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Cisjordanie occupée -

La réification de Ramallah sape la possibilité que Jérusalem devienne la capitale palestinienne

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03.05.2010 – De nombreuses organisations de la société civile ont souligné le rôle du tourisme dans la légitimation ou la progression du vol de terres par Israël en Cisjordanie, mais peu d'entre elles décrivent comment les investissements touristiques de l'Autorité palestinienne (AP) peuvent également saper les appels palestiniens à l'autodétermination. Les investissements de l'AP à Ramallah, en particulier dans les bâtiments et monuments gouvernementaux, renforcent le projet israélien qui consiste à refuser aux Palestiniens une capitale à Jérusalem.

La réification de Ramallah sape la possibilité que Jérusalem devienne la capitale palestinienne

Tout au long de leur histoire de colonisation, les Palestiniens ont officiellement confirmé que Jérusalem était la capitale de la Palestine. Bien que l'AP invoque cette position à plusieurs reprises, beaucoup de ses investissements se sont concentrés sur Ramallah, le centre administratif temporaire de l'AP. Malgré l'absence de juridiction légale de l'AP sur Jérusalem-Est, ses investissements à Ramallah obscurcissent ce statut provisoire. En particulier, les sites construits pour commémorer des moments clés de l'histoire nationale, tels que les monuments et une concentration de sièges d'agences gouvernementales d'importance architecturale, ont une signification universelle de capitale. Comme le soutient l'universitaire et urbaniste palestinien Anwar Jaber, ce "paradoxe de Ramallah en tant que centre gouvernemental" et en tant que site d'un tel investissement peut être en contradiction avec la vision nationale palestinienne en ce qui concerne Jérusalem. (1)

Réifier Ramallah

Le siège actuel de l'AP est connu sous le nom de Muqata'a, dans le centre de Ramallah. Historiquement une prison britannique dans les années 1940, puis un complexe militaire pendant la période de gouvernance jordanien, les autorités israéliennes ont converti le bâtiment en prison et en base militaire après 1967. Il a été remis à l'Autorité palestinienne après les accords d'Oslo de 1994. Pendant la deuxième Intifada, l'armée israélienne a assiégé le président palestinien Yasser Arafat à la Muqata'a, et une grande partie du complexe a été détruite. Arafat a été enterré dans la Muqata'a en 2004 après que le Premier ministre israélien Ariel Sharon ait rejeté son souhait d'être enterré à Jérusalem. Plus tard, l'AP a construit un mémorial et un musée dans la Muqata'a, établissant physiquement une importance nationale supplémentaire au site.

Ces investissements publics dans le développement de Ramallah complètent la vision néolibérale d’édification de l'État du fayyadisme, du nom de l'ancien Premier ministre Salman Fayyad, qui, durant son mandat 2007-2013, a défendu une multitude de projets de ce type. Beaucoup ont critiqué le fayyadisme pour les inégalités qu'il a propagées ainsi que pour avoir facilité la création d'une zone illusoire de liberté palestinienne à Ramallah, en partie en attirant des investissements privés dans les institutions culturelles. Depuis 2007, au moins cinq nouveaux musées ont ouvert leurs portes dans la ville, parmi de multiples autres sites d'importance culturelle. Dans le même temps, les autorités israéliennes ont fermé les institutions culturelles palestiniennes à Jérusalem-Est.

Ramallah est également l'une des rares villes palestiniennes que les touristes visitent dans le cadre de voyages parrainés par les sionistes qui cherchent à transmettre une vision "bilatérale" du "conflit". Pourtant, l'apparente prospérité de Ramallah, avec ses importants investissements économiques et culturels nationaux qui présentent un tableau rose pour les visiteurs, est en fait couplée à, et rendue possible par, la coordination sécuritaire entre l'AP et l'armée israélienne, de sorte que le président palestinien Mahmoud Abbas doit demander à Israël une permission militaire pour voyager.

