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Palestine - 12 mai 2014
Par Hazem Balousha
Hazem Balousha est un journaliste palestinien basé à Gaza. Il a travaillé comme producteur d'actualités pour BBC World Service, a contribué à Deutsche Welle et a écrit pour The Guardian, Al-Raya (Qatar) et autres publications. Il est le fondateur de l'Institut palestinien pour la communication et le développement (PICD). Sur Twitter: @iHaZeMi
09.05.2014 - L'optimisme grandit parmi les Palestiniens sur la mise en œuvre de l'accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, et les préparatifs ont commencé pour la formation d'un gouvernement palestinien unifié qui inclut des représentants de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Toutefois, en même temps, des craintes demeurent quant à la capacité de l'accord de restaurer la cohésion sociale au sein des Palestiniens. Les rivalités se sont approfondies au cours des sept dernières années de divisions et de reproches mutuels, d'accusations publiques, de diffamation et d'allégations de trahison.
Gaza, le 22 avril 2014, des centaines de Palestiniens participent à une manifestation de soutien à la réconciliation nationale (source NBCnews.com)
Rétablir la paix sociale avec les victimes de la division reste un obstacle majeur dans le processus de réconciliation. La rupture politique ne s'est pas limitée aux deux gouvernements rivaux à Gaza et à Ramallah mais elle s'est infiltrée à tous les niveaux de la société palestinienne.
Les familles de ceux qui ont été tués, et ceux qui ont été arrêtés, torturés, maltraités ou dont les droits humains ont été violés de façon flagrante ont des opinions divergentes sur l'accord de réconciliation palestinienne et sur le pardon des assassins et des tortionnaires de leurs fils et de leurs parents.
Al-Monitor a discuté avec Ibrahim Mansour, le frère d'une des victimes des affrontements qui ont éclaté entre le Hamas et le Fatah en juin 2007. Son frère a été tué par les forces sécuritaires de l'Autorité palestinienne parce qu'il faisait partie de l'aile militaire du Hamas, les Brigades Izz ad-Din al-Qassam. Mansour a dit qu'il refuserait l'accord de réconciliation politique si les droits des familles n'étaient pas réhabilités par le châtiment des assassins ou au moins par leur bannissement de la Bande de Gaza.
"Nous ne demandons pas beaucoup. Si tous cherchent la réconciliation, alors ils doivent essayer de maintenir hors de la Bande de Gaza ceux qui ont tué des Palestiniens en 2007, qu'il s'agisse de membres du Fatah ou du Hamas. Je ne peux pas supporter de voir ma mère pleurer tous les matins sur la perte de mon frère Mohammed, qui avait 25 ans et qui a été tué un mois après son mariage, et accepter que son assassin soit autorisé à vivre heureux ici à Gaza," a-t-il dit.
En revanche, Nidal al-Sarafity a exprimé sa volonté de renoncer au droit individuel de sa famille de se venger des assassins de son neveu Mohammed, qui a été tué par des membres des Brigades al-Qassam, si cela signifiait un retour à l'unité palestinienne.
"Si l'intérêt suprême du peuple palestinien exige que nous abandonnions notre droit individuel, alors nous n'hésiterons pas à soutenir l'accord de réconciliation pour mettre fin à l'état de division qui nous a causé une grande angoisse pendant de nombreuses années. Nous ne voulons pas que d'autres familles souffrent ce que nous avons souffert," a-t-il déclaré à Al-Monitor.
Le Centre Al-Mezan pour les droits de l'homme a recensé 375 morts dans les affrontements qui ont éclaté entre le Fatah et le Hamas depuis la victoire aux élections législatives du Hamas en 2006 jusqu'à ce qu'il prenne le contrôle militaire de la Bande de Gaza le 14 juin 2007. Parmi les morts, on a compté 19 enfants et 18 femmes, et plus de 1.940 blessés.
Nafez Ghoneim, membre du bureau politique du Parti du Peuple palestinien et secrétaire de la Commission de la Réconciliation sociale qui a été créée avec des membres des divers partis politiques conformément à l'Accord du Caire en 2011, a déclaré que le rétablissement de la paix civile dans la société palestinienne serait la tâche la plus difficile après la signature de l'accord politique.
"Il y a de nombreux obstacles à surmonter, dont l'établissement d'un appareil sécuritaire unitaire capable de faire respecter la loi sous les auspices d'un gouvernement palestinien unifié, de manière à ce que les familles qui chercheront à se venger des assassins de leurs enfants ne puissent pas saper l'effort de réconciliation," a-t-il déclaré à Al-Monitor.
Il a indiqué que lors des réunions précédentes postérieures à la signature de l'Accord du Caire, la commission a formé d'autres sous-comités et déterminé le cadre de leur travail. Ils attendent maintenant la formation du gouvernement pour passer à la phase de mise en œuvre.
Selon Ghoneim, les fonctions de la commission tournent autour de l'indemnisation des familles des personnes tuées ou blessées pendant les combats sanglants et la classification des morts comme martyrs, les familles recevant une compensation financière en fonction de cette classification par le futur gouvernement. Ce processus ferait suite à un décret présidentiel accordant une amnistie générale à tous