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ISM France - Archives 2001-2021

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Le rayonnement des montagnes insulaires, plaidoyer pour une nouvelle comptabilité des conflits

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Le Rif, après l’indépendance formelle du Maroc obtenue en 1956, poursuivra son insularité dans les nouvelles conditions politiques marocaines. Le soulèvement des Rifains de 1958 a eu des causes multiples. La succession d’années de sécheresse fut aggravée par la fermeture de la frontière avec l’Algérie, débouché naturel pour le travail saisonnier quand les récoltes sont maigres. Mais surtout, ce fut l’occasion de liquider les restes encore vivaces de l’Armée de Libération Nationale, encore active dans le Sud toujours sous le joug espagnol et qui le demeurera jusqu’en 1973, et détentrice d’armes prises au pouvoir colonial. Les revendications rifaines réclamaient en dix-huit points l’évacuation de toutes les armées étrangères encore présentes sur le sol national et de leurs cinq bases militaires, la libération de tous les prisonniers politiques de l’ALN, une refonte et une restructuration de l’État qui donneraient plus de poids à leur région. Elles furent balayées par une contre-insurrection menée par le prince héritier, futur Hassan II et Oufkir, ancien officier français intégré dans la nouvelle armée marocaine.

Le rayonnement des montagnes insulaires, plaidoyer pour une nouvelle comptabilité des conflits

Le Rif marocain
L’extermination de milliers de résistants appuyée par un pilonnage des villages par l’aviation française pèsera lourd dans la mémoire rifaine et de tout le pays.
Le pouvoir central négligera d’intégrer le Rif, perpétuant son enclavement hérité de sa fonction de gardien de la frontière Nord du pays face aux ambitions européennes.

Entre le 15ème et le 17ème siècle, les Espagnols avaient investi des places fortes sur la côte méditerranéenne marocaine et par trois points, Melillia, Nokour et Badis, l’accès à la mer Méditerranée était verrouillé pour le flanc Nord du Maroc. (1)

Abandonné du pouvoir central après la terrible répression de 1958, le Rif vécut d’une hémorragie de ses hommes valides qui partirent par vagues vendre leur force de travail en Europe rapatriant des devises fort appréciées par la Banque Centrale marocaine. Une deuxième source de revenus se développa dans les années soixante-dix et quatre-vingts. La culture traditionnelle du cannabis dans la région de Kétama allait déborder cette zone pour atteindre 134.000 hectares selon l’estimation de l’UNODC en 2003. Elle va fournir plus de 80% de la consommation européenne.

En France, après la courbe ascendante sur plus de vingt ans, il semble que l’on assiste à une stabilisation de la proportion de la population usant de cette drogue illicite réputée douce. L’expérimentation s’est abaissée pour les hommes âgés de 18 à 25 ans entre 2002 (61 %) et 2005 (56 %) alors qu’elle reste stable pour les femmes de cette tranche d’âge (37 % en 2002 et 39 % en 2005).

Une étude récente indique qu’un collégien de 17 ans sur quatre déclare avoir été usager de cannabis dans le mois qui précède. Le nombre de fumeurs réguliers, plus de dix fois par mois, s'établit à 1,2 million de personnes, majoritairement des hommes et des jeunes. L’effet délétère le plus fréquent est un trouble de mémorisation et d’attention, il est à rapporter au fait que les sur-consommateurs de cannabis sont retrouvés chez les étudiants comparés aux actifs d’âge comparable. La machinerie à décerveler ne se limite pas à coloniser les esprits dans les temps de cerveau rendus disponibles par les entreprises des médias télévisuels, elle s’accommode aussi bien de l’euphorisation au Delta 9 tétrahydroxycannabinol.

Les bénéfices retirés par le paysan marocain du cannabis sont dérisoires, 267 dollars US par personne en 2003 sur un revenu total de 523 dollars alors que le PIB marocain per capita était de 1.260 dollars en 2002. Les dégâts directs et indirects causés à la jeunesse européenne et française et partant à l’économie et au bien-être des Français sont certainement très importants même si difficiles à estimer.

Il est admis que cette activité du cannabis est la résultante du conflit ayant opposé le pouvoir chérifien (rétabli sur le trône grâce à la lutte armée et politique des mouvements de libération du pays) et la fraction rifaine de la résistance nationale.

Photo
Champ de cannabis dans le Rif marocain



Aux 134.000 hectares dévolus au cannabis marocain, en partie soustraits à la forêt de pins et de chênes verts, source de dégradation des sols et de déséquilibre écologique, répond l’inflation récente des 130.000 hectares de pavot en Afghanistan.

Les nouvelles normes comptables internationales adoptées depuis 2005 pour harmoniser les règles pour les sociétés avaient intégré des modalités très inventives où le résultat d’une transaction non réalisée pouvait figurer dans les Livres. Mais surtout, au-delà de cela, les esprits se sont accoutumés à ne pas faire apparaître dans les bilans des coûts externalisés d’opérations économiques pures ou non.

Qui saura en effet le lien entre la « guerre » de la Coalition du Bien contre l’Afghanistan et les morts par surdosage d’héroïne aux Us(a) ?

L’épidémiologiste australien Gideon Polya avait établi en octobre 2011, pour le dixième anniversaire de l’invasion de l’Afghanistan, un rapport sur la surmortalité en Afghanistan liée au conflit, la situant à 1,4 million de morts violentes et 4,2 millions de morts non violentes qui auraient pu être évitées, soit un surcoût humain de 5,6 d’unités en millions sur une population totale de 30 millions.

