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Palestine -

L'Etat de Palestine à l'ONU : beaucoup de bruit pour rien ?

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L’actualité internationale du mois de septembre sera marquée par le projet de vote sur « l’État palestinien » à l’ONU. La direction de l’Autorité Palestinienne de Ramallah (AP) entend en effet demander aux Nations Unies la reconnaissance, voire même l’admission comme État membre, de la Palestine. C'est en tout cas ce qu'elle affirme aujourd'hui, et c’est sur cette hypothèse que je raisonnerai. Chacun a pu constater, à ce titre, une certaine agitation diplomatique, mais aussi des débats, de plus en plus explicites, au sein du mouvement national palestinien et du mouvement de solidarité avec la Palestine.

L'Etat de Palestine à l'ONU : beaucoup de bruit pour rien ?

L'épisode onusien à venir doit être appréhendé dans son historicité, et non comme un événement isolé : il s'agit en effet avant tout d'une nouvelle étape du développement de la question palestinienne. Pourquoi maintenant ? Par qui ce projet est-il réellement soutenu ? Que pourrait-il changer dans les rapports de forces entre Israël et les Palestiniens ? Cet article entend répondre à ces quelques questions qui me semblent essentielles, sans pour autant prétendre fournir une analyse exhaustive de la démarche de la direction de l’AP et de ses éventuelles répercussions.
 
1) Pourquoi maintenant ?
 
a) Dans la continuité du « plan Fayyad »
 
Ce que les dirigeants israéliens appellent, non sans une certaine ironie, « l'unilatéralisme palestinien », ne date pas du projet de reconnaissance par l'ONU de l'État de Palestine. Ce dernier projet s'inscrit en effet dans la continuité de la « doctrine Fayyad », celle de la construction, « par en bas », d'un État palestinien malgré l'occupation. Après avoir été nommé Premier Ministre en 2007, malgré son faible score aux élections législatives de 2006 (2%), l'ancien haut fonctionnaire de la Banque Mondiale et du FMI a progressivement opéré un changement de paradigme dans la gestion de la question palestinienne : pour Fayyad, c'est un processus volontariste de state building qui permettra de mettre un terme à l'occupation israélienne, et non la fin de l'occupation qui permettra de construire un État palestinien.
 
Le corollaire de ce changement de paradigme était la « déclaration unilatérale d'indépendance », prévue à l'origine pour juillet 2011, à laquelle s'est progressivement substituée la reconnaissance onusienne : à la construction de l'État « par en bas » s'ajoute désormais la reconnaissance de l'État « par en haut », c'est-à-dire par les instances internationales, au premier rang desquelles l'ONU. Cet article n'a pas pour objet d'analyser en profondeur les succès et les échecs du plan Fayyad[1] : soulignons néanmoins que l'économie palestinienne, malgré les spectaculaires chiffres officiels de croissance, demeure précaire. Comme le souligne en effet l'UNRWA[2] dans un récent rapport[3], « contrairement aux informations des médias sur une économie cisjordanienne florissante, la seconde moitié de 2010 montre une détérioration du marché du travail, avec un recul de la croissance de l'emploi, un chômage en hausse et des salaires réels en baisse »[4]. Qui plus est, elle demeure une économie dépendante et subordonnée aux aides internationales : sans un appel à la mobilisation des pays donateurs, l'AP de Ramallah n'aurait pas pu payer les salaires des fonctionnaires de Cisjordanie durant l'été 2011[5].
 
L'État palestinien de facto promis par Fayyad devait contribuer à modifier les rapports de forces vis-à-vis d'Israël : par le développement des infrastructures, notamment économiques, la direction de l'AP entendait mener une politique de facts on the ground qui aurait culminé avec une déclaration unilatérale d'indépendance et un appel à la reconnaissance internationale[6]. Les pressions exercées sur l'AP, menacée de sanctions, notamment économiques, en cas de « décision unilatérale », l'ont conduite à réviser sa stratégie et à privilégier un vote des Nations Unies. Une intense activité diplomatique s'en est suivie, la direction palestinienne tentant de s'assurer la majorité des deux tiers au sein de l'Assemblée Générale de l'ONU.
 
b) Sortir du cadre négocié ou y revenir ?
 
Plusieurs commentateurs et analystes[7] estiment qu'en procédant de la sorte, la direction palestinienne a pris acte de l’état de mort clinique du « processus de paix » et a fait le choix conscient de s'émanciper du cadre étroit des négociations avec Israël. Rien n'est moins sûr. Le 16 mai dernier, Mahmoud Abbas publiait dans le New York Times (NYT) une tribune intitulée « The Long Overdue Palestinian State »[8]. On pouvait notamment y lire ceci : « Les négociations demeurent notre option principale mais, en raison de leur échec, nous sommes aujourd’hui contraints d’en appeler à la communauté internationale afin qu’elle nous soutienne pour préserver l’opportunité d’un règlement pacifique et juste du conflit ». Plus récemment, le « négociateur » palestinien Saeb Erekat affirmait que « [la] demande de statut de membre permanent pour l’État palestinien, au sein des frontières de 1967 et avec Jérusalem pour capitale, ne vise aucunement la confrontation ou le conflit, mais il s’agit bien de maintenir la possibilité des deux États et de préserver le processus de paix  »[9]. 
 
