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Israël - 27 février 2014
Par Ramona Wadi
Article original en anglais publié le 17 février 2014.
L'insistance belliqueuse du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sur la reconnaissance d'Israël en tant qu'Etat juif est exacerbée au point que le récit hégémonique des sionistes tente de faire taire l’opiniâtre résistance palestinienne contre l'oubli forcé. Partant du principe que la reconnaissance de l'Etat juif "est le premier fondement de la paix entre nous et les Palestiniens," l'insistance de Netanyahu à prôner la confiscation massive de la mémoire palestinienne comme préalable non négociable a un impact énorme sur l'histoire sioniste, la responsabilité internationale, la légitimité et l'oubli.
De jeunes Palestiniens tentent de se mettre à l'abri de la brutalité des policiers israéliens qui donnent l'assaut à la mosquée Al-Aqsa le 7 février 2014 (source Al-Alam)
Décrire la reconnaissance comme une "condition préalable non négociable" à la paix est une contradiction affirmée par Netanyahu lui-même chaque fois qu'il prononce la phrase. Bien qu'essayant de simuler un semblant de concession, l'implication est absolue. La reconnaissance palestinienne d'Israël en tant qu'Etat juif équivaut à abandonner le droit légal au retour, à ouvrir la voie à la colonisation totale de la Palestine historique et à la domination impérialiste de la région. Ainsi, l'insistance constante sur la reconnaissance révèle aussi qu'un obstacle à la colonisation existe, notamment dans le cadre de la mémoire.
L'abandon intentionnel du droit au retour des Palestiniens est un exercice international conforme à l'histoire et à l'idéologie sionistes. En 1923, Ze'ev Jabotinsky était clair : "La colonisation sioniste, même la plus restreinte, doit être terminée ou menée au mépris de la volonté de la population autochtone. Cette colonisation ne peut, par conséquent, continuer et se développer que sous la protection d'une force indépendante de la population locale - un mur de fer que la population autochtone ne peut pas percer." Toute déviation de la version narrative historique forgée par le sionisme obligerait les alliés d'Israël à faire face aux conséquences de leur responsabilité dans le soutien et la reconnaissance de l'existence de l'Etat colonial et la tentative d'effacer la mémoire des massacres, des destructions et du transfert forcé perpétrés contre les Palestiniens lors la Nakba [Catastrophe] de 1948.
Certains dirigeants israéliens de premier plan ont estimé que la demande de reconnaissance palestinienne était inutile, puisqu'Israël a déjà le soutien de l'organisation impérialiste collective incarnée par les Nations Unies. Cependant, les alliés d'Israël se sont soit exprimés en faveur de la reconnaissance, soit ont élaboré des discours ambigus qui contribuent à l'oubli de la mémoire palestinienne. Le Président Obama a clairement plaidé pour la reconnaissance d'Israël en tant qu'Etat juif, inscrit dans une prochaine directive-cadre qui décrit "Israël comme l'Etat-nation du peuple juif et la Palestine comme l'Etat-nation de deux peuples." L'Union européenne a exprimé sa réticence à affirmer son soutien à la reconnaissance d'Israël en tant qu'Etat juif, Lars Faaborg-Andersen déclarant, "Nous nous interrogeons sur le sens et les conséquences d'une telle reconnaissance sur les autres questions fondamentales."
Obama comme l'Union européenne ont affiché un trait commun, malgré des déclarations divergentes. Les récits confinent l'existence d'un Etat palestinien dans une mémoire qu'il est difficile de ressusciter, en raison de la violence inhérente à l'interprétation impérialiste du droit international. Le colonialisme et l'impérialisme sont soutenus par la diffusion de la violence, la domination exacerbée par la possession territoriale et la construction d'une légitimité fabriquée qui tire sa validité des institutions complices dans le maintien de cadres parallèles. Les négociations en cours témoignent de cette collaboration. La "paix" est un euphémisme pour expansion sioniste débridée, d'où le soutien exprimé pour la solution de deux Etats, qui implique un certain nombre de facteurs relatifs à la mémoire, à la responsabilité et à la légitimité.
La solution de deux Etats est une forme de violence politique légitimée par les alliés d'Israël et en phase avec la clameur qui demande la reconnaissance d'Israël en tant qu'Etat juif. Au lieu de se focaliser sur le démantèlement de l'Etat sioniste comme prélude à la paix et la récupération des terres et de la mémoire palestiniennes, Israël et ses alliés cherchent à faire progresser la complicité de la contrainte tout en vérifiant que leur impunité est sauvegardée au sein des organisations impérialistes internationales. L'absence de réglementation concernant les violations du droit international commises par des organisations telles que les Nations Unies, dont l'existence dépend également de la perpétuation des violations des droits de l'homme, signifie que la cessation des abus n'est pas près d'arriver. Le fait que l'implication coloniale et impérialiste crée des situations insupportables rend plus aisé d'éviter le contrôle tout en imputant le blâme et l'incitation à la population opprimée.
Alors que la légitimité des Palestiniens est ancrée dans la mémoire collective de la Nakba, Israël dépend de la manipulation de l'histoire à partir de laquelle il tire un simulacre de légitimité qu'il impose d'une manière qui cherche à effacer la mémoire collective palestinienne, renforcée par le cadre colonial impérial. En raison de la validation impérialiste du récit sioniste imaginé, ainsi que de la soumission du droit international à l'impérialisme, la violence est devenue un phénomène neutre ou une nécessité humanitaire lorsqu’elle est perpétrée par le colonisateur contre la population indigène.
Contraindre les Palestiniens à reconnaître Israël comme un Etat juif constitue une forme de violence contre la mémoire collective qui transcenderait immédiatement le récit inscrit pour se manifester dans davantage d'expropriation de terres et de fragmentation de l'unité palestinienne. Israël a bénéficié d'une indulgence excessive lorsqu'il s'est approprié non seulement de la terre palestinienne, mais aussi de la signification du droit au retour palestinien. L'ONU et le droit international ont floué les Palestiniens, d'où l'importance de la mémoire qui, pour eux, constitue un processus continu qu'Israël cherche à rompre par l'oubli forcé, non seulement sur ses citoyens-colons, mais aussi sur la communauté internationale, une tactique gobée volontairement par tous, à l'exception de ces pays dont l'expérience de l'oppression sous l'impérialisme et les expériences néolibérales ont créé une formidable résistance.
Le temps a un impact sur la préservation de la mémoire collective. Malgré les processus permettant, dans certaines circonstances, le déclassement partiel d'informations archivées et des tentatives de réconciliation, le cycle d'oppression avalise une procédure qui encourage systématiquement l'appauvrissement de la mémoire pour fragmenter l'histoire de l'opprimé. La mémoire palestinienne, ce n'est pas seulement combattre le récit sioniste hégémonique soutenu par l'impérialisme mais aussi piégé à l'intérieur d'une lutte qui cherche à reconstruire une histoire qui est en même temps contemporaine. C'est dû au processus de colonisation en cours qu'Israël n'a pas l'intention d'interrompre, de peur que son récit ne rencontre un paradigme contestataire né d'une résistance palestinienne structurée qui se libère de la dépendance aux dynamiques d'aide et d'intervention. Le président de l'AP Mahmoud Abbas a déclaré que le refus palestinien de reconnaître Israël en tant qu'Etat juif est "un droit". Les Palestiniens ont déjà mis en œuvre le "droit" d'une manière compatible avec l'obligation historique de défendre et de promulguer la mémoire.
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM
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