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Moyen Orient - 10 janvier 2010
Par Abdel Bari Atwan
Les ministres des Affaires étrangères des pays arabes dits modérés se succèdent à Washington pour trouver une sortie de l'impasse actuelle des négociations de paix. Hillary Clinton a rencontré hier deux délégations, la jordanienne dirigée par Nasser Jawda et l'égyptienne dirigée par Omar Suleiman, chef des renseignements généraux, et Ahmad Abou el Gheit, ministre des Affaires étrangères, et d'autres visites sont prévues pour les prochains jours.
Rencontre Hillary Clinton - Ahmad Abou el-Gheit, le 8 janvier 2010 (Photo blog Secrétariat Hillary Clinton)
Il est clair que Madame Clinton est en train d'exercer des pressions sur ses partenaires arabes pour trouver un scenario acceptable, ou plutôt une couverture, pour redémarrer les négociations palestino-israéliennes le plus rapidement possible, sans obliger les Israéliens à un gel total de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem occupée.
L'administration Obama vit ses moments les plus difficiles, après les deux camouflets qu'elle a encaissés sur le plan de sa sécurité au cours du mois passé : l'attaque du kamikaze jordanien Himam el Balaoui contre la CIA à Khost qui a tué sept de ses plus hauts cadres, dont le charif Ali Ibn Zeid, officier de liaison jordanien ; et l'opération du Nigérian Omar Farouk Abdel Muttaleb qui a réussi à déjouer les dispositifs de sécurité et tenté de faire exploser une bombe dans un avion de ligne au-dessus de la ville de Detroit.
Mais la gifle la plus forte et la plus humiliante est peut-être celle qui lui a été administrée par les autorités iraniennes qui ont refusé de répondre dans les délais, soit fin 2009, à la proposition américaine sur l'enrichissement de l'uranium et qui ont en outre défié les Etats-Unis en lançant le missile Sagil-2 à longue portée et en occupant un puits de pétrole irakien.
Dans ce contexte peu reluisant, l'administration Obama cherche un "exploit" à accomplir au Moyen-Orient pour contrecarrer les défaites en Irak et en Afghanistan. C'est pourquoi elle se tourne vers ses "fidèles alliés arabes" pour ressusciter le cadavre des négociations de paix et pour rappeler qu'elle est toujours engagée dans l'établissement d'un Etat palestinien.
Logiquement, l'axe des modérés arabes devrait profiter de cette situation, et exercer des pressions sur l'administration Obama, dont la popularité souffre d'une chute sans précédent, afin qu'elle adopte une position ferme face à la politique colonisatrice provocatrice de Netanyahou. Mais quand est-ce que ces pays ont agi selon les règles de la logique et quand est-ce qu'ils ont fourni des services non gratuits au maître de la Maison blanche ? On peut d'ailleurs se demander ce qu'ils ont gagné à soutenir la guerre contre l'Irak et la guerre "contre le terrorisme", hormis une aggravation de leur abjection et de leur ignominie.
Les ministres des Affaires étrangères arabes, qu'ils circonvoluent autour de la Maison blanche ou qu'ils campent dans leurs capitales, vont commencer dans les jours qui viennent avec leurs gouvernements à exercer des pressions sur le maillon faible, le président palestinien Mahmoud Abbas, lequel, en refusant de retourner à la table des négociations avant le gel complet de la colonisation et en décidant de ne pas se porter candidat aux prochaines élections présidentielles palestiniennes, a pris une posture de "héros intransigeant" face aux Américains, aux Israéliens et aux Arabes de l'initiative de paix.
Le président Abbas a reçu de nombreux camouflets pendant les quatre dernières années de son mandat ; il a commis de nombreuses erreurs dues à son insistance à tout miser sur une opération de paix honteuse au détriment des autres options ; mais il a refusé de retourner à la table des négociations tant que la colonisation se poursuit, et en cela il a sauvé en partie sa réputation et effacé un certain nombre d'erreurs. Mais s'il veut continuer à racheter sa personne et son mandat de président, il lui reste encore beaucoup à faire et notamment à tenir ferme à sa position, quelles que soient les pressions de plus en plus fortes qu'il va rencontrer.
