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Palestine occupée - 1 mai 2017
Par Badia Benjelloun
La bataille perdue
A la veille du 69ème anniversaire de la Naqba, l’expulsion en masse de plus de 800.000 Palestiniens de leurs foyers, soit près de 60% de la population, le Bureau Central des Statistiques du régime de Tel Aviv (*) publie le chiffre du nombre de citoyens israéliens résidant sur la totalité de la Palestine occupée, Cisjordanie, Jérusalem Est et Ouest, Nakab et le territoire conquis par les sionistes en 1948.
Ils seraient 8,68 millions. 74.7% sont juifs, 20,8% arabes (dénomination des autochtones Palestiniens).
Parmi ces 8,68 millions sont comptabilisés les Juifs vivant en Cisjordanie , à Jérusalem Est et même dans le Golan, mais pas les Palestiniens qui y vivent. Une estimation sérieuse évalue à 7,13 millions pour 2017 le nombre des Palestiniens en Palestine historique, soit la bande de Gaza, la Cisjordanie , Jérusalem est et Israël (1).
Par sa manière de présenter ses résultats, le Bureau des Statistiques israélien masque un fait depuis longtemps redouté par les gérants de l’entité occupante. Dès 2020 et peut-être même avant, les Palestiniens auront gagné la bataille démographique et dépasseront en nombre les émigrés juifs venus de tous les pays du monde et principalement d’Europe centrale.
La ‘solution’ des deux Etats a été rendue impossible tant les invaginations des colonies sont projetées très loin dans les 18% de la Palestine mandataire concédés aux autochtones en 1948. Elles réalisent un maillage qui a transformé la Cisjordanie en miettes. Il faut souvent attendre des heures pour se voir refuser le passage au franchissement des checkpoints postés à leurs points de jonction. Un Etat unique, ce qu’il est déjà fait, ne sera pas juif majoritairement, il ne sera jamais celui de tous ses citoyens tant que prévaudra l’idéologie sioniste. La poursuite de la colonisation, jamais interrompue depuis 1967, crée une situation d’apartheid plus dramatique que celle instituée en Afrique du Sud au moins pour deux raisons. (Le ministère de l’Habitat a annoncé une prochaine construction de 6.000 unités de logements dans les Territoires en février. Construire en se saisissant du foncier d’autrui est une activité criminelle bien lucrative.)
La majorité des Palestiniens sont des réfugiés, sur leur propre terre, dans des Etats voisins ou ont migré plus loin encore. Ce déracinement est la poursuite du traumatisme initial de la Naqba jamais cicatrisé.
Le processus d’Oslo a mis en place une Autorité payée par les soutiens d’Israël pour contrôler la population palestinienne, une sorte de gouvernement collaborationniste chargé d’assurer la gestion de la sécurité de l’occupant.
La guerre de la dignité à gagner
Le 17 avril est institué comme la Journée du Prisonnier politique palestinien. Cette année, elle a été l’occasion du lancement d’une grève de la faim par environ 1500 détenus, intitulée ‘Dignité et Liberté’. Leurs revendications portent sur des droits élémentaires, tels que l’accès aux soins médicaux, la possibilité de recevoir un enseignement par correspondance, un droit de visite par les familles et par les associations comme la Croix Rouge et la fin du régime de la détention administrative. Actuellement, ils sont 6.500 dans les geôles de l’occupant, dont 58 femmes et 300 enfants. 500 sont emprisonnés sur décision militaire sans motif d’inculpation. Le mouvement a été initié par Marwan Barghouti, l’un des chefs du mouvement Fatah condamné à plusieurs fois la perpétuité. Il l’a annoncé par la publication d’une tribune sur le New York Times
L’occupant a trouvé matière à se gausser de ce moyen ultime de se faire entendre, ultime car chacun sait les séquelles inévitables d’une telle épreuve pour ceux qui mettent ainsi leur vie en péril. Il prétend ne pas vouloir céder, ajoutant du discrédit à sa réputation déjà bien entamée aux yeux de la seule opinion qui compte, l’occidentale. Un rapport établi par l’Anti Defamation League et Reut Institute, un think-tank fondé par un ancien conseiller gouvernemental avec l’aide de nombreux autres lobbies pro-israéliens a reconnu l’inefficacité des actions menées pour décourager le mouvement BDS qui ne cesse de s’étendre et de se populariser malgré les énormes sommes engagées pour le contrer. Il demande le boycott, le désinvestissement et des sanctions contre l’Etat d’apartheid tant que celui-ci ne se met pas en conformité avec le droit international et n’a été considéré comme antisémite qu’une seule fois, en France. Il a même dépêché ou laisser faire une horde de provocateurs bientôt rejoints par des soldats qui ont organisé un barbecue au voisinage immédiat d’une des prisons les plus dures, celle d’Ofer (photo ci-dessous).
