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Liban - 18 août 2006
Par Joseph Samaha
L'auteur était rédacteur en chef du quotidien arabophone Assafir. Il vient de fonder Al-Akhbar.
Peut-être que les responsables français devraient se poser cette question : est-ce que notre pays est dans une position politique qui lui permet de jouer un rôle primordial au Sud Liban ?
D'un point de vue libanais, la réponse à cette question est non. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de larges secteurs politiques, populaires et officiels, qui n'espèrent ce rôle. Cela veut dire simplement que les conditions de l'exécution d'un tel rôle, dans un sud très sensible, ne sont pas encore réunies.
Le plus curieux est que les déclarations officielles françaises indiquent que Paris se pose les deux questions suivantes :
• la première concerne le partage des rôles entre tous les pays susceptibles de participer à la force internationale
• et la seconde concerne la nature de la mission dont serait investie cette force.
Les deux questions sont en fait en dehors du sujet essentiel. Ainsi la distribution des tâches, quelque soit la manière dont elle se sera faite, n'empêchera pas que les forces françaises, si elles venaient à y participer, en seraient la pierre angulaire, en l'absence des Anglo-américains et des hésitations des Allemands, tiraillés entre ce qu'autorise leur histoire et ce quelle n'autorise pas.
Quant à la nature de la mission, c'est une question qui touche à la conformité ou non de la mission dont serait investie la force internationale, avec la politique française vis-à-vis du Liban et de ses crises.
Et c'est là le problème, parce que la France n'est absolument pas dans la position de celui qui peut jouer un rôle constructif dans la région s'étendant du Litani à la ligne bleue. Pour être plus circonspect, disons qu'elle n'est pas actuellement dans cette position.
Depuis deux ans, la France est partie intégrante du problème et non pas de sa solution.
Quand le président Jacques Chirac se vante à Saint-Pétersbourg, quelques jours après le début de l'agression israélienne, d'être le véritable père de la résolution 1559, il ne fait que se définir comme une partie du Liban se dressant contre une autre.
La résolution en question a conduit en effet le Liban dans la zone des tempêtes et, même si elle a permis de "mettre fin" à la présence militaire syrienne au Liban, conduisant à une victoire par défaut, elle est loin de mettre le pays sur la voie du salut.
Tous ceux qui se remémorent les événements des deux dernières années peuvent s'en rendre compte.
La résolution 1559 est un des signes de l'alignement de la France sur la politique globale des USA au Moyen-Orient.
Cela signifie que Paris a accepté de partager le travail avec la Grande-Bretagne pour que chacun des deux anciens pays colonialistes rende service au nouveau maître colonialiste.
Aucune autre justification ne peut convaincre.
Dire que ces deux questions ne simbriquent pas l'une dans l'autre, c'est faillir à l'analyse politique et stratégique sérieuse.
Bien plus. On peut estimer que la conduite britannique en Iraq et celle de la France au Liban, ne sont pas seulement conformes à la ligne usaméricaine, mais à une certaine ligne usaméricaine spécifique, qui adopte totalement l'expansionnisme israélien sous divers motifs (Tzivi Lipni a rappelé que l'agression israélienne n'a dautre objectif que d'exécuter une décision française).
Une première lecture des positions françaises depuis le début de l'agression barbare israélienne, permet de révéler aisément leur grande similitude sinon leur conformité avec la politique usaméricaine (et israélienne).
Après sa rencontre avec le président Bush le 16 juillet 2006, là a veille du sommet de St Pétersbourg, Chirac est sorti pour dire : "Je suis très content parce que nos approches des problèmes sont les mêmes", ajoutant que "concernant le Liban, j'adhère totalement à l'idée exprimée par le président Bush sur la nécessité dappliquer la résolution 1559 et, il faut pour cela dissuader les forces qui menacent la paix, la stabilité et la souveraineté du Liban".
Le lendemain, il appela à une libération inconditionnelle des deux soldats israéliens prisonniers et dénonça "les roquettes qui…agressent Israël", accusant le Hezbollah de se soumettre à des ordres non-libanais.
Le Hezbollah "est une force qui frappe la stabilité du Liban" déclara-t-il, répétant les déclarations de Ehud Olmert, Amir Peretz et ce que claironne toute une fanfare libanaise.
Quand les projets de résolution avaient commencé à parvenir au Conseil de Sécurité, simultanément de Paris et Washington, ils étaient très proches des demandes israéliennes, y compris dans laspect concernant ce quenduraient les Libanais.
Alors qu'il soit clair, que c'est le piétinement de l'avancée des troupes israéliennes d'agression qui a poussé Paris à certaines révisions. Il n'est plus exigé de moduler totalement les positions libanaises pour servir les visées israéliennes, mais simplement d'introduire un peu de souplesse dans la politique israélienne pour protéger le gouvernement libanais.
Mais la suspicion demeure. On a prétendu que la France prend ses distances pour conserver ses chances d'avoir un rôle dans le sud.
Maintenant que les opérations militaires se sont arrêtées, que commencent les préparatifs en vue de faire venir les forces internationales et que les clivages libanais sur la manière d'interpréter la résolution 1701 apparaissent au grand jour, c'est l'heure de vérité qui approche.
Toute décision française concernant une présence de ses troupes dans le sud, doit être conçue dune manière foncièrement différente d'une participation à une réunion à Kornet Chawane* ou ailleurs.
Les troupes françaises ne seront pas accueillies comme des troupes de libération ou de maintien de la paix. Elles seront accueillies comme l'instrument venu compléter luvre dans laquelle a échoué Israël. Cest la stricte vérité. Cest la réalité.
La terre du Sud est aujourdhui hostile à une présence française qui sera animée principalement par la politique française de ces deux dernières années. Si la France veut se donner un rôle réellement positif, elle connaît la voie qui y mène et l'adresse libanaise à laquelle elle doit sadresser.
NOTES
*Kornet Chawane est une localité libanaise du Mont-Liban ou se sont tenues les assises de la direction chrétienne, en grande majorité maronite, avec un représentant du patriarcat maronite, pour constituer une opposition au président libanais Emile Lahoud, maronite mais patriote;
Kornet Chawane a regroupé tous les anciens chefs de guerre (Gemayel, etc.......) et les veuves des chefs de guerre assassinés ou emprisonnés (Sétrida Geagea, Nayla Mouawad etc.) et s'est allié à Hariri quand il a commencé à se détacher de la Syrie (NDT).
Traduit de l'arabe par Ahmed Manaï, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es
Source : http://www.alintiqad.com/
Traduction : Ahmed Manaï
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