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Cisjordanie - 15 août 2010
Par Khaled Amayreh
Avec le Président de l’Autorité Palestinienne (AP) Mahmoud Abbas talonné par Washington pour qu’il se soumettre au fait accompli israélien, et surtout pour qu’il accepte de reprendre des pourparlers de paix ouverts mais à l'évidence futiles, des dirigeants importants en Cisjordanie se sont prononcés contre toute concession à l’administration Obama.
L'OLP - dessin 4 : "la paix économique"
Cette semaine, deux poids lourds du Fatah ont fustigé le « cours politique actuel », le qualifiant de « désastreux » et de « catastrophique ». Parmi les critiques, se trouve un des vétérans de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Ahmed Qurei, négociateur de longue date et conseiller de l’ancien leader de l’OLP Yasser Arafat.
Dans un entretien, cette semaine, Qurei notait que 19 ans de discussions avec Israël n’avaient donné aucun résultat. « Pas un seul dossier n’a été réglé, » a-t-il dit. Qurei a fait valoir qu’étant donné la futilité des discussions et le refus catégorique d’Israël d’abandonner le butin de la guerre de 1967, il est inutile de continuer juste pour le plaisir de le faire.
« Il semble absolument impossible de parvenir à un accord avec Israël. Par conséquent, le peuple palestinien doit chercher des alternatives, » a dit Qurei. Le chef du Fatah a tacitement critiqué la direction palestinienne actuelle à Ramallah pour avoir « cédé à la polémique absurde » sur des pourparlers directs ou indirects avec Israël. « Ce n’est pas le problème. Le problème, c’est qu’Israël ne veut pas mettre fin à son occupation et permettre la création d’un Etat palestinien viable. »
Qurei a également éreinté l’Envoyé spécial des Nations Unies au Moyen-Orient George Mitchell, disant qu’il ne s’occupait que des questions secondaires et de procédure tout en rejetant les problèmes de fond relatifs à l’expansion coloniale juive et à la modification par Israël du paysage des territoires occupés. « Les Américains nous demandent juste de nous asseoir avec les Israéliens et de parler, parler, parler. C’est tout. »
Des paroles beaucoup plus dures fustigeant la futilité du processus de paix, en particulier les discussions de proximité coordonnées par les Etats-Unis entre l’AP et Israël, ont été proférées par Nabil Amr, ancien ambassadeur de l’OLP au Caire, et critique de plus en plus acerbe de la direction palestinienne actuelle.
Amr a dit à des journalistes à Ramallah cette semaine : « Nous sommes confrontés à un réel dilemme et quiconque nie ce fait est soit détaché des réalités, soit pense que l’abus rhétorique est la solution à toutes les situations difficiles auxquelles nous sommes confrontées. » Amr a sévèrement critiqué la gestion d’Abbas, le décrivant comme vacillant, incohérent et incapable de résister à la pression extérieure, même si ce faisant, il porte un préjudice grave à la cause palestinienne.
Amr a en outre critiqué le fait de capitaliser sur « le mantra de la pression américaine » pour pousser le peuple palestinien à se soumettre et à capituler. « Il y en a parmi nous qui essaient de dépeindre la pression américaine comme si elle était utile à nos intérêts, pas à ceux d’Israël. » Amr a dit que l’administration Obama traitait maintenant avec l’AP d’une position consistant à « essayer de faire plaisir à un joueur perdant, » citant, à titre d’exemple, le rehaussement de la représentation de l’OLP à Washington.
« Obama est déjà passé d’un ami et soutien, comme dépeint par quelques-uns de nos hommes politiques géniaux, à un oppresseur, et même une brute, alors que Netanyahu a pratiquement carte blanche pour dicter les règles du jeu, » a ajouté Amr.
Interrogé sur qui a emmené les Palestiniens à ce point d’impuissance, Amr a répondu que la question n’était pas en elle-même réellement importante, car « nous en sommes où nous en sommes. » « La question vitale est de comment nous allons sortir de cette situation, » a dit Amr, ajoutant que, « par le passé, nous avons payé cher notre conduite politique improvisée. Aujourd’hui, les conditions auxquelles nous sommes confrontées nous obligent à chercher de vraies réponses, sans lesquelles nous ne pourrons éviter ces écueils. Sortir de ce marasme requiert plus que des manœuvres verbales sur les réseaux de télévision par satellite. »
Amr a conclu ses remarques en disant que, « les erreurs du passé nous ont condamnés à tomber dans l’embuscade, et si nous les répétons, ce sera la fin. Je dis ceci parce que à partir de maintenant, toute erreur politique sera fatale. »
Des avertissements aussi graves venant de personnalités historiques du Fatah ont été également repris ailleurs. Ces derniers jours, le leader Fatah emprisonné Marwan Barghouti et l’ancien homme fort de Gaza Mohamed Dahlan ont exprimé leur opposition à l’abandon des conditions préalables palestiniennes pour la reprise des discussions avec Israël, directes ou indirectes.
Mais cela ne veut pas dire qu’Abbas ne peut plus cajoler la majorité des rangs du Fatah pour qu’ils soutiennent toutes les démarches qu’il prendra pour sortir de l’embarras actuel. La direction de l’AP peut toujours jouer sur la corde sensible du Fatah – et faire valoir qu’on ne peut s’aliéner Washington, dont dépend la survie financière de l’AP.
En dernière analyse, Abbas, confronté à un Fatah « récalcitrant » et à une opinion publique palestinienne qui ne se fait aucune illusion sur la banqueroute du processus de paix, devra étudier soigneusement ses options. D’un côté, si Abbas décide de se soumettre aux diktats de Washington, sa direction, en particulier au niveau personnel, sera affaiblie. D’un autre côté, s’il décide de suivre le « pouls de la rue palestinienne », il courra le risque de contrarier l’administration US et de faire le jeu du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
La cause palestinienne vit déjà un de ses épisodes les plus cruciaux. Tout faux pas, délibérément ou par inadvertance, pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le peuple palestinien.
S’il est incapable de faire le bon choix, Abbas pourrait annoncer sa démission « pratique ». Le leader palestinien a déjà annoncé sa démission il y a plus d’un an, mais a dit alors qu’elle entrerait en vigueur à une date non fixée.
Quant au Fatah, il doit rapidement faire son choix : soit le prétendu processus de paix valant ou non vraiment la peine, au risque d’être considéré par défaut comme son défenseur et voir sa position politique souffrir vis-à-vis du Hamas, soit le peuple palestinien, qui est de plus en plus révulsé par son cabotinage.
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Khaled Amayreh
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