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Palestine occupée -

Le Hamas va au Caire

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22.06.2017 - Une délégation du Hamas a récemment effectué une visite officielle en Egypte, ce qui, de nos jours, est une nouvelle en soi. Au Caire, la délégation a également rencontré l’ancien chef de guerre du Fatah Muhammad Dahlan, ce qui est une nouvelle encore plus importante.
La délégation du Hamas était conduite par Yahya Sinwar. Chef des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, il a purgé plus de vingt ans dans les geôles israéliennes avant d’être libéré en 2011 dans un échange de prisonnier et a été élu il y a quatre mois pour diriger le mouvement dans la Bande de Gaza occupée, sa base principale d’influence.

Le Hamas va au Caire

En mai, l’élection du successeur du chef du bureau politique Khalid Mashal a été remportée par l’ancien Premier ministre de l’Autorité palestinienne Ismail Haniya, une personnalité relativement faible. Sinwar est le chef de facto de tout le mouvement.

Au sein du Hamas, il est connu comme étant un partisan de la ligne dure, et aussi pour sa conviction que le mouvement doit améliorer ses relations avec l’Iran pour équilibrer sa dépendance à l’égard du Qatar et de la Turquie. Comme la plupart de ses pairs, il est également désireux de normaliser les relations avec l’Egypte qui, depuis le coup d’Etat de Sisi en 2013, a mené une campagne de diabolisation sans précédent contre le Hamas et a fermé la seule frontière de Gaza avec un Etat arabe.

L’élection de Sinwar, précédée d’une augmentation importante et inattendue du nombre d’électeurs, n’a pas beaucoup plu au Qatar. Il a mis quelques bâtons dans les roues des organisateurs de la cérémonie de divulgation du nouveau document politique du Hamas, le 1er mai, à l’Hôtel Sheraton de Doha, dans lequel le mouvement a officiellement adopté la solution de deux Etats pour résoudre le conflit israélo-palestinien et s’est défini comme un élément organique du mouvement de libération nationale palestinienne plutôt que les Frères musulmans qui l’ont engendré. Il se peut que Doha ait donné sa bénédiction au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour qu’il étende les mesures punitives contre la Bande de Gaza, histoire de rappeler à Sinwar que les relations avec Téhéran ne remplacent pas le mécénat du Qatar et que Doha attend qu’il adopte de nouvelles politiques et évite la confrontation avec Israël.

La première mesure d’Abbas fut de réduire les salaires des fonctionnaires de l’AP à Gaza. Depuis que le Hamas a pris le pouvoir dans le territoire en 2007, l’AP dirigée par le Fatah a pratiquement payé ses employés à ne rien faire, mais ils sont très nombreux et leur revenu total contribue de manière substantielle à l’économie de Gaza de plus en plus désespérée. Plus récemment, le gouvernement de Netanyahou a accepté la demande d’Abbas de réduire l’approvisionnement de Gaza en électricité.

Abbas réclamait cette mesure depuis un certain temps, au prétexte que le Hamas suspend les recettes fiscales que l’AP utilise pour payer les fournisseurs israéliens. A un niveau moins technique, il espérait que le fait d’ajouter ces pénuries aux extraordinaires privations imposées à Gaza par Israël, la communauté internationale et l’AP pousserait la population à se révolter et à renverser ses dirigeants Hamas de plus en plus impopulaires.

Auparavant, Netanyahou s’en était remis aux autorités israéliennes de la sécurité, qui prévoyaient qu’une réduction de la fourniture d’électricité déjà intermittente de Gaza à seulement une ou deux heures par jour provoquerait une véritable explosion (c’est l’armée de l’air de ce même establishment sécuritaire qui a ruiné l’essentiel de la production d’électricité de Gaza). La raison pour laquelle Netanyahou a passé outre la décision des autorités de la sécurité, cette fois-ci, a probablement à voir avec la crise au Conseil de coopération du Golfe . Israël veut à la fois démontrer son utilité à ses partenaires en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, qui ont demandé au Qatar de rompre ses liens avec le Hamas, et persuader l’infortuné président des Etats-Unis et son gendre, le tsar de la paix au Moyen-Orient, Jared Kushner, que la paix au Moyen-Orient s’obtiendra par la normalisation arabo-israélienne, pas par la fin de l’occupation et l’établissement d’un Etat palestinien.