En outre, malgré le contrôle civil et militaire accordé à l'AP à Ramallah, qui fait partie de la zone A selon les accords d'Oslo, l'armée israélienne effectue fréquemment des raids nocturnes et des arrestations massives et soudaines dans la ville, brisant ainsi l'illusion de l'exceptionnalité de Ramallah dans le contexte plus large de l'occupation israélienne. Il en résulte une réalité dans laquelle l'AP peut être considérée au moins comme un co-conspirateur implicite de la répression par Israël des droits et de l'autodétermination des Palestiniens.

Pendant ce temps, les investissements physiques dans la capitale économique, gouvernementale et culturelle de Ramallah établissent des "faits sur le terrain" qui obscurcissent les revendications palestiniennes pour une capitale à Jérusalem. De tels investissements ont des implications majeures pour la forme future d'un État qui inclurait les Palestiniens. L'accord du siècle, le soi-disant "plan de paix" de Trump, stipule que 50 milliards de dollars d'investissements seront disponibles pour l'AP si elle accepte les conditions humiliantes de l'accord, qui nécessiteraient de céder davantage de territoire à Israël et d'abandonner les poursuites de la Palestine contre les crimes de guerre israéliens devant la Cour pénale internationale. L'utilisation proposée des fonds vise à relancer l'économie uniquement dans les parties de la Palestine qu'Israël et les États-Unis autoriseraient à exister et à se développer dans le cadre de leur plan.

Par exemple, alors que le plan prétend établir une capitale palestinienne dans des parties de Jérusalem-Est déjà coupées par le mur de séparation israélien, il donne la vieille ville et la mosquée Al-Aqsa - le cœur de Jérusalem-Est revendiqué comme capitale par l'AP et contenant les maisons de centaines de milliers de Palestiniens de Jérusalem - à Israël. En conséquence, les investissements offerts à l'AP par la proposition de M. Trump sont censés porter atteinte aux revendications légitimes des Palestiniens sur l'ensemble de leurs terres, et sur Jérusalem en particulier.

Alors que l'AP a rejeté le plan avec véhémence, ses propres investissements soutenant Ramallah comme étant plus qu'une simple base gouvernementale temporaire et la coordination continue de la sécurité avec Israël sapent cette position, tout comme la coordination a sapé la souveraineté palestinienne depuis les accords d'Oslo et tout au long du développement urbain de Ramallah.

Recommandations politiques

La société civile palestinienne, en imaginant et en planifiant un futur État dans lequel elle jouirait de la liberté, de l'autodétermination et du contrôle des sites de la mémoire collective, devrait demander des comptes au gouvernement palestinien pour le rôle que ses investissements jouent dans le travail de sape du consensus palestinien sur Jérusalem.

La société civile palestinienne devrait plaider pour la création de sites de mémoire collective et de signes de développement à Jérusalem-Est, d'autant plus qu'Israël et les groupes de colons travaillent main dans la main pour y saisir davantage de territoire.

Les organisations de la société civile qui veulent être solidaires de la cause palestinienne de l'autodétermination devraient porter un regard critique sur le tourisme à Ramallah en tant que capitale pseudo-palestinienne, tout en reconnaissant l'importance de soutenir les entreprises palestiniennes sur place.

Les groupes de solidarité avec la Palestine devraient également consacrer des ressources et un plaidoyer concerté pour soutenir les efforts déployés à Jérusalem-Est afin de préserver la place et la ténacité des résidents palestiniens autochtones de la ville.

_________


(1) Cet article s'appuie sur les travaux émergents de l'universitaire, architecte et urbaniste palestinien Anwar Jaber en référence à sa thèse de doctorat en architecture à l'Université de Cambridge (2019), en plus d'un entretien avec elle. "Le paradoxe de Ramallah" emprunte également à l'œuvre de Lisa Taraki.


Note ISM : Sur ce thème et en français, il est fortement recommandé de lire « Ramallah Dream, voyage au cœur du mirage palestinien », de Benjamin Barthe, aux Editions La Découverte.







Source : Al Shabaka

Traduction : MR pour ISM

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