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Jérusalem - 24 août 2005
Par John Elmer
Situé sur une colline dominant la Vieille Ville de Jérusalem, le nouvel ensemble de logements israéliens de Nof Zion ressemble à une communauté huppée d'une banlieue d'Amérique du Nord : un panneau d'affichage sollicite les acheteurs pour la "Phase 1" des logements; un autre montre le projet complet de la future communauté : une crèche, un centre commercial, une école, des parcs, un country club et, par la suite, un hôtel.
Vue sur Jérusalem depuis la nouvelle colonie de Nof Zion -
Photo : John Elmer
Mais Nof Zion, qui doit ouvrir en 2007, n'est pas votre banlieue moyenne.
Construits au milieu des 10.000 résidants palestiniens du village de Jabel Mukhaber à Jérusalem-Est, les 395 nouveaux logements de Nof Zion créeront une colonie juive au coeur du secteur que chaque plan de paix reconnu internationalement considère comme étant la capitale du futur Etat Palestinien.
Soutenus par les lois au logement discriminatoires et la politique de manipulation démographique qui privilégient davantage les nouveaux résidants juifs que les Palestiniens qui y ont des siècles d'héritage direct, les lotisseurs et les futurs résidants de Nof Zion seront les bénéficiaires de l'effort israélien pour revendiquer en permanence autant de terres de Cisjordanie que possible.
À la différence des Palestiniens qui doivent prouver qu'ils résident essentiellement à Jérusalem afin de maintenir le droit à y vivre, un agent immobilier qui vend des logements de Nof Zion aux USA a indiqué que ces logements sont la plupart du temps achetés par des Américains qui n'habitent pas encore en Israël et dont beaucoup n'auront jamais Jérusalem comme principal lieu de résidence.
Les 30 premières ventes de Nof Zion ont été faites principalement à des Américains, selon Yaakov Simkovitz, qui travaille pour l'Anglo-Saxon Realty, l'agence en charge de rassurer les acheteurs des logements.
Nof Zion est annoncé comme "un quartier privé" avec "une paix de l'esprit 24h sur 24 d'une communauté fermée et grillagée."
Selon les dires de Simkovitz, "plusieurs de nos acheteurs apprécient la sécurité supplémentaire qui est offerte par la la fermeture et le grillage de la communauté."
Les Palestiniens du secteur ne savent pas de quelle façon les portes fermées de Nof Zion auront un impact sur leur propre quartier et sur leurs propres vies.
Une fois que la colonie sera construite, les résidants de Jabel Mukhaber seront coincés entre Nof Zion et la prétendue barrière de "l'enveloppe de Jérusalem" - un mur en béton de 8 mètres de haut agrémenté de tours de snipers. Les villageois s'inquiètent car s'ils sont empêchés d'utiliser la voie d'accès qu'ils partagent maintenant avec la colonie, ils seront effectivement coupés de Jérusalem et du reste de la Cisjordanie .
Quand on a demandé Ã Osama Zahaikah, un propriétaire de terres palestinien, comment il vivra si son village est coupé de Jérusalem, il a répondu : "L'idée n'est pas de vivre; l'idée est que nous partions."
En défendant le projet face aux objections des Palestiniens du secteur, Simkovitz a affirmé que Nof Zion aidera les résidants de Jabel Mukhaber en ajoutant des services publics tels que des canalisations d'approvisionnement en eau et d'eaux usées, une amélioration de l'insfrastructure routière et de l'éclairage.
"Si vous demandez aux résidants palestiniens de Jabel Mukhaber, en privé, ils vous diront qu'ils sont très contents du projet," a-t'il dit au NewStandard.
"Mais quel 'public'? Quels 'services'?" a demandé rhétoriquement Zahaikah quand on lui a rapporté les remarques de Simkovitz.
"Nous sommes ici. Nous sommes là depuis plus de cent ans. Où sont les écoles? Où sont les canalisations d'eau? Où sont les routes et l'éclairage? Où sont ces services publics dont ils parlent ?"
Zahaikah a pointé son doigt vers la terre fraîchement rasée au bulldozer, la terre terrassée où sont déjà en place les fondations de Nof Zion. La grande famille de Zahaikah, le propriétaire de la terre sur laquelle Nof Zion est construit, a porté de nombreuses réclamations et contestations devant les tribunaux israéliens.
"Mais nous avons perdu chaque cas; tous" indique Zahaikah.
"Cette terre a été confisquée pour des "services publics" remarque Zahaikah, en pointant son doigt vers les 8,5 dunums pris à son frère, Saleh, qui a montré à TNS un acte datant de l'époque Ottomane qui accorde la propriété de la terre à sa famille.
“Un pied-à -terre en Israëlâ€
La brochure de Nof Zion annonce bien en évidence et en caractères gras : "Ayez un pied-Ã -terre en Israël!"