La prison est l’une des écoles politiques les plus performantes pour les Palestiniens. Elle vise à les briser, à détruire leur vie et fragiliser leurs liens familiaux par la séparation imposée et les frais liés à leur détention (amendes, transports pour les visites et absence de salaire pour le détenu quand il est le soutien de famille). Ils ont été 850.000 à passer par la prison politique de l’occupant depuis 1967, soit l’équivalent de 10 millions ramenés à l’échelle de la population française. Un rapport de l’ONU a recensé pas moins de 200 moyens de torture utilisés par l’occupant pour les soumettre et annihiler leur volonté voire leur identité profonde. Les interrogateurs israéliens ont été recrutés en nombre pour ‘traiter’ les Irakiens à Abou Ghraïb et au camp de Bucca, Les sévices et les opérations de contrôle mentaux qui y ont été pratiqués ont participé sans nul doute à la mue d’une fraction d’Al Qaïda en Daesh.
Au terme de ce supplice auto-infligé, les prisonniers gagneront, peut-être dans la mort même, contre l’Etat mafieux ethnico-militaire sinon leur liberté du moins rehausseront-ils leur dignité. Ils auront de plus affirmé en tant qu’instance politique de poids l’unité palestinienne. Toutes les obédiences ont soutenu unanimement l’appel d’un représentant emblématique du Fatah. Elles font fi du petit commerce de Mahmoud Abbas qui songe à exercer des rétorsions contre le Hamas en interrompant la paie des fonctionnaires à Gaza pour complaire au nouveau maître de la Maison Blanche.
Si nous sommes autant interpellés par la figure du Palestinien deux fois prisonnier de l’entité occupante, une première fois spolié de sa terre et incarcéré dans un système de barrages militaires, une deuxième fois mis en prison pour délit de résistance, c’est qu’il est une figure métonymique. Celle de l’effacement de notre identité au profit d’une dépersonnalisation instituée par une culture globaliste et de l’emprisonnement de notre esprit dans le cadre convenu construit par les agences médiatiques qui l’organisent.
Le Palestinien enfermé dans son ghetto dans la bande de Gaza ou dans sa prison de Megiddo est l’acteur malgré lui de la tragédie du 21ème siècle, celui que l’on sacrifie pour porter à incandescence notre conscience collective, celle qui englobe en la dépassant chacune de nos singularités d’humain toujours en construction et meurtrie.
Les guerres prédatrices ingagnables
Ainsi, l’entité sioniste n’est pas un désastre que pour les seuls Palestiniens. Si la connivence entre le régime de Tel Aviv et Daesh a été depuis le début de la guerre en Syrie fortement suspectée, elle est maintenant bien établie.