Parmi les conséquences ignorées du conflit, il cite le chiffre global des décès dus à la consommation des dérivés opiacés et sa fraction qui peut être attribuée à la guerre. Depuis la destruction de l’économie afghane, 90% des opiacés vendus dans le monde sont d’origine afghane. 100.000 décès par consommation des dérivés du pavot sont enregistrés chaque année. Sur dix années, cela totalise 0,9 x 100.000 x 10, soit 900.000 individus morts par la restauration par les Talibans de la culture et de l’industrie de la drogue et parmi eux, 200.000 Étasuniens.

Photo
Champ de pavot en Afghanistan


Le peuple rifain et l’afghan partagent plus que cette similitude d’une production ancestrale d‘adjuvant pharmacologique à l’endurance et à l’euphorie. Montagnards tous deux, ils ont toujours farouchement défendu leur indépendance.
Alexandre avait dû épouser la fille d’un général afghan pour se faire un allié de la Bactriane et chevaucher jusqu’à l’Indus. Toutes les armées impériales occidentales se sont brisées contre cette vertèbre de l’Asie.

Mohamed Ben Abdelkrim Al Khatabi avait mis au point une technique de la guérilla pour le compte des colonisés qui lui a valu la visite de Hô chi Minh. Moins de 10.000 hommes très peu armés ont tenu des mois face à deux armées de plus de cinq cents mille fantassins appuyées par une aviation militaire et menées par le futur Général Franco et le Général Pétain.


Un autre désastre humain est directement imputable aux conflits importés par l’Occident en Afghanistan, les 2 millions de réfugiés en Iran et les 2,5 millions au Pakistan, sans compter les déplacés internes. D’après l’UNHCR, les réfugiés afghans représentent le contingent le plus élevé dans le monde après celui des Palestiniens (plus de 6 millions) et pas très éloigné de celui des Irakiens.

Quand ils tentent de trouver refuge en Europe, ils sont refoulés sans ménagement.
Comment le pays encore vu par des yeux naïfs comme celui des Droits de l’Homme concilie son implication militaire dans une occupation illégitime et ingagnable et la pratique d’une chasse inhumaine de ceux qui fuient les zones de conflit ? La protection des frontières qui doit rester inviolable par les hordes de Barbares va générer du PIB. Après les engins volants sans pilotes, l’État sioniste a mis au point le char sans conducteur expérimenté à Gaza sur les Palestiniens pour garder les frontières.

Impliquée comme elle l’a été dans la destruction de l’État libyen, la France de Sarközi est responsable du déplacement de 2 millions de réfugiés qui ont quitté le territoire libyen. De même, il lui est imputable celui des 4 millions de Maliens actuellement en exode en raison du transfert d’armes et de combattants depuis la Libye.

Les milliers de Syriens qui gagnent la Turquie, le Liban et la Jordanie peuvent remercier l’ancien repris de justice Juppé et son maître en servilité atlantiste pour leur ingérence toute amicale dans les affaires intérieures syriennes.

Il ne peut être que de plus en plus difficile de dissimuler les rétroactions inattendues qui se dessinent ainsi depuis le joint commercialisé au Neuf-Trois au junkie overdosé de Chicago.

Chicago est bientôt mise en État de siège par la police et l’armée étasunienne pour contenir les protestations contre une Organisation de l’Atlantique Nord, instrument de désordres, de désordres encore de désordres, de destruction et de mort.


(1) En 1457, tout à fait à l’Est, la prise de Melillia par l’Espagne a condamné le débouché maritime du commerce qui remontait du Sahara par l’Oued Ziz et la vallée de la Moulouya. Un peu plus tard, en 1556, les Espagnols occupent un rocher relié par une bande de sable au rivage qu’ils baptisent Penon de Velez de la Gomara. La ville attenante de Badis, de fondation antique, était desservie par un port où venaient mouiller les navires de Pise, Gênes, Marseille et Venise pour commercer avec son hinterland. Elle a vite périclité depuis son blocus par les Ibères.
En 1673, l’Armada espagnole annexe le rocher de Nekour au large d’Ajdir. Le couloir de Taza venait alors buter sur la baie désormais fermée d’Al Hoceima.
Interdit de ce front maritime, le Maroc va confier au Rif et à sa population la responsabilité de sa protection vis-à-vis des agressions continuelles européennes contenues plus loin par l’Empire ottoman. Les tribus en contact des enclaves ont assuré la mission de ne jamais lever le siège, les obligeant à se ravitailler depuis l’Europe par escadres appuyées de canons.
Des siècles durant, un sentiment patriotique a exalté les 18 tribus rifaines. Ces montagnards farouches ne comprirent pas les renoncements successifs du pouvoir sultanien face aux exigences coloniales européennes.
Moulay Abderrahmane a dû livrer l’Émir Abdelkader réfugié et hébergé dans le Rif aux Français après sa défaite à la bataille d’Isly en 1844.
Puis tout un territoire fut cédé autour de Melillia après le catastrophique échec marocain en 1960 contre l’armée espagnole lors d’une véritable guerre d’invasion qui s’est soldée par une indemnité écrasante et la cession d’une bande de territoire autour de Ceuta.
Ce ne furent là que les débuts des calamités qui connurent leur acmé avec la signature du traité du Protectorat de 1912 qui divisait le Maroc entre possessions françaises et espagnoles. Le Rif est tombé dans l’escarcelle de l’Espagne honnie et combattue.
La résistance rifaine menée par Mohamed Ameziane de 1910 à 1912 trouvera son prolongement dans celle conduite par Mohamed Ben Abdelkrim Al Khatabi entre 1918 et 1925.


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