Or, nous avons constaté un début de fléchissement dans le dernier entretien du président palestinien avec Al Jazeera, lorsqu'il a déclaré que tant que les Arabes optaient pour la paix et persistaient dans leur choix, il s'y conformerait, et ne contredirait pas leur volonté, ce qui signifie qu'il s'inclinerait si jamais les Arabes décidaient de reprendre les négociations ou de participer au sommet régional de Sharm el-Sheikh en présence de Benjamin Netanyahou, prévu par Madame Clinton pour le mois prochain.
Le président Abbas oublie que l'organisation du Fatah, qu'il dirige, n'a pas consulté les régimes arabes lorsqu'elle a tiré sa première balle il y a 45 ans, et que cette organisation a toujours revendiqué une politique nationale indépendante. Comment expliquer la marche arrière actuelle et l'alignement sur les positions des pays arabes, eux-mêmes inféodés aux projets états-uniens dans la région, qui s'opposent au projet palestinien de justice et de souveraineté ?
Madame Clinton et son administration laissent filtrer des informations sur leur détermination à trouver une solution et établir un Etat palestinien sur les frontières de juin 1967, dans un délai de deux ans selon un calendrier précis et des garanties états-uniennes. Mais ce discours nous rappelle étrangement celui du président George Bush père concernant la résolution de la question palestinienne dans le cadre de la conférence internationale de Madrid, à la suite de la "libération" du Koweit, et ultérieurement celui du président George Bush fils, antérieur à l'invasion de l'Irak en 2003, et qui promettait un Etat palestinien indépendant avant 2005.
L'administration Obama se trouve aujourd'hui devant un choix difficile entre l'amplification de la "guerre contre le terrorisme", et plus spécifiquement contre Al Qaida, d'une part, et la prise de mesures décisives contre le régime iranien qui l'a humiliée et défiée, qui pourraient se concrétiser par un blocus économique asphyxiant suivi ou même accompagné d'attaques aériennes, d'autre part. Dans les deux cas, l'administration états-unienne a besoin des Arabes modérés, car elle ne pourra pas encercler l'Iran sans la participation arabe, notamment des Etats du Golfe et plus précisément les voisins de l'Iran ; et les raids aériens israéliens ou états-uniens contre les installations nucléaires iraniennes ne pourront se faire qu'en utilisant des bases militaires situées dans les pays arabes et en traversant l'espace aérien des pays arabes.
De la même manière que les Etats arabes modérés avaient demandé à Washington de leur fournir une couverture pour dissimuler leur infamie en contrepartie de leur collaboration à la guerre en Irak et en Afghanistan, ils recourent aujourd'hui au scenario de la "relance" urgente du processus de paix pour étouffer la fureur populaire, en partie au moins.
Les paysans de mon pays attendaient l'arrivée de l'oiseau "Abou Fassada" pour commencer la récolte des olives, et on peut considérer aujourd'hui que l'engouement pour la relance des négociations, dans le contexte des défis qui confrontent actuellement les projets états-uniens, est un signe précurseur de la nouvelle guerre contre l'Iran et ses alliés au Liban et à Gaza, et de l'intensification de la guerre menée contre le terrorisme.
Si jusqu'ici les Etats-Unis et leurs alliés arabes s'en sont bien sortis, je ne crois pas que tel sera le cas à l'avenir. En effet, lorsque les Arabes modérés découvrent brusquement l'"identité arabe" et demandent à Hamas de lui donner la priorité aux dépens des autres identités (comprenez l'iranienne et la musulmane), alors qu'ils ont toujours été les ennemis de l'identité arabe, qu'ils l'ont combattue et qu'ils ont accusé les défenseurs de l'identité arabe d'impiété, d'incroyance et d'athéisme, alors il faut s'attendre au pire.
L'identité musulmane était considérée comme "bonne" lorsqu'elle consistait à se soumettre et à s'employer au service des projets états-uniens, l'identité arabe était considérée comme "mauvaise" tant qu'elle combattait ces projets ; tel est le renversement que nous vivons actuellement. Mais cette manipulation approche de sa fin car le Moyen-Orient est au bord d'un changement radical et l'année en cours pourrait se révéler comme une année décisive.
Source : Al Quds Al Arabi
Traduction : Nadine Acoury
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