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France - 21 novembre 2004
Par Silvia Cattori
Entretien réalisé par Silvia Cattori
A Hébron nous avons toujours vécu en totale harmonie avec eux.
L’Intifada n’est pas une maladie, c’est une réaction.
Juifs et arabes ont vécu en bonne entente durant des siècles. Le seul problème est apparu avec la création d'Israël et l'occupation des terres des Palestiniens.
Les droits des Palestiniens doivent dépendre de la communauté internationale et non d'Israël. Il faut mettre un terme à cette longue tragédie.
La religion devrait rester hors du champ politique. Pourquoi dès lors, lorsque l’on est athée et laïc, se préoccuper de religion ?
Parce que nous venons à penser que l’intervention du facteur religieux ne peut être ignorée de ceux qui veulent comprendre ce qui est à l’arrière fond de la politique de domination qu’Israël exerce sur ses voisins arabes.
Les Rabbins Dovid Weiss, Moshe Beck, Moishe Arve Friedman, par exemple, appartenant à un mouvement qui combat farouchement le sionisme, apportent un éclairage étonnant. Vêtus de cette tenue traditionnelle tout droit sortie du Moyen Age, leur aspect contraste singulièrement avec l’originalité de leur discours.
C’est pourquoi, leur venue à Paris, pour exprimer leur pleine solidarité à Yasser Arafat, alors mourant à l’hôpital de Clamart, n’est pas passée inaperçue.
Désignés comme des ennemis, aussi bien par les sionistes de droite que de gauche, ils critiquent vertement un certain judaïsme et considèrent comme un crime et une honte les conditions dans lesquelles Israël entend se défendre, et voient cette attitude comme une usurpation perpétrée au nom de la religion juive.
A ceux qui disent que «la Terre Sainte appartient aux juifs», ils rétorquent que, revendiquer cette terre, est une véritable «escroquerie».
La Palestine appartient au peuple Palestinien, selon le Rabbin new-yorkais Dovid Weiss, dont nous reproduisons les propos, ci dessous.
S. Cattori
Que signifie le nom «Neturei Karta» (1)?
«Neturei Karta», signifie «gardiens de la cité», par opposition aux forces de l’ordre, qui sont des éléments «destructeurs» en vérité. Les vrais protecteurs, d’une communauté humaine quelle qu’elle soit, sont les sages et les hommes pieux.
De quand date la création de l’organisation Neturei Karta?
Créé en 1938, à Jérusalem, par des dissidents du parti orthodoxe Agoudat Israël, «Naturei Karta» rassemble actuellement des dizaines de milliers de membres en Israël et des centaines de milliers dans le monde, principalement à New York et à Londres.
Le nom de «Neturei Karta» s’applique à ceux qui parmi les juifs, refusent le sionisme.
Il ne s’agit pas d’une organisation structurée comme telle. Toutefois notre groupe a le statut d’observateur à l’ONU.
Nous ne sommes nullement des parias ou une secte, comme voudrait le faire croire le journal Jewish Week par exemple.
Nous considérons que l'idée même d'une souveraineté temporelle juive est contraire à l'enseignement de la Torah.
Le mouvement «Neturei Karta» est réputé à la fois religieux orthodoxe, et antisioniste. Comment conciliez-vous ces deux positions ?
Les milliers de sages et de saints qui, se réclamant de la Torah et se battent contre le sionisme depuis la fin du XIX° siècle, aiment profondément le peuple juif.
L’antisionisme était très largement majoritaire parmi les juifs jusqu’en 1948. Cela allait de Chaim Soloveichik et Shalom Dov Ber Loubavitch (1866-1929) en Europe de l’Est, jusqu’à Samson Raphael Hirsch en Allemagne, et Shlome Eliezer Alfondri au Maroc.
Toutes ces personnes étaient convaincues que le sionisme ne pouvait qu’avoir des effets catastrophiques sur les juifs, tant au plan spirituel que matériel.
Cela se confirme malheureusement, un peu plus chaque jour qui passe.
Est-ce que Neturei Karta est basée en Israël ?
Pendant des siècles, des juifs pieux se sont installés en Terre Sainte pour y honorer Dieu. Il y eut un afflux à la fin du XIX° siècle, principalement à Jérusalem.
