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Palestine occupée -

L'Intifada palestinienne : six mois, six observations

Par

Alaa Tartir est directeur de programme d'al-Shabaka : Le réseau politique palestinien, et chercheur post-doctorat à l'Institut universitaire des Hautes Etudes internationales et du développement, Genève.

04.04.2016 - Quelles observations-clés peut-on faire sur le cycle de confrontation et de violence qui a lieu en Palestine/Israël depuis octobre 2015 ? Six conclusions principales peuvent être tirées sur cette période.
En premier, les derniers mois ont montré la faiblesse et l'illégitimité des partis politiques palestiniens, sur l'ensemble du spectre politique. Ces partis politiques "historiques" n'ont réussi à prodiguer ni la représentation institutionnelle ni le soutien politique nécessaires à la jeunesse palestinienne exprimant dans une vague de colère sa révolte contre les multiples sources d'oppression.

L'Intifada palestinienne : six mois, six observations

Des manifestants palestiniens courent se mettre à l'abri des gaz lacrymogènes tirés massivement par les forces d'occupation pendant des affrontements à Bethléem, le 13 octobre 2015 (AFP)
Ils n'ont pas réussi à mobiliser les masses, ni à doter la jeunesse révoltée de l'éducation politique indispensable et de l'espoir en l'avenir, ni à contester les services sécuritaires et les décisions politiques de l'Autorité palestinienne (AP). Certains partis ont même semblé indifférents à la reprise de la lutte nationale pour les droits politiques et civils, et ont au contraire semblé plus enclins à soutenir le statu quo de l'occupation militaire.

Ces échecs multiples ne sont pas seulement dus au dysfonctionnement ou à l'inefficacité de ces partis politiques, mais aussi à leur manque de volonté politique et parce que leurs dirigeants, et peut-être leurs programmes politiques, sont jugés illégitimes et sans pertinence.

La faiblesse des partis politiques traditionnels n'est pas un facteur exogène, mais plutôt la conséquence d'une transformation interne qui s'est produite dans les structures politiques, les programmes et les styles de gouvernance palestiniens. Ces transformations ont en particulier eu lieu depuis 2007, au lendemain de la division intra-palestinienne et comme conséquence du projet de construction d'Etat en Cisjordanie occupée et de la consolidation du pouvoir dans la Bande de Gaza assiégée et occupée.

Deuxièmement, les six derniers mois ont clairement illustré, une fois encore, le rôle problématique de l'Autorité palestinienne comme sous-traitant de l'occupation israélienne pour les questions de sécurité. Malgré la rhétorique ronflante de la direction de l'OLP (pas de son président) sur l'arrêt de la collaboration sécuritaire avec Israël, celui-ci reste cependant un mythe et, en réalité, la collaboration s'est intensifiée au cours des six derniers mois, comme l'a fièrement célébré la direction des services sécuritaires de l'AP.

Les (ré)actions de l'AP et de ses forces de sécurité sont une raison majeure qui explique pourquoi la vague actuelle de colère perd de son intensité en terme d'actions collectives, et privilégie les actions individuelles. L'Autorité palestinienne, qui est par définition et par conception une structure anti-révolution/anti-libération, a ajouté une autre série d'obstacles devant la jeunesse palestinienne en révolte, au cours des six derniers mois, pour la réalisation de ses droits politiques et humains. Le rôle problématique bien établi de l'Autorité palestinienne devient plus explicite dans les moments de soulèvement, où son devoir fondamental de "sécurisation de l'occupant" est clairement affiché.

Troisièmement, les jeunes Palestiniens, qui sont confrontés à un haut niveau de chômage variant entre 30 et 40 pour cent, sont frustrés, en colère et ils en ont assez des cycles récurrents d'échec et d'un horizon bouché. De nombreux observateurs axés sur les questions de sécurité ont estimé que cet état de frustration, d'impuissance et de désespérance est une menace à la stabilité de la région et une source de radicalisation qui ouvre un boulevard à l'arrivée de l'ISIS en Palestine/Israël. Cette conclusion sécuritaire est invalidée par les résultats des derniers sondages d'opinion qui montrent clairement qu'il n'y a pas d'espace ni d'environnement favorables pour l'ISIS.

En mars 2016, un sondage du Jerusalem Media and Communication Centre a montré des opinions négatives constantes envers l'ISIS, tant en Cisjordanie qu'à Gaza. Sur les sondés, 82 pour cent jugeaient négativement les actions d'ISIS et une majorité pensait qu'ISIS portait tort à la cause palestinienne. Un sondage conduit en mars 2016 par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, montrait que 88 pour cent des Palestiniens condamnaient ISIS et le considéraient comme un groupe radical qui ne représente pas le véritable Islam.

