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Europe - 24 mars 2009
Par Pepijn van Houwelingen
> P.M.J.Van-Houwelingen@rhul.ac.uk
Pepijn van Houwelingen est un doctorant danois du département des Politiques et Relations Internationales de Royal Holloway, Université de Londres. Il travaille au Centre pour les Politiques Européennes du département (http://cep.rhul.ac.uk). Sa thèse de maîtrise étudie l’impact de la politique étrangère européenne sur le Moyen Orient. Il a travaillé auparavant à Bethléem pour le Centre de Recherche et de Ressource BADIL (www.badil.org).
Le carnage de la récente invasion d’Israël à Gaza a poussé des masses d’Européens consternés à participer aux manifestations contre la guerre. Dans des grandes villes comme Madrid, Bruxelles, Rome, Berlin et Londres, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour dire clairement à leurs gouvernements que ce qui était en train de se passer était inacceptable. Pourtant, leurs protestations devant l’usage massif de force mortelle par Israël ne se sont pas reflétées dans les déclarations et les actes de leurs pays, représentés dans l’organe politique le plus important d’Europe, l’Union Européenne, qui n’a pas modifié sa politique de statu quo avec Israël.
L'approche de l'Union Européenne : Israël ne subit aucune conséquence pour ses actions et on accorde généreusement aux Palestiniens le droit d’à peine survivre.
Il est vrai que l’Union Européenne a condamné la conduite d’Israël (condamnation toujours suivie d’une mention aux tirs de roquettes palestiniennes) et a appelé à un cessez-le-feu immédiat, ce que, sans surprise, les Etats Unis n’ont pas fait. De plus, plusieurs membres du Parlement européen ont exprimé leur indignation devant la destruction de Gaza. Chris Davies, libéral-démocrate britannique, par exemple, a dit lors d’un débat parlementaire le 14 janvier que la guerre était « infâme » et qu’Israël « avait transformé Gaza en enfer » avec ses « engins de mort du 21ème siècle. »
En dépit de telle ou telle remarque, cependant, l’Union Européenne n’a lancé aucune action qui aurait pu être perçue comme même vaguement critique d’Israël et tous les efforts ont consisté à « ne pas accabler » le pays. Cette ambigüité apparente est typique de l’approche de l’Union Européenne. L’année dernière, au début décembre, le parlement européen a suspendu un vote sur le rehaussement des relations Israël. Pourtant, à peine quelques jours plus tard, cette décision a été contournée par le Conseil des Ministres de l’Union Européenne, où les 27 ministres européens des affaires étrangères ont voté en faveur d’un rehaussement, permettant ainsi aux ministres israéliens de rencontrer régulièrement leurs homologues européens pour discuter de diverses questions stratégiques. Et même si des projets de ‘partenariat privilégié’ avec Israël ont été gelés, il a été souligné que cela ne constituait pas une sanction mais une simple « pause » (voir Ian Traynor, Guardian, 14 janvier 2009, en anglais).
Il est donc vraisemblable que les pourparlers reprendront bientôt, ce qui signifie de fait qu’Israël est toujours sur le point de faire partie du seul marché européen comme une sorte de semi-membre de l’Union Européenne.
L’accès aux marchés européens et la possibilité d’influencer les prises de décision européennes sont extrêmement importants pour Israël. Même si l’Union Européenne manque de l’autorité morale des Nations Unies et de la visibilité politique des Etats Unis, elle est, bien sûr, un acteur important dans la région. Aujourd’hui, l’Union Européenne représente le principal marché d’Israël pour les exportations, ainsi que sa deuxième plus importante source d’importations (après les Etats Unis). De plus, l’Union Européenne est membre de l’ainsi nommé « Quartet » pour le Moyen Orient – dont l’envoyé est l’à peine crédible Tony Blair – qui soutient une solution à Deux Etats pour le conflit israélo-palestinien. D’un point de vue pratique, l’engagement de l’Union Européenne pour cette solution s’est d’abord exprimé au moyen des euros. En 2008, 486 millions d’euros ont été versés aux Palestiniens, dont 258 directement à l’Autorité Palestinienne.
L’Union Européenne s’est toujours efforcée d’apparaître impartiale et équitable dans ses relations avec Israël et avec les Palestiniens. Bien sûr, elle n’a pas ouvertement favorisé un bord plutôt que l’autre et s’est montrée plus désireuse que les USA de montrer aux Palestiniens un peu de sympathie. Cependant, une inspection plus fine de la destination réelle des euros accordés révèle que la politique européenne n’a fait que contribuer au politicide continu des Palestiniens. En soutenant politiquement seulement des organisations impuissantes comme l’Autorité Palestinienne et l’UNRWA, l’Union Européenne n’a pas réellement soutenu les droits politiques des Palestiniens. Le champ d’influence de l’Autorité Palestinienne est, après tout, sévèrement limité, et les Accords d’Oslo du milieu des années 1990, défectueux par nature, ont conduit à une situation où les Palestiniens ne font guère que gérer leur propre occupation.
De plus, la mission principale de l’UNRWA est de maintenir en vie et de rendre quelque peu supportables les vies des millions de réfugiés palestiniens qu’elle a enregistrés, mais son mandat explicitement apolitique et le « vide de protection » existant (le fait que les réfugiés palestiniens à l’intérieur de la sphère d’opérations de l’UNWRA n’ont pas droit à la protection et à l’assistance du bien plus puissant Haut Commissariat des Nations Unis pour les Réfugiés) ont laissé la majorité des réfugiés palestiniens sans aucune protection politique ou juridique.
