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Israël - 15 septembre 2004
Par Natan Sharansky
Natan Sharansky est ministre de Jérusalem et des questions relatives à la Diaspora - Article paru in Ha’aretz, le 15.09.2004
Depuis quelques années, l’Etat d’Israël et le peuple juif connaissent un processus de désengagement mutuel. Nous nous connaissons de moins en moins, nous sommes de moins en moins solidaires, nous nous intéressons de moins en moins à ce qui se passe dans l’univers de l’autre. Avec tous les défis et les dangers auxquels Israël doit faire face, ce problème a été repoussé dans les marges. Mais c’est une question très importante.
La raison pour laquelle l’Etat d’Israël a été créé, c’est la nécessité, pour le peuple juif, de disposer d’un foyer national. Le leadership sioniste a de tout temps affirmé que l’Etat juif appartient non seulement à ses citoyens, mais aussi à tous les juifs, où que ce soit dans le monde. Nous étions censés être responsables les uns des autres, et mutuellement solidaires. Nous ne devions former qu’une seule famille.
Toutefois, aujourd’hui, nous sommes une famille beaucoup moins unie que par le passé. Il y a plus d’assimilation, moins de sens de l’identité juive et un lobby juif bien plus petit. L’Etat d’Israël est de moins en moins juif, et de plus en plus l’Etat de tous ses citoyens. Cette érosion ne présage rien de bon. Elle met en danger notre sécurité, notre identité et, avant tout, les objectifs audacieux sous-jacents à la fondation de cet Etat pour lequel nous avons lutté si courageusement et fait tellement de sacrifices.
Ce processus de désengagement mutuel est réversible, mais il ne se renversera pas de lui-même. Quelque chose doit être fait, si nous voulons en changer le cours. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une idée nouvelle, sérieuse, réfléchie, comme celle qu’a proposée le Président Moshe Katzav, que je soutiens et à la promotion de laquelle je travaille : la création du Parlement de la Diaspora, à côté de la Knesset. Cette proposition a déjà soulevé un feu de barrage de critiques, la voix opposée la plus fortement entendue ayant été celle du Professeur Shlomo Avineri.
La principale objection soulevée par le Professeur Avineri consiste à dire que cela reviendrait à permettre aux juifs de la diaspora d’émettre un avis dans le processus de prise de décision, alors qu’ils ne seraient pas eux-mêmes affectés par les décisions ainsi adoptées. Ils n’auraient pas le droit d’être entendus, puisqu’ils n’ont pas à assumer les conséquences de leurs décisions. Les juifs de la diaspora ne sont pas ceux qui devraient combattre ; ils ne sont pas ceux qui devraient payer le prix (du sang). Par conséquent : pas d’interférence…
Cet argument peut sembler convainquant, mais il ne tient pas la route. Les juifs de la diaspora sont très profondément affectés par les décisions prises à Jérusalem et, très souvent, ils en paient le prix. Ils sont affectés non seulement par des décisions relatives à la question de savoir « qui est juif ? », mais bien, aussi, par celles prises en matière de sécurité de l’Etat, de guerre ou de paix.
Ainsi, les juifs d’Argentine ont payé un prix intolérablement élevé, lorsque le Hezbollah s’est vengé de l’assassinat d’un de ses chefs en faisant sauter le centre communautaire juif de Buenos Aires : des centaines de vies juives furent perdues, ce jour-là. Les juifs d’Europe paient le prix, lorsque des organisations islamiques les utilisent, tels des pions, dans leur guerre implacable contre l’Etat d’Israël.
Et, puisque les juifs de la diaspora sont affectés par nos décisions, pourquoi ne pas leur donner la possibilité de donner leur avis ? Pourquoi ne les inviterions-nous pas à s’asseoir avec nous à une même table, afin de débattre des questions qui nous concernent tous, eux comme nous ? Il est vrai qu’il peut y avoir des divergences, des polémiques. Mais ne vaut-il pas mieux débattre, plutôt que ne pas se parler du tout ?
Au-delà de son impact sur les relations israélo-diasporiques, la création du Parlement de la Diaspora aura vraisemblablement un effet bénéfique pour les conflits internes à la société israélienne, et elle nous aidera à nous libérer de ce mode de pensée rigide qui est notre plaie.
J’en ai été le témoin oculaire : il y a de cela quelques semaines, lors d’une réunion du comité de coordination Gouvernement israélien – Agence Juive, où les recommandations de la Commission Ne’eman, en matière de création d’un institut de conversion conjoint, furent débattues. Le ministre de la Justice, Tommy Lapid, affirmait qu’aucun compromis n’était possible et qu’il était impératif de briser le monopole exercé par les (juifs) orthodoxes en matière de conversion – par n’importe quel moyen.
Grande fut pas ma surprise à la découverte que les représentants des mouvements non-orthodoxes à cette réunion tenaient, en réalité, au compromis, dans l’intérêt de l’unité juive – objectif qui leur semblait bien plus important qu’une victoire remportée sur les Orthodoxes…
Incontestablement : un dialogue plus assidu et plus ouvert avec les juifs de la Diaspora serait très bénéfique pour la société israélienne.
Je ne me berce pas d’illusions : créer un Parlement de la Diaspora n’est pas tâche aisée, et plusieurs problèmes doivent encore être résolus. Qui siègera à ce Parlement, et comment les délégués seront-ils élus, afin de garantir une représentation équitable des juifs de la diaspora ? A quels responsables les recommandations de ce Parlement seront-elles soumises, et quelle sera leur puissance exécutive ? Et la liste des questions ne s’arrête pas là…
Il faudra beaucoup de réflexion et beaucoup de travail pour faire aboutir cette idée. Mais le processus est d’ores et déjà enclenché.
Au total, je suis convaincu qu’un tel Parlement doit absolument être fondé. La responsabilité historique de la continuité et de l’unité du peuple juif repose sur nos épaules.
Même si nous ne connaîtrons peut-être pas la fin de cette mission de notre vivant, nous ne pouvons plus rester les bras croisés, à ne rien faire.
Nathanou.
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