Dans toute la Palestine, ces groupes de juifs venus du monde entier, donnaient l’exemple du bon voisinage avec les autochtones arabes.
Quelles sont vos relations avec les juifs orthodoxes qui ont accepté de jouer un rôle politique à l’intérieur de l’Etat d’Israël ?
Il s’agit de personnes qui partagent notre anti-sionisme mais qui, pour des raisons pragmatiques, pratiquent le dialogue avec les autorités israéliennes. Nous sommes d’accord sur le fond.
Toutefois nous sommes plus rigoureux : nous refusons de servir dans l’armée israélienne, nous n’acceptons aucune aide financière de l’Etat israélien, nous refusons de participer aux processus électoraux.
D’ailleurs nous ne voulons pas mettre les pieds en Israël.
Les sionistes de gauche vous combattent, les antisionistes vous ignorent.
N’avez-vous pas l’impression de prêcher dans le désert ?
La gauche israélienne elle-même a perdu la foi dans son éphémère idéologie.
Voyez par exemple la position désabusée des «nouveaux historiens» tels Benny Morris qui attaque vivement les mythes fondateurs de l’Etat d’Israël.
Quant à la droite israélienne, elle qualifie les dirigeants israéliens de traîtres !
Les uns et les autres ne voient pas d’issue à l’imbroglio politique et militaire - véritable chaudron de la haine - que l’Etat d’Israël a mis en place.
Il est à relever ici que les « religieux sionistes » considèrent eux-mêmes, maintenant, que l’Etat israélien a trahi le «véritable sionisme».
Tout cela démontre qu’ils sont à la recherche d’un nouveau positionnement.
Ainsi d’après vous, le judaïsme n’est pas une affaire d’ethnie ou de culture ?
Nullement. Le judaïsme est exclusivement une communauté de foi, et ceci depuis l’époque de Moïse.
La promesse divine révélée sur le Sinaï, concernant la possibilité pour les juifs de vivre sur la Terre Sainte, n’avait rien à voir avec un privilège inconditionnel.
Au contraire, leurs péchés devaient les mener à l’exil et à des châtiments cruels.
Les juifs ont donc failli à leur mission ?
Par deux fois, ils ont failli. C’est pourquoi le Temple de Jérusalem a été détruit deux fois. Et ils vivent actuellement leur second exil. L’exil a pour but de rabaisser notre orgueil, et de nous faire prendre conscience de nos péchés.
Mais l’exil aura bien une fin ?
Les seuls moyens efficaces pour en finir avec l’exil sont d’ordre spirituel : la repentance et les vertus qui en sont indissociables : la prière, l’étude de la Torah et les bonnes actions.
Ni la puissance militaire ni les pressions politiques ne mettront fin à l’exil.
L’agression envers les autres peuples est catastrophique.
Au niveau mondial, maintenant, le sionisme amène un grand nombre de musulmans à considérer les juifs comme leurs ennemis.
Et aussi à voir dans les Etats-Unis leurs ennemis, alors qu’avant 1948 c’était tout le contraire.
Le ressentiment d’une grande partie du Tiers monde contre les Etats-Unis découle de leur soutien politique et militaire à la cause sioniste.
Autrefois, tous les juifs reconnaissaient l’exil comme un juste châtiment. Cela a duré deux mille ans, et cette conscience était, précisément, le remède à l’exil.
Quelles sont vos relations avec les différents peuples parmi lesquels vous résidez ?
Samson Raphael Hirsch, dirigeant de la communauté juive allemande au XIX°siècle, insistait sur notre devoir de vivre et de travailler dans chaque pays en véritables patriotes des lieux où nous résidions.
Ceci pour que nos énergies, matérielles, physiques, spirituelles, soient mises au service des nations qui nous offrent l’hospitalité.
Voilà pourquoi Dieu nous enjoint de ne jamais chercher à rétablir notre nation par nous-mêmes, et de ne jamais manquer de loyauté envers ceux qui nous acceptent.
L’antisémitisme est-il toujours un danger de nos jours ?
Il y a des menaces réelles. Il y a des menaces qui n’ont que l’apparence de la réalité. Et il y a encore des menaces fomentées par les sionistes.