Maintenant que l’infrastructure de Gaza a été rasée par l’armement de pointe d’Israël, l’Union Européenne porte son attention sur sa reconstruction. Il est de la plus haute importance que suffisamment d’argent soit disponible pour permettre aux Palestiniens de Gaza de survivre à leurs terribles conditions de vie et de reconstruire leurs maisons. En même temps, il est d’une ironie grinçante que les donateurs internationaux tels l’Union Européenne, une « amie » d’Israël, doive payer pour le redressement d’une région qui a été détruite par Israël avec des armes qui lui ont été vendues par certains des Etats-membres de l’Union Européenne. A nouveau, la situation illustre bien l’approche de l’Union Européenne : Israël ne souffrira d’aucune conséquence pour ses actions et on accorde généreusement aux Palestiniens le droit d’à peine survivre.
Evidemment, un grand nombre de Palestiniens compte aujourd’hui sur l’aide européenne pour leur survie, et c’est la raison pour laquelle il est de la responsabilité de l’Union Européenne de fournir le soutien nécessaire. Mais lorsque l’Union Européenne a décidé en 2006 de suspendre ses paiments à l’Autorité Palestinienne après la victoire électorale du Hamas, il est devenu clair que l’Union Européenne n’a pas pris toute la mesure de ses responsabilités. Et surtout, sa décision a révélé clairement qu’elle préfère financer des acteurs politiquement anodins plutôt que de soutenir vraiment les pleins droits palestiniens.
En tant que plus important donateur d’aide aux Palestiniens, et principal partenaire commercial d’Israël, l’Union Européenne a le pouvoir der jouer un rôle bien plus important de soutien et de protection des droits palestiniens. Cela donnerait de la substance et de la crédibilité à son discours sur la défense des droits de l’homme et ses actes en tant que « force pour le bien ». Pourtant, en adoptant une approche apparemment neutre et en se conformant aux positions du Quartet, qui représentent le plus petit dénominateur commun imaginable, les Etats-Membres de l’UE révèlent leur désintérêt à protéger les Palestiniens d’autre chose que de la famine. En définitive, une approche « équitable » telle celle de l’UE est passablement absurde lorsqu’une des parties est un Etat industriel moderne, avec une armée très importante et hautement sophistiquée, alors que l’autre partie est un peuple systématiquement opprimé, occupé, appauvri. Ainsi, « l’objectivité », logiquement, favorise l’opprimeur sur l’opprimé. Ce dernier devrait, à l’évidence, bénéficier de toute une série de mesures de protection pour garantir ses droits. Parce que celles-ci sont inexistantes, le politicide des Palestiniens se poursuit sans répit, avec le silence consentant de l’Union Européenne.
Pour ceux des Européens qui pensent que leurs pays et l’UE devrait adopter une position plus ferme contre Israël, la question primordiale est : que pouvons-nous faire ? Il est important de réaliser que la tragédie de la Palestine ne repose pas exclusivement sur des flambées de violence, mais consiste aussi en une injustice croissante continue infligée aux Palestiniens, comme l’expansion des colonies en Cisjordanie – un fait très bien connu de l’Union Européenne. En conséquence, il faut comprendre que manifester (par des protestations et autres moyens) seulement contre les plus graves accès de l’agression israélienne n’est pas suffisant. Le rehaussement d’Israël dans les relations avec l’UE et le fait qu’il puisse devenir un “partenaire privilégié” ne sont pas suffisamment connus des citoyens européens. Ce sont cependant des questions très importantes, et l’effort doit être fait pour les porter à la connaissance du public et communiquer aux dirigeants européens que récompenser Israël pour ses méfaits n’est pas la bonne direction. Il sera certainement difficile de contrer les énormes intérêts économiques en jeu, mais il n’y a aucune excuse à rester inactifs pendant que l’UE devient le complice passif de la perpétuation du calvaire palestinien. Les campagnes en cours de boycott, désinvestissements et sanctions peuvent servir à transmettre ces points.
De plus, ce qui est nécessaire, c’est une politique plus active pour protéger et renforcer les droits politiques palestiniens. Pour l’UE, a démarche la plus importante est de tenir sérieusement compte de la volonté des Palestiniens en acceptant les résultats de leurs élections, quel que soit le parti que en sort victorieux. Cela prouverait que « la démocratie » et les « droits de l’homme » sont plus que des platitudes vides de sens qui ne valent que lorsque c’est politiquement sûr. Enfin, les Palestiniens eux-mêmes doivent atteindre leurs objectifs politiques, et personne n’attend que l’UE le fasse à leur place. Mais dans la situation actuelle, l’Europe peut et doit jouer un rôle pour permettre aux Palestiniens d’exercer leurs droits d’avoir leur mot à dire dans leur propre destin.
Javier Solana, le représentant des Affaires Etrangères de l’UE, avait tout à fait raison lorsqu’il a dit que « les paramètres d’une solution sont connus », mais que ce qui est nécessaire est « une volonté politique ».
Source : Electronic Initifada
Traduction : MR pour ISM
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