Quatrièmement, malgré les sacrifices du peuple, les dirigeants du Fatah et du Hamas continuent de refuser de parvenir à un authentique accord de réconciliation. Les actions des jeunes qui sont passés à l'actions directe ces derniers mois n'ont pas ébranlé la persistance de la division intra-palestinienne. Ce qui souligne que les arrangements actuels des deux partis, qui donnent la priorité aux dynamiques régionales et internationales plutôt qu'aux locales, sont bien commodes.

Les discussions récentes sur "réconciliation/partage du pouvoir" qui ont eu lieu à Doha pendant le soulèvement actuel des jeunes, ont montré que les deux partis, le Fatah et le Hamas, étaient réticents à faire des compromis et donc leur détermination dans l'échec. C'est seulement en se rapprochant du peuple que les responsables des deux partis peuvent optimiser l'ordre du jour de la réconciliation sur la scène politique actuelle.

Cinquièmement, les événements des six derniers mois montrent l'énorme fossé qui s'est creusé entre la population et les autorités/élite dirigeante, entre les voix venant d'en-dessous et celles venant de la soi-disant direction. Ce fossé montre combien les actions et les discours de la direction actuelle sont éloignés des revendications et des aspirations du peuple palestinien vivant en Cisjordanie occupée et à Gaza, sans parler de ceux qui vivent en diaspora et en exil ou dans les territoires 1948.

L'entretien télévisé que le Premier ministre de l'AP Rami al-Hamdallah a récemment donné au Deutsche Welle allemand, ou celui que le Président Mahmoud Abbas a donné à la chaine israélienne 2, illustrent parfaitement ce fossé. Le déni ou l'incapacité du Premier ministre à reconnaître les réalités du terrain en ce qui concerne l'Autorité palestinienne, et les remarques "étranges" du Président sur la collaboration sécuritaire et la nature violente des Palestiniens, montrent que les dirigeants et le peuple semblent vivre sur deux planètes différentes. Cette observation ne devrait surprendre personne car c'est une caractéristique de tout système politique qui ne met pas la population au cœur de ses préoccupations, et qui se maintient par des pratiques non démocratiques autoritaires.

Sixièmement, certains observateurs spéculent que des groupes armés pourraient prendre un rôle moteur et actif dans les trajectoires futures de la vague actuelle de colère des jeunes. Cependant, de telles spéculations ne prennent pas en compte deux questions essentielles liées aux conséquences du projet de réforme des services de sécurité de l'AP, et les pourparlers de paix habituels qui suivent tout soulèvement palestinien.

En tant que partie intégrante du projet de construction d'Etat post 2007 par l'AP, son secteur sécuritaire a été prioritaire aux niveaux politique et financier. L'objectif des campagnes de sécurité et de désarmement de l'AP, en particulier celle menée dans les "bastions de la résistance" en Cisjordanie occupée, fut de criminaliser la résistance armée, et de dépouiller les groupes armées de leur infrastructure et de leurs outils de résistance à l'occupation militaire israélienne. La "réalisation partielle" de ces deux objectifs a des conséquences directes sur la capacité des branches armées des partis politiques palestiniens à reprendre leur rôle militaire. Cette conclusion clé, en dépit de son apparente clarté, n'est pas suffisamment reconnue dans la plupart des sphères de la politique axée sur la sécurité.

Cependant, il est également intéressant de noter qu'en raison des luttes intestines du Fatah et des dynamiques régionales, les Palestiniens peuvent se trouver contraints d'avoir à gérer des affrontements violents et sanglants (provoquer par un chaos d'armes qui pourrait facilement apparaître sur la scène) à la suite des rivalités sur le "partage du pouvoir". Les "champions" de ces compétitions, en particulier et surtout au sein du Fatah, une fois de plus, donnent la priorité à leur agenda étriqué politique, personnel et régional, malgré les conséquences néfastes pour le peuple palestinien, sa sécurité et sa lutte.

Enfin, la preuve évidente tirée des trois dernières décennies montre que les cycles de confrontation et de soulèvements sont suivis de discussions et d'initiatives de "paix". Le bruit existant sur l'Initiative de paix française en est un exemple. On sait très peu de choses sur cette initiative de paix "invisible", mais ce qui est clair, c'est que les paramètres pour la paix restent calqués sur les anciens paramètres qui ont échoué, et la scène de "l'industrie de la paix" est dominée par les vieilles règles du jeu et les mêmes joueurs qui ont échoué. Par conséquent, il n'y a aucune raison d'être optimisme. Il faut trouver ailleurs des sources d'optimisme.

Source : Middle East Eye

Traduction : MR pour ISM

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