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Gaza - 25 août 2005
Par Jonathan Feiser
Notre commentateur est aujourd’hui un analyste en matière de renseignement qui travaille pour le gouvernement des Etats-Unis, avec une spécialisation dans le domaine de l’Islam politique et des évolutions historiques et sécuritaires du Moyen-Orient, en sus de ses contributions à PINR. Il est diplômé en politique publique et en histoire américaine de l’Université de Pennsylvanie
La phase militaire du retrait de Gaza passant à la vitesse supérieure, les leaderships politiques, dans les deux camps, sont irrémissiblement investis du succès de ce désengagement.
Sur le terrain, au sein de la société palestinienne, l’avenir de la région en général et de la bande de Gaza en particulier – il en va bien évidemment de même pour la Cisjordanie – continue incontestablement à figurer en bonne place sur l’agenda politique du Hamas.
Comment garantir un retrait permanent ?
Pour des raisons d’opportunité et de relations publiques, dans la phase présente, la plupart des Palestiniens veulent éviter toute forme de représailles militaires directes d’Israël. Ils ont conscience qu’il en va de leur intérêt bien senti de démontrer leur capacité Ã gérer le retrait israélien, et aussi les implications de la période qui y fera suite.
De plus, il en va de l’intérêt du mouvement qu’ils soutiennent majoritairement, le Hamas, qu’aucune attention négative, tant politique que militaire, ne soit attirée sur lui durant cette phase extrêmement délicate de réalignement politique.
De plus, c’est seulement dans le giron de la campagne en vue de "frontières défendables" pour Israël que le "modèle gazaoui" de la bonne gouvernance et de l’assomption des responsabilités sécuritaires est susceptible d’être appliqué.
Une intervention militaire des FID [Forces Israéliennes de Défense] [= « Tsahal »] en représailles à une quelconque intervention du Hamas aurait très vraisemblablement pour effet d’obérer de manière fatale la légitimité dudit modèle gazaoui et, en tant que problème interne à Israël, de donner plus d’audace à d’aucuns, qui ambitionnent d’arracher le pouvoir des mains du Premier ministre Ariel Sharon.
La nécessité impérieuse pour le chef de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, de contrêler les évolutions sur le terrain afin de s’arroger les succès dès qu’il en apparaît(rait) [ ?] demeurera un thème permanent de la phase du retrait.
De fait, tout succès sur le terrain restera intimement conditionné à sa propre légitimité et à celle de son pouvoir en Palestine, d’une manière générale et à Gaza, en particulier.
Néanmoins, la légitimité du Hamas demeure une force gravitationnelle puissante.
Une jeune génération de Palestiniens – qui ne sont pas liés émotionnellement au nationalisme inspiré par feu le dirigeant palestinien Yasser Arafat et qui ont toujours vécu dans des camps de réfugiés – préfère écarter la vieille garde constituée des dirigeants de l’AP qui s’accrochent à leur pouvoir.
Même si le retrait israélien aura pour conséquence directe un renforcement transitoire du pouvoir d’Abbas, cette lune de miel risque fort de ne pas durer bien longtemps.
Quand bien même les Etats-Unis et l’Onu apporteraient-ils une aide économique conséquente [aux "autorités" palestiniennes], le Hamas – d’ores et déjà largement plébiscité par la majorité des Palestiniens, ne tardera pas à se retrouver dans une position favorable sans aucun équivalent pour marchander son accession au pouvoir.
Conclusion
A long terme, la préoccupation première du Hamas sera d’ordre politique (de fait, toute action qu’il prendra dorénavant sera largement politique, en raison des élections annoncées).
En s’abstenant d’attaquer l’armée israélienne et les éléments de l’AP qui gèrent l’évacuation de Gaza, le Hamas acquerra un levier supplémentaire dans la bataille des relations publiques, hautement déterminante, entre lui-même et l’establishment impopulaire de la vieille garde du Fatah et de l’Autorité palestinienne.
Tout en prenant patience, le Hamas va poursuivre sa routine en matière de tactique, de techniques et de procédures militaires, consistant à stocker, à passer en contrebande et à dispatcher des armes et des munitions.
De plus, le vide sécuritaire qui ne manquera pas de s’installer du fait de l’absence des checkpoints sécuritaires de l’armée israélienne ne pourra, Ã l’évidence, qu’encourager une contrebande intensifiée.
Si des affrontements sporadiques entre des membres de la "marge exaltée" du Hamas et l’armée israélienne + les forces de sécurité de l’AP risquent toujours de se produire de manière localisée, le plus gros du Hamas continuera peu ou prou à observer la plus grande retenue.
Sans aucun doute, une des facettes de la grande force du Hamas réside dans le désenchantement d’une majorité des jeunes Palestiniens qui ont passé toute leur vie dans des camps de réfugiés – et qui par conséquent ne connaissent (et – sans doute plus important encore – ne ressentent) pas grand-chose de la vision arafatienne, sauf peut-être sa plaidoirie non dissimulée pour l’instauration d’un Etat recouvrant la Palestine historique ["greater Palestinian state" ? ndt].
L’un dans l’autre, le Hamas continuera à se battre pour conquérir les cœurs et les esprits des Palestiniens.
Ajoutons à cela le fait que la rhétorique d’Abbas semblera bien falote, comparée aux efforts historiques déployés sur le terrain, qui ont constamment donné une légitimité à la vision du Hamas, contrairement à l’incapacité et à l’inutilité démontrées de l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP] et de ses officines politiques.
Source : Power and Interest News Report (PINR)
Traduction : Marcel Charbonnier
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