Une déclaration prise dans la brochure, éditée par Anglo-Saxon et répétée in extenso pendant une excursion sur le site, vend la situation de la colonie. "Ce n'est pas par accident si ce site a été choisi pour être la résidence officielle du Haut Commissaire Britannique," dit la brochure, "c'est parce qu'il domine tout Jérusalem."
Le bruit du travail des gros engins est constant, en dépit des contestations de la colonie devant la Haute Cour d'Israël.
Il est prévu que la cour juge l'affaire le 5 septembre, mettant peut-être fin à une longue liste de contestations juridiques concrnant le site.
Le conflit juridique est survenu parce qu'en dépit de la publicité de "Environ 12 hectares" "de terre privée appartenant à des Juifs", environ la moitié de ces hectares ont été confisqués à des Palestiniens par la municipalité de Jérusalem sous les auspices de "services publics."
Mohannad Jobarah, avocat des villageois de Jabel Mukhaber, a expliqué que la municipalité de Jérusalem avait confisqué la terre palestinienne afin de fournir "des services publics" pour des centaines de colons juifs. "ce qui est la question clé devant la Haute Cour Israélienne", a-t'il dit.
Les près de 400 logements de Nof Zion dépendent de l'infrastructure publique qui doit être construire sur les terres confisquées au gens de Jabel Mukhaber. "S'ils n'ont pas les services publics, ils n'ont pas Nof Zion," a dit Jobarah.
Hormis les questions domestiques légales entourant la colonie, selon Ran Cohen, un membre de la Knesset, le parlement israélien, Nof Zion est "en opposition totale aux engagements d'Israël envers la Feuille de Route."
Cohen, un membre du Parti progressiste Yachad, a déclaré à TNS que la colonie avait "le potentiel pour enflamer non seulement Jérusalem mais l'ensemble du Moyen-Orient" en sapant toute possibilité d'une résolution pacifique avec une capitale palestinienne à Jérusalem-Est.
"Les Israéliens regretteront l'aménagement de ce site," dit Cohen. "Ce n'est rien d'autre qu'une provocation."
Régime Discriminatoire
Sarit Michaeli, un porte-parole de l'organisation israélienne des Droits de l'Homme B'Tselem, indique que Nof Zion fait partie d'une plus large politique de désaffranchissement palestinien à Jérusalem-Est qui a été continuel depuis qu'Israël a occupé puis annexé le secteur en 1967.
"C'est un régime assez systématique de discrimination contre les Palestiniens dans l'aménagement, le découpage en zones, la construction et la répartition des ressources tout en fournissant en même temps un appui généreux au développement des secteurs juifs," dit Michaeli.
"Des maisons palestiniennes sont démolies chaque semaine à Jérusalem-Est parce qu'elles sont construites sans permis - permis qui sont pratiquement impossibles à obtenir pour les Palestiniens" ajoute Michaeli.
Selon des données de B'Tselem, le gouvernement israélien a démoli 151 maisons palestiniennes à Jérusalem-Est depuis 2004, laissant 535 Palestiniens sans foyer.
Jeff Halper, coordinateur du Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons (ICAHD), déclare qu'Israël utilise les colonies pour briser la continuité de la vie palestinienne à Jérusalem-Est, qui, explique-t'il : "se développait comme une entité culturelle et politique centrale palestinienne, et commençait à se relier avant 1967 avec Ramallah et Bethlehem."
En raison des nouvelles colonies et de la venue des démolitions, dit Halper, "le centre entier de l'état palestinien est repoussé vers l'est, et devient plus marginal, réduit à ... de petites îles et empêche le développement de toute capitale palestinienne à Jérusalem. Il isole Jérusalem-Est des autres régions de la société palestinienne. Vous ajoutez à cette équation le mur, et l'isolement devient le plus total."
La politique d'Aménagement et de découpage en zones de la municipalité de Jérusalem datant de 1967 cherche à "préserver un équilibre démographique" dans le secteur municipal de Jérusalem de 70% pour les Juifs et 30% aux Arabes, selon des documents obtenus par le NewStandard.
Les responsables israéliens ont reconnu les difficultés à maintenir un ratio démographique à l'avantage des Juifs et non des Arabes. Un document actualisé de l'Equipement– dont un résumé a été publié en Hébreu par les médias locaux le 13 septembre 2004 – concédait la difficulté à conserver le ratio visé de 70%-30% à la lumière du taux de natalité élevé parmi les Palestiniens.
Le document modifie les objectifs de la politique afin d'obtenir un ratio de 60% contre 40% en 2020.
En 1995, le Ministre de l'Intérieur a institué une initiative de retrait des cartes d'identités palestiniennes basée sur un concept légal qui se traduit littéralement en tant que "Centre de Vie."
Maintenant les Palestiniens qui ne peuvent pas prouver l'acceptation du ministère de l'Intérieur que Jérusalem est leur lieu de résidence principale peuvent se faire retirer leurs cartes de résidence et donc perdre l'accès à leurs lieux de travail, à leurs maisons, à leurs comptes bancaires, aux lieux de culte, aux services de santé et aux services municipaux.