Elle soigne dans ses hôpitaux les mercenaires des multiples succursales d’Al Qaïda et de la nébuleuse Daesh blessés en Syrie. Elle constitue pour eux une base de repli. Moshe A’Alon proclamait publiquement en janvier 2016 préférer voir s’établir Daesh en Syrie plutôt que le maintien de Bachar Al Assad. Récemment, le même, maintenant démissionné de sa fonction de ministre de la Défense, reconnaît entretenir un canal de communication avec les mercenaires des takfiristes de Daesh. Ils se seraient excusés d’avoir pris par erreur des soldats israéliens pour cible. Par ailleurs, Israël se permet des incursions aériennes et envoie des missiles sur des points stratégiques syriens qui sont de véritables opérations de soutien et de dégagement des troupes takfiristes lorsqu’elles sont mises à mal par l’armée régulière syrienne . Ce sauvetage est rendu d’autant plus nécessaire que les diverses factions mercenaires s’engagent dans des règlements de compte meurtriers pour capter les mannes de millions de dollars descendues depuis le ciel des Séoud et des EAU. L’attaque du 27 avril d’un dépôt d’armes et de carburant près de l’aéroport de Damas est l’une des agressions que s’autorise encore Israël contre la Syrie en renfort des terroristes. Ce faisant, il cherche également à démontrer les failles de la couverture anti-missiles assurée par la Russie et la fiabilité de leur renseignement afin de conserver une clientèle qui se fie à la qualité de sa Sécurité.
Ces opérations d’assistance illustrent la convergence sinon l’identité des intérêts des deux formes de terrorisme, celui incarné par l’Etat israélien et celui des adversaires de la nation arabe syrienne et mangeurs d’organes humains au détour d’un sacrifice accompli au sabre.
Par delà l’Orient arabe mis à feu et à sang depuis des décennies, destruction préalable à l’expansion sioniste du Nil à l’Euphrate, Israël se trouve impliqué dans l’émergence de la nouvelle urgence pour les Usa, la Corée du Nord. La Corée socialiste est le substitut à peine déguisé du véritable adversaire asiatique de taille qui ne peut être abordé de front, la Chine. Mais la programmation de la mise en ligne de mire de la Corée du Nord, moins du sixième de l’Etat du Texas, est le fait des dirigeants sionistes. Le videur de boîte de nuit ukrainien Avigdor Lieberman a décrété que l’armement nord-coréen est clairement la plus grave menace de la paix dans le monde. Exit momentanément la toujours imminente menace iranienne. Campés comme toujours sur une arrogance bâtie sur les milliers de milliards de dollars extirpés aux Usa et à leurs contribuables, ils font circuler la fable que leurs proies sont des fous irrationnels. Kim Jung-Un n’est pas l’idiot incapable de réaliser qu’en cas de déclenchement intempestif de sa part d’une guerre avec le Japon ou les Usa, son pays et lui-même seraient pulvérisés en quelques heures au plus. Mais Tillerson n’a qu’à exécuter l’agenda du mentor de Trump, Jared Kushner, aussi jeune et globaliste que ses alter ego européens, Renzi et Macron, idéologues du creux vite comblé par la tradition belliciste néoconservatrice sioniste. Pour Israël, la Corée du Nord a commis le pire des péchés, et elle doit expier voire disparaître. En 2015, Pyongyang faisait remarquer à Netanyahu en visite au Japon que les forces d’occupation israéliennes foulaient au pied les droits légitimes du Peuple Palestinien.
Pour l’instant, le protectorat asiatique des Usa, la Corée du Sud, refuse de payer pour le système anti-missiles (Terminal High Altitude Area Defense ou THAAD). Il est très inquiet de l’impulsivité des généraux étasuniens qui eux peuvent mettre en danger l’existence de Séoul en déclenchant les hostilités avec le voisin du Nord.
Le grand danger planétaire est pointé ici, ce sont les Usa assistés d’Israël agents de déstabilisation tout azimut et jusque là inégalés dans leur activité d’intense ‘entropisation’.
La grève de la faim des prisonniers palestiniens, il s’agit de la 24ème grève collective depuis 1967, remet un peu de dignité et de vertu dans le désordre de ce monde livré à la folie de l’ici et du maintenant. Tous les Palestiniens la soutiennent, cette protestation qui préfère la dignité au prix de la mort.
Badia Benjelloun
* Tel Aviv : Colline du Printemps
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