Il ne faut pas être surpris s’ils suscitent un énorme ressentiment parmi les « gentils », tant musulmans que chrétiens.
Vous considérez donc le sionisme comme un négationnisme par rapport à la volonté divine ?
Absolument, c’est une négation de l’essence spirituelle du peuple juif et de la providence divine quant aux affaires humaines. Le sionisme est une conséquence des frustrations de juifs non croyants comme Théodore Herzl.
Ces gens-là reniaient la Torah et reniaient Dieu.
Ils ont prêché le bain de sang et ont plongé les Anglais, les Arabes et les juifs dans une spirale de violence.
Le sionisme est un révisionnisme impudent par rapport au sens traditionnellement donné à notre exil.
Dès le départ, les sionistes ont envisagé de faire couler des fleuves de sang pour atteindre leurs buts. La terreur et la contre terreur, les expropriations, la guerre dès qu’une guerre se termine, voilà ce qu’est devenue la vie quotidienne des Juifs et des Arabes.
Les innocents, et trop souvent les femmes et les enfants, font les frais de cette tragédie.
L’Amérique et l’Occident tout entier sont enracinés dans le sionisme.
S’ils ne participaient pas au bain de sang au Moyen Orient, il n’y aurait aucun problème avec le Tiers Monde, ni aucun «terrorisme ».
Les tentacules du sionisme sont tels que les pays occidentaux sont ses laquais, ce qui donne une dimension mondiale au conflit.
Tout cela était parfaitement prévu dans le Talmud, qui a multiplié les avertissements.
S’agit-il d’une opposition entre matérialistes et spiritualistes ?
Les sionistes commettent l’erreur effroyable de nier l’Esprit. Ils croient qu’ils obtiendront le salut par des moyens matériels, dont l’agression.
Et ils sont fiers de faire état d’une structure politique renforcée par une armée ; ils voudraient imposer à tous les juifs leurs projets, et menacer ceux qui s’y opposent.
Aussi ils font tout ce qu’ils peuvent pour anéantir les hommes politiques et les auteurs non juifs qui remettent un tant soit peu en question leurs revendications.
Le sionisme est susceptible d’envenimer les relations entre juifs et non-juifs ?
Exactement. Car ses effets néfastes vont très loin.
Pour bien des juifs de par le monde, le sionisme a tragiquement remplacé la foi ancienne.
C’est au point qu’ils ne se comprennent plus eux-mêmes, à partir du moment ou une loyauté nationale vide de sens est leur seule règle de vie.
L’agression permanente des juifs, en guerre perpétuelle contre leurs voisins non juifs, est immorale.
Ils ont créé des organisations juives qui prétendent contrôler les peuples, les nations et les autres religions, sous prétexte de défendre les intérêts juifs. Mais en fait, ce sont eux qui les mettent en danger.
Il y a des sionistes qui s’emploient à dicter à des groupes raciaux ou ethniques ce qu’ils doivent dire ou ne pas dire, croire ou ne pas croire et qui passent leur temps à humilier et à exiger des excuses.
Depuis les prêtres jusqu’aux nationalistes noirs, tous doivent inlassablement demander pardon aux juifs, pour des torts réels ou imaginaires.
Et ne parlons pas du harcèlement financier qu’ils ont fait peser sur les Allemands ou les Suisses, constamment sommés de verser des «réparations».
Réparations financières, dans le cas de la Suisse, sans rapport avec le moindre dommage réel. Ce chantage va du boycott économique jusqu’à des mises en quarantaine diplomatiques.
Le sionisme est donc pour vous une menace ?
Écoutez, les sionistes influencent les gouvernements. Ils leur font faire des guerres et organiser des embargos en fonction des retombées éventuelles sur Israël.
Et les hommes politiques américains sont soumis à des pressions ou menacés de toutes les calomnies s’ils ne sont pas suffisamment loyaux… à Israël !
Si jadis les juifs étaient l’humilité même, et inspirés par la foi, maintenant ils se caractérisent par leur triomphalisme sécularisé.
L’énorme accumulation de richesses et de pouvoirs par le sionisme rend difficile la transmission du message de la Torah.