Ces deux déclarations sont éloquentes : pour Abbas comme pour Erekat, il n’est en aucun cas question de faire le deuil de la « négociation avec Israël » ou du « processus de paix ». Il s’agit plutôt de les relancer, en passant par la case ONU. Tel est le sens des propos de Mahmoud Abbas dans la tribune du NYT : « Une fois admis aux Nations Unies, notre État se tiendra prêt à négocier toutes les questions essentielles du conflit avec Israël ». Le pari de la direction de l’AP est donc le suivant : la reconnaissance de l’État de Palestine à l’ONU renforcera le camp palestinien dans les futures négociations avec l’État d’Israël. Nous discuterons de la pertinence de cette approche. Notons pour l’instant qu’il ne s’agit aucunement de remettre en cause la stratégie de l’OLP, puis de l’AP, depuis une trentaine d’années : la quête d’une solution négociée avec Israël, sous patronage international, en vue de l’établissement de deux États.
 
c) Un projet à sauver
 
Revenons à présent à notre question de départ : « Pourquoi maintenant ? » Lors de la signature des Accords d’Oslo, en 1993-94, l’OLP a achevé de se transformer en appareil d’État – sans État – investissant l’essentiel de ses forces dans la construction de l’Autorité Palestinienne, conçue au départ comme une structure intérimaire vouée à disparaître lors de l’établissement de l’État palestinien indépendant. Le bilan du processus d’Oslo est connu, mais un élément, pourtant essentiel, est rarement souligné : malgré les événements des années 1990 et 2000, la structure AP a trouvé sa propre raison d’être, avec le développement d’une nouvelle couche sociale, que j’ai nommée dans un article antérieur le « personnel politique d’Oslo »[10] : « Ministres, anciens Ministres, anciens Conseillers d’Arafat, Conseillers d’Abu Mazen, ex-responsables des forces de sécurité, « négociateurs », hauts fonctionnaires… »[11]. Cette couche sociale bénéficie de gratifications matérielles et symboliques qui ne sont pas dépendantes de la satisfaction des droits nationaux des Palestiniens mais de la survie de l’appareil d’État et de la poursuite du processus négocié.
  
Or il s’avère que de plus en plus de voix s’élèvent, notamment dans les rangs palestiniens, exigeant de prendre acte de l’échec patent du projet d’État palestinien indépendant au terme d’un processus négocié : disparition des bases matérielles de l’État en raison de la colonisation, obstination israélienne à refuser tout compromis au sujet de Jérusalem, négociations sans fin durant lesquelles Israël poursuit sa politique de fait accompli… Pour Ziad Clot, ex-membre de l’équipe des négociateurs de l’OLP, le doute n’est plus permis : « Il n’y aura pas d’État palestinien »[12]. Sari Nusseibeh[13] lui-même déclarait en janvier 2010 dans une interview au Figaro : « [L]a possibilité de créer deux États s'est évanouie. Même si je n'exclus pas la possibilité d'un miracle, je ne considère personnellement plus cette perspective comme réalisable »[14].
 
Cette hypothèque inquiète évidemment la grande majorité du personnel politique d’Oslo, menacé par l’impasse des négociations et la fin de la perspective de l’État indépendant. Loin d’être une révolution copernicienne, la quête de la reconnaissance de l’État de Palestine à l’ONU est donc une inflexion tactique de la direction palestinienne, qui tente de sauver, sinon de ressusciter, le projet politique auquel elle est identifiée et qui lui assure sa survie économique et politique depuis plusieurs décennies. Le verdict d’Ali Abunimah, journaliste palestino-états-unien, fondateur du site web Electronic Intifada, est sans appel : « Il n’y a rien de nouveau dans l’approche d’Abbas. La seule chose qui pourrait être acquise grâce à la reconnaissance de l’ONU serait, pour Abbas et ses proches, d’être reconnus internationalement comme les dirigeants d’un « État » imaginaire sans que rien ne change pour les Palestiniens »[15].

Lire la suite sur le blog de Julien Salingue.
 

[1] Voir à ce sujet J. Salingue, « Réflexions sur l’occupation israélienne, l’Autorité Palestinienne et l’avenir du mouvement national », Inprecor n°567, novembre 2010.
[2] Agence des Nations Unies en charge des réfugiés palestiniens.
[3] UNRWA, « Labour Market Briefing, West Bank, Second Half 2010 », 2011, p. 1.
[4] Toutes les traductions sont de mon fait.
[5] Voir, entre autres, « UK speeds up aid to PA to end fiscal crisis », Maannews, 24 août 2011. 
[6] Une stratégie en partie similaire à celle du mouvement sioniste, qui a valu à Salam Fayyad d’être affublé, dans la presse israélienne, du surnom de « Ben Gourion palestinien » (sic). Voir par exemple « A Day in the Life of the Palestinian Ben-Gurion », Haaretz, 12 février 2010.
[7] Voir par exemple Victor Kattan, « The case for UN recognition of Palestine », Electronic Intifada, 13 juin 2011. http://electronicintifada.net/content/case-un-recognition-palestine/10079
[8] « The Long Overdue Palestinian State », New York Times, 16 mai 2011. http://www.nytimes.com/2011/05/17/opinion/17abbas.html
[9] « Arab League discusses Palestinian Statehood », aljazeera.net, 4 août 2011. http://english.aljazeera.net/news/middleeast/2011/08/20118441614328796.html
[10] « Congrès de Béthléem : la seconde mort du Fatah », in Julien Salingue, A la recherche de la Palestine, éditions du Cygne, Paris, 2011, pp. 80-94.
[11] Ibid.
[12] Ziad Clot, Il n'y aura pas d'État palestinien, Max Milo, Paris, 2010.
[13] Ancien représentant de l’OLP à Jérusalem-Est.
[14] « Un État palestinien est devenu impossible », le Figaro, 4 janvier 2010.
[15] « Exclusive: Abbas to let Israël keep settlements even if UN recognizes "state" », Electronic Intifada, 17 mai 2011. http://electronicintifada.net/blog/ali-abunimah/exclusive-abbas-let-israel-keep-settlements-even-if-un-recognizes-state

Source : Blog Julien Salingue

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