Afin de l'imposer, le ministère examine scrupuleusement les maisons des Palestiniens, recherchant la preuve que leur résidence à Jérusalem est essentielle à leur existence.
"Cela inclut des investigations allant de l'inspection des factures de services à la recherche des vêtements d'enfants et des livres d'école," a expliqué Meir Margalit, qui a travaillé dans le gouvernement municipal de 1976 à 2002, dont quatre ans en tant que membre élu du conseil municipal. Il est maintenant le coordinateur de terrain pour l'ICAHD.
"Pendant une certaine période, cette loi a subi de nombreux changements," a ajouté Margalit, "mais l'élément essentiel était que (les Palestiniens) qui vivaient à l'extérieur des limites de Jérusalem pendant un certain temps, perdraient leurs papiers d'identité de Jérusalem. D'abord, il fut question d'années, mais rapidement c'est devenu une question de mois et même de semaines."
"Relier les points"
"Là -bas, c'est Kidmat Zion" dit Osama Zahaikah, le propriétaire des terres. Debout dans les traces fraîches du bulldozer de Nof Zion, Zahaikah montre une maison isolée sur la colline opposée, juste à quelques mètres devant le mur en béton qui définit le bord est de ce qu'Israël considère come Jérusalem.
"Cette maison isolée appartient à une famille juive," dit Zahaikah. "il y en a une autre juste au sommet de la colline. C'est le début d'une future colonie."
L'inquiétude de Zahaikah pour le futur de son village est palpable. "Vous voyez, ce processus; c'est un cancer." dit-il, alors qu'il observe avec son frère Saleh les gros engins de travaux publics qui travaillent sur la nouvelle colonie.
"Ca ne s'arrêtera jamais.." prédit Osama, "Bientêt, (les colons israéliens) négocieront avec (les familles de Palestiniens) dans le secteur et la colonie s'agrandira, la reliant finalement à Nof Zion. C'est ce qui nous inquiète – la connexion entre les colonies. C'est comment cela que ça fonctionne."
La stratégie de construire des colonies puis de les relier afin de créer de plus grands blocs pour ensuite isoler et chasser les Palestiniens de leurs quartiers a été aisément admise par le mouvement israélien des colons.
Vers la fin 2003, quand les bulldozers ont commencé le travail sur Nof Zion, le président du Parti Moledet, Uri Bank, l'un des responsables de l'entreprise de la colonisation à Jérusalem-Est a donné un interview au Christian Science Monitor, dans lequel il a exposé le but de la colonisation rampante.
"Nous cassons la continuité arabe et leur revendication sur Jérusalem-Est en posant des îles isolées de présence juive dans les secteurs à la population arabe" a déclaré Bank.
"Alors nous essayons irrémédiablement de les mettre ensemble pour former notre propre continuité. C'est comme un jeu de Légo : vous en sortez des pièces et vous reliez les points. C'est le Sionisme. C'est la façon dont l'Etat d'Israël a été établi. Notre but final est une continuité juive dans l'ensemble de Jérusalem."
Mais ce modèle ne s'applique pas seulement à Jérusalem, explique Bank. "Tout ce qui se passe à Jérusalem-Est est un microcosme de ce qui se passe en Judée (et) Samarie," dit-il, en faisant référence à la Cisjordanie par le terme préféré des Israéliens qui considèrent le territoire comme faisant partie du Grand Israël.
Le parti de Bank a été fondé en 1988 par le ministre d'Extrème-Droite Rehavam Ze'evi, dont l'assassinat en 2002 a été revendiqué par le Front Populaire de Libération de la Palestine. Le Moledet est un parti avec "un seul thème", leur plateforme appelle au "transfert" des Palestiniens de l'autre cêté du fleuve du Jourdain.
Simkovitz, l'agent immobilier anglo-saxon, a saisi la nature pratique de cette idée, tout en orientant clairement la politique de la situation.
"nous sommes affûtés à préciser que Nof Zion n'est pas une île," dit Simkovitz. "C'est plutêt une prolongation du 'quartier' de Talpiot," dit-il, en montrant la colonie israélienne installée sur le sommet de la colline ouest, derrière le village de Jabel Mukhaber, dans la direction opposée de Kidmat Zion.
Simkovitz est resté explicite en se distançant des éléments controversés du projet. "Notre spécialité est l'Immobilier, pas la politique," a-t'il dit.
"La plupart des Israéliens ne voient pas les quartiers juifs de Jérusalem-Est comme des colonies" précise Michaeli de B'Tselem. "Ils les appellent des 'quartiers'.
Selon le droit international, pourtant, il n'y a aucune différence entre les colonies de Jérusalem-Est et celles de Cisjordanie ."
Voir la carte des colonies dans le gouvernorat de Jérusalem
Source : http://newstandardnews.net/
Traduction : MG pour ISM
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John Elmer
24 août 2005