Plutôt que de mordre à l’hameçon israélien, le Hamas s’est tourné vers l’Egypte, l’ancien leader du monde arabe qui est maintenant un Etat vassal saoudien et émirati. Malgré son hostilité envers le Hamas et sa fidélité à ses bienfaiteurs du Golfe, Le Caire n’a guère envie d’une autre conflagration israélo-palestinienne qui ne ferait qu’aggraver la situation sécuritaire dans l’indocile péninsule du Sinaï. Des accords provisoires ont été conclus pour fournir à Gaza du carburant égyptien (1) et ouvrir le passage de Rafah plus régulièrement. En échange, le Hamas veillera à ce que Gaza ne serve pas de refuge aux groupes militants qui ont pris les armes dans le Sinaï.

Dahlan a dirigé la campagne de l’AP contre le Hamas à Gaza dans les années 1990. En 2006, il a été choisi par le directeur du Conseil de sécurité nationale pour les affaires du Proche-Orient de George W. Bush, le néoconservateur invétéré Eliott Abrams, pour déposer le Hamas après qu’il ait remporté de façon éclatante les élections législatives de l’AP. Le lieutenant-général Keith Dayton, coordonnateur de la sécurité des Etats-Unis chargé de transformer les forces de sécurité de l’Autorité en une force auxiliaire fiable de l’occupation israélienne, s’était opposé à cette nomination mais Abrams l’a emporté. En juin 2007, les forces de Dahlan se sont effondrées lorsque le Hamas a saisi le pouvoir à Gaza pour mettre fin à leur stratagème. Plusieurs années après, Dahlan a été dépouillé de ses pouvoirs et expulsé du Fatah. Il a quitté la Cisjordanie sous la menace de poursuites après s’être brouillé avec Abbas, jusqu’alors son collaborateur palestinien le plus proche.

En exil, Dahlan a été adopté par Muhammad bin Zayid, le prince héritier d’Abou Dhabi et dirigeant de fait des Emirats arabes unis, qui l’a nommé conseiller à la sécurité nationale. A la consternation d’Abbas, Dahlan a également développé des relations étroites avec Sisi. L’année dernière, Bin Zayid a tenté de réconcilier Abbas et Dahlan, et de faire en sorte que ce dernier succède au premier. Abbas a déjoué le plan, qui n’a pas abouti.

Dahlan et Sinwar ne sont pas seulement des ennemis politiques jurés, mais aussi des amis d’enfance. Ils sont allés à l’école ensemble dans le camp de réfugiés de Khan Yunis. Lors de leurs réunions au Caire, ils ont convenu de relancer le Conseil législatif de l’AP suspendu par Abbas depuis 2007 mais dans lequel des délégués regroupés disposent d’une large majorité, et de mettre en œuvre divers projets caritatifs dans la bande de Gaza. Le Hamas offre à Dahlan un chemin de retour en Palestine et à sa politique, à laquelle il n’a pas accès. Dahlan peut aider à mettre de l’huile dans les rouages à la fois des relations Hamas-Egypte améliorées, et de l’économie moribonde de Gaza. Deux ennemis se sont réunis pour affaiblir leur rival commun, Abbas.

La mise en œuvre des accords dépend de l’aide égyptienne et de la générosité émiratie. Cela met effectivement Le Caire, Abu Dhabi et le Hamas dans le même camp, même si l’Egypte et les Emirats arabes unis soulignent que le parrainage des islamistes palestiniens par Doha est une raison de leur blocus du Qatar.


(1) « (…) Des témoins à Gaza ont dit à Ma’an qu’ils ont vu des camions-citernes arriver d’Egypte par le terminal frontalier de Rafah, qui était exceptionnellement ouvert mercredi matin pour livrer le carburant. Le ministre des Finances de Gaza, Salim al-Kayyali, a dit à Ma’an que 11 camions-citernes transportant approximativement 500.000 litres de diesel venant d’Egypte ont été livrés à la centrale électrique ; un million de litres supplémentaires devraient arriver mercredi soir ou jeudi matin. » Ma’an News, 21 juin 2017.



Source : London Review of Books

Traduction : MR pour ISM

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