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Gaza - 12 mars 2021
Par Adnan Abu Amer
12.03.2021 - Le Hamas nous a tous surpris lorsqu’il a annoncé les résultats de l’élection à sa direction dans la bande de Gaza ; elle a été remportée par le dirigeant actuel du territoire, Yahya Sinwar. Il a battu son grand rival Nizar Awadallah, qui a recueilli 147 voix contre 167 pour Sinwar, sur les 320 membres du Conseil consultatif de la Shura de Gaza. Il a fallu quatre tours de scrutin pour désigner un vainqueur clair.
Yahya Sinwar (à g.) et Nizar Awadallah (Photo: Shutterstock)
On se demande pourquoi Awadallah a perdu face à Sinwar, et pourquoi ce dernier n'a gagné qu'après un quatrième vote, ce qui signifie que la moitié des dirigeants du mouvement n'ont pas voté pour lui. Comment va-t-il diriger le Hamas dans le territoire jusqu'en 2025, et quelles seront les relations avec Israël, l'Autorité palestinienne et la communauté internationale ?
Sinwar est le deuxième dirigeant du Hamas à avoir une formation militaire et de sécurité, ce qui a suscité des spéculations sur les politiques à venir, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et sur la manière dont sa réélection pourrait se traduire en termes de relations régionales du mouvement. Sa victoire suggère-t-elle que l'aile militaire domine désormais le mouvement ?
Sinwar, l'un des responsables militaires les plus éminents du Hamas depuis sa fondation en 1987, a été arrêté par Israël en 1988 pour avoir mis en place la structure de sécurité du mouvement et a été condamné à quatre peines de prison à vie. L'homme de 58 ans a été libéré dans le cadre de l'accord d'échange de prisonniers de 2011 contre la libération du soldat israélien Gilad Shalit.
Il a occupé plusieurs postes de direction au sein du Hamas et est membre de son bureau politique depuis 2012, chargé de la coordination entre les ailes politique et militaire. Depuis 2015, il est chargé du dossier sur les soldats israéliens qui ont été capturés par le Hamas lors de l'offensive militaire israélienne de 2014 contre Gaza.
Au cours de son premier mandat à la tête du Hamas à Gaza à partir de 2017, Sinwar a acquis une expérience politique, et s'il est vrai qu'il dispose d'un grand pouvoir et d'une grande influence au sein du mouvement, en particulier de l'aile militaire, il n'est pas exact de dire qu'il détermine la stratégie globale. Ce n'est pas ainsi que fonctionne le Hamas, aussi puissant et charismatique que soit le leader.
La victoire de Sinwar est conforme aux règles du Hamas régissant son processus électoral interne. Cela pourrait indiquer que l'aile radicale commence à dominer à Gaza, et que l'aile plus pragmatique représentée par Awadallah est en déclin. Néanmoins, la structure du mouvement implique que les décisions cruciales sont soumises aux principaux conseils de la Choura, dont les membres viennent de Palestine et de la diaspora, de sorte que l'impact de Sinwar sur les politiques n'est pas inévitable.
Malgré tout, sa réélection signifie que ceux qui pensent qu'un mouvement de résistance doit être dirigé par une personne ayant une expérience militaire semblent l'avoir emporté, du moins à Gaza. D'autres pensent que le Hamas aurait dû injecter un peu de sang neuf dans la direction, et Awadallah était considéré comme un candidat solide, même s'il n'a pas eu beaucoup d'exposition médiatique et publique.
La réélection de Sinwar à la tête du Hamas à Gaza, même s'il a fallu quatre tour de scrutin, signifie que le centre de décision du mouvement et ses institutions dirigeantes peuvent rester sur le territoire. Il conserve une présence militaire et organisationnelle importante et reste le siège du pouvoir encore incontesté du Hamas.
Les hauts responsables du Hamas ont saisi l'occasion de l'élection pour mettre en avant les références démocratiques du mouvement ; aucune mention n'a été faite à d'éventuels changements de politique. Il n'a certainement pas été question d'un coup d'État, ni d'allégations selon lesquelles l'aile militaire contrôlerait le bureau politique ; l'accent a été mis sur la direction élue plutôt que sur une approche descendante de la prise de décision.
Le Hamas estime que la victoire de Sinwar, malgré les diverses réactions à sa réélection, incarne ses branches politique et militaire, qui suivent toutes deux les décisions du commandement et s'abstiennent de monopoliser le processus décisionnel ou d'imposer des opinions personnelles. Le résultat du scrutin signifie qu'il est susceptible d'adopter une vision plus globale, en élargissant ses cercles de consultation avec les responsables politiques du mouvement, bien qu'il privilégie les commandants militaires opérant sur le terrain. En tant que chef du Hamas à Gaza, Sinwar, qui est efficace et influent, dispose d'une marge de manœuvre et peut étendre son influence au sein du mouvement et au-delà.
Son style de leadership est différent ; il ne s'agit pas de la méthode traditionnelle du Hamas qui consiste à prendre des décisions en toute discrétion. Avec un nouveau mandat devant lui, il peut maintenant se sentir enhardi à prendre de grandes mesures sans tenir compte de considérations plus larges. Cela pourrait susciter quelques inquiétudes au sein du mouvement.
Il est trop tôt pour prédire ce qu'apportera le second mandat de Sinwar, en dehors de tout préjugé à son encontre et de ce qui est dit sur ses prétendues tendances extrémistes et son approche militaire. Il est plus qu'un commandant de plus qui remplit son rôle parmi les autres dirigeants du mouvement, et il pourrait bien ressentir le besoin d'apaiser les inquiétudes liées à sa réélection dans les territoires palestiniens et les pays voisins. De telles inquiétudes ont été soulevées par Israël, et Sinwar pourrait donc prendre des mesures prudentes pour gérer les relations du mouvement avec l'État d'occupation. Bien entendu, la dynamique de ces relations est fonction de ce que l'occupation peut imposer aux Palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza.
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM
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