquences explosives."
La politique actuelle dans et autour de la ville va extrèmement compliquer et peut-être condamner, les tentatives futures pour trouver une solution au conflit, en empêchant la création d’une capitale palestinienne viable dans la Jérusalem-Est Arabe et en interdisant la continuité territoriale d’un état palestinien" est-il dit dans un rapport récent
"Les mesures qui sont en train d’être prises en ce moment vont à l’encontre de toute solution viable à deux Etats, et ne fera rien pour améliorer la sécurité d’Israël ; en fait elles sapent tout ça, affaiblissant les Palestiniens pragmatiques, incorporant des centaines de milliers de Palestiniens du cêté israélien du mur, et semant les graines d’une radicalisation grandissante.
Dans les années passées, les deux cêtés ont généralement accepté qu’un accord négocié puisse laisser les principaux blocs de colonies proches de Jérusalem entre les mains israéliennes.
L’année dernière, Mr. Bush a écrit à Mr. Sharon pour l’assurer qu’on n’attendait pas à ce qu’Israël revienne aux frontières de 1967 "à la lumière des nouvelles réalités sur le terrain, qui incluent les centres les plus importants de population déjà existants".
Mais Daniel Seidemann, un avocat israélien qui mène des actions judiciaires contre le Mur, a déclaré que le gouvernement avait travaillé Ã rendre ces réalités sur le terrain aussi importantes que possible pendant que les gouvernements étrangers s’abstenaient de critiquer Mr. Sharon de peur de compromettre le retrait de Gaza.
"Ce qui arrive est clair. Il est clair que le mur est utilisé pour définir la frontière que Sharon estime pouvoir obtenir avec les Américains" a-t-il déclaré.
Mr. Sharon semble compter sur le silence perpétuel de l’Amérique et des capitales européennes parce qu’il affronte une élection générale l’année prochaine que Washington aimerait lui voir gagner contre son principal rival de l‘extrême droite, Benjamin Netanyahu.
Le leadership palestinien pense que Mr. Sharon a peu de choses pour inciter à négocier parce que les Palestiniens n’accepteront pas d’abandonner leur revendication sur Jérusalem-Est ou les importantes zones de terre qu’il (Sharon) veut annexer.
Et Yossi Beillin, ancien ministre israélien, négociateur pour la paix, a déclaré que l’absence de pression de Washington et des autres membres du Quartet supervisant le plan pour la paix de la "Feuille de Route" laisse Mr. Sharon libre de redessiner les frontières d’Israël.
"L’engagement dans la Feuille de Route est une grosse farce. Ce ne sont que paroles en l’air tout le temps" a dit Mr. Beillin.
"Je suis très pessimiste. Je vois un énorme fossé entre les discours - à quel point la Feuille de Route est présente sur les agendas et à quel point les gouvernements étrangers disent qu’ils doivent s’en occuper – mais rien ne se passe sur le terrain. Rien. Sharon fait seulement ce qu’il veut".
Source : The Guardian
Traduction : CS pour ISM
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Chris McGreal
19 octobre 2005