Le sionisme amène les communautés de toute nature à se dresser les unes contre les autres, à se dresser contre ceux qu’ils considèrent, à tort, comme représentants du judaïsme. Or, ces tensions sont encouragées par le sionisme.
A force d’arrogance envers les non-juifs, par étapes successives : «d’abord on va vous instruire ; ensuite on va vous combattre ; à la fin on va vous arrêter», les sionistes ont révélé leur insensibilité à l’égard de leurs voisins et leur mépris complet de leurs droits humains.
Si bien qu’ils alimentent l’antisémitisme et exaspèrent les esprits.
Ceci pour dire que les sionistes ont besoin de l’antisémitisme.
Là où l’antisémitisme n’existe pas, ils le fabriquent. Voilà pourquoi et comment Israël est devenu le pays le plus dangereux au monde pour les juifs. Après cinq guerres sanglantes, tout le monde y vit dans la terreur.
Contrairement à l’image «machiste» du sioniste, les juifs sont aujourd’hui plus faibles que jamais. En nombre, nous sommes insignifiants.
La Bible nous enjoint d’être «un royaume des prêtres et une nation sainte», et les possessions matérielles ne devraient être que des moyens pour faire régner la justice et l’amour envers tous les humains.
La Terre Sainte, comme toute terre, nous rejette dès lors que nous prétendons y exercer notre domination.
Vous êtes donc en faveur de l’autodétermination des Palestiniens sur toute la Palestine historique ?
Bien sûr, les Palestiniens doivent pouvoir s’appuyer sur leur propre gouvernement. Il nous est interdit de les voler, de les expulser, de les assujettir comme Israël le fait. Il est tragique que tous ces abus se pratiquent au nom du judaïsme.
Nous sommes venus ici en France pour exprimer notre solidarité au président Arafat et sa famille.
Les Arabes ne nous haïssent nullement.
A Hébron nous avons toujours vécu en totale harmonie avec eux.
L’Intifada (le soulèvement Palestinien) n’est pas une maladie, c’est une réaction.
Juifs et arabes ont vécu en bonne entente durant des siècles. Le seul problème est apparu avec la création d'Israël et l'occupation des terres des Palestiniens.
Les droits des Palestiniens doivent dépendre de la communauté internationale et non d'Israël. Il faut mettre un terme à cette longue tragédie.
Le sionisme est un dévoiement de la religion juive. C'est le sionisme qui provoque aujourd'hui, comme hier, l'antisémitisme.
On vous a vu brûler des drapeaux israéliens dans des manifestations.
Cela signifie-t-il que vous mettez l’idée de retour des réfugiés palestiniens au centre du débat ?
Bien sûr, car la Palestine appartient aux Palestiniens.
L'idée d'une solution provisoire avec deux Etats côte à côte n'est ni juste ni viable.
Et les sionistes ne sont pas les représentants des juifs.
Ce sont des imposteurs !
Une fois l’Etat d’Israël démantelé, nous sommes convaincus que les citoyens de toute confession auront leur place dans le nouvel Etat, s’ils respectent les lois.
Quelles sont vos relations avec les musulmans ?
L’un de nos dirigeants, le rabbin Yosef Chaim Sonnenfeld, a entretenu des relations d’amitié et de confiance avec les dignitaires arabes, auxquels il rendait visite en toute humilité.
Avec les Arabes chrétiens, nos relations sont également amicales.
Mais cette harmonie ne semble-t-elle pas maintenant bien utopique ?
Le système soviétique s’est écroulé en une nuit. Il en sera de même pour le sionisme.
L’Etat d’Israël doit être démantelé pacifiquement et sans plus tarder.
C’est l’esprit, la prière, qui en viendra à bout.
Nous demanderons pardon aux Palestiniens, et ensuite nous leur demanderons humblement l’autorisation de séjourner parmi eux.
(1) www.nkusa.org
Sur les origines du mouvement, voir :
Exile and Redemption : the Torah Approach, Neturei Karta, P.O.B. 81, Monsey N.Y. 10952.
et Yeshivas Bais Yehudi, 102 Saddle River Rd, P.O.B. 256, Monsey, N.Y. 10952 .
An introductory Exploration of Zionism, Jewish-Gentile Relations and the Recent Dialogue With the Nation of Islam, By a Friend of Neturei Karta.
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