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Egypte - 12 janvier 2010
Par George Galloway
Je me suis déjà trouvé, dans la vie, à des endroits particulièrement dangereux : à la fin des années 1980, alors que j’accompagnais une équipe de tournage de la chaîne ITN, nous avions été bombardés par l’aviation éthiopienne… Face contre boue, sans aucune couverture autour de nous, j’ai vu les shrapnels déchirer et tuer des petits enfants et j’en ai vu d’autres mourir sur une table en bois, dans une hutte couverte de chaume, une fois les bombardiers partis.
Gaza, 8 janvier : le Premier Ministre palestinien et dirigeant du Hamas Ismail Haniyeh accueille George Galloway, initiateur du Convoi Viva Palestina.
J’ai été bombardé par les Israéliens dans Beyrouth et je me suis retrouvé avec le canon d’une mitraillette israélienne entre les côtelettes, à Naplouse, durant la première guerre d’Irak.
Involontairement, j’avais levé les mains. L’« Israélien » blond comme les blés et aux yeux bleus fleur-de-lin m’avait dit que si je ne l’avais pas fait, il m’aurait « descendu ».
Mais jamais je ne m’étais retrouvé en situation aussi périlleuse que la semaine passée dans le petit port sinaïtique d’Al-Arish, vers lequel la dictature égyptienne avait détourné notre convoi.
Cinq cents étrangers de dix-sept nationalités différentes, à bord de deux-cents véhicules, ont été confinés dans un immeuble dépourvu de l’hygiène élémentaire, sans eau et sans nourriture. Parmi eux, dix parlementaires turcs, dont le président de la Commission de la politique étrangère.
Nous avons filmé depuis un bureau du troisième étage les cognes des ‘mukhâbarât’ (services secrets égyptiens) cassant des pierres et aiguisant leurs gourdins derrière le dos de plusieurs rangées de policiers antiémeutes casqués, munis de matraques et de boucliers. Puis ce fut le chaos.
Nous avons certes de quoi nous plaindre de nos flics, mais permettez-moi de vous dire que lorsque vous voyez des policiers en train de balancer des demi-briques sur un rassemblement de femmes et d’hommes venus apporter des médicaments à des civils soumis à un état de siège militaire et totalement à bout, vous remerciez votre bonne étoile de pas vivre dans un pays comme celui-là. Cinquante-cinq, sur les cinq-cents que nous étions furent blessés, et sans l’effet de choc que notre couverture vidéo clandestine en live (tout est sur Youtube, désormais) a provoqué dans l’opinion publique arabe (nos médias occidentaux n’ont pas levé la langue…), nous serions sans doute encore là-bas.
Le lendemain, la dictature égyptienne voulait nous voir quitter les lieux : nous avons refusé de partir sans que nos camarades blessés et les sept des nôtres qui avaient été jetés en prison fussent avec nous. Après un nouveau sit-in, nos exigences furent satisfaites et nous reprîmes notre chemin vers un accueil formidable à Gaza : nous étions tous là !
La tyrannie égyptienne a fait courir le bruit que je me serais trouvé parmi les personnes en état d’arrestation lorsque nous sommes sortis d’Egypte. Si cela avait été le cas, étant donné que j’étais entouré par cinq-cents membres du convoi gonflés à bloc, je pense que cela aurait sérieusement chauffé !
Aussi ai-je envoyé à ces connards le message que je ferais mon apparition au beau milieu de la nuit précédant notre départ et que je ferais face à leur jazz-band seul (ou, plus exactement, accompagné de mon vieil ami, le journaliste écossais Ron McKay).
McKay n’est plus journaliste : aujourd’hui, il se consacre à l’écriture de romans policiers. Mais ce qui s’est passé ensuite aurait défié jusqu’à son imagination (qu’il a pourtant fertile).
Nous nous sommes retrouvés entre les pattes d’une phalange glauque de flics de la secrète, pour la plupart habillés en civils, dont aucun n’était capable d’aligner deux mots en anglais. Ils ont tenté de nous chouraver nos passeports, mais nous avons refusé de faire un seul pas sans qu’on nous les rende – même s’il y avait de la menace dans l’air (ou, au contraire, peut-être bien grâce à ça…).
Ils nous ont entassés dans une camionnette sans plaque d’immatriculation, dont ils nous ont empêchés de redescendre, y compris, à un moment donné, physiquement.
Un détective privé, soi-disant journaliste égyptien du Daily News a bien tenté de nous interviewer, mais il a été tenu à distance à coups de poings.
On nous a emmenés à la vitesse grand V. Je savais qu’ils n’allaient pas nous refroidir, car nous avions pu passer les coups de fil indispensables – bon, tout au moins à l’Association des Journalistes ; c’est le genre de truc qui fait toute la différence, dans des situations telle celle-là…
Nous avions pris la peine d’appeler officiellement le Foreign Office britannique, mais ça ne valait même pas le prix du jeton… Durant notre voyage de cinq jours vers le Caire, les diplomates britanniques n’avaient rien trouvé de mieux que nous objurguer de nous montrer coopératifs.
Cette coopération était bien difficile, dès lors que les flics égyptiens ne parlaient pas un mot d’anglais et que, d’ailleurs, ils étaient muets comme des carpes…
La rumeur parvint, de Londres, selon laquelle Nile News, porte-voix de la dictature égyptienne, faisait état, au matin, du fait que les sept prisonniers parmi les membres de notre convoi, que nous avions réussi à faire libérer à Al-Arish, allaient être arrêtés à nouveau dès que nous serions ressortis de la bande de Gaza…
Aussi le bain de sang que nous nous étions ingéniés à éviter semblait-il désormais inévitable. Nous avons demandé à retourner à la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza, mais cela nous fut refusé. A l’aéroport du Caire, nous avons refusé d’entrer dans le bâtiment du terminal, et nous avons essayé de héler un taxi, qui nous aurait ramené là d’où nous venions.
Des gorilles des forces de sécurité égyptiennes nous ont physiquement poussés dans le bâtiment de l’aéroport et ils nous ont surveillés de près, jusque dans les toilettes. Ils nous ont tous suivis, partout, et lorsque McKay a pris une photo, il a failli y avoir un incident sérieux. Ils nous ont accompagnés jusqu’à l’entrée de l’avion de British Airways, et le premier anglophone de cette interminable nuit se pointa pour venir me déclarer persona non grata en Egypte.
Je lui ai alors fait ma propre déclaration, dans laquelle je lui ai fait savoir que lui-même et ses amis tortionnaires auraient un jour à affronter la colère des Egyptiens, qui avaient fait la queue, à l’aéroport, sous les yeux des gorilles, pour venir nous serrer la main.
Plus tard, son administration a fait savoir que je venais d’être interdit de territoire égyptien au motif que je serais un « fomentateur de troubles ».
Laisse-moi te dire, M. le Pharaon-de-Pacotille, que malgré tes 99,99 % de votes Moubarak, tu n’es pas sorti de l’auberge !
Source : Daily Record
Traduction : Marcel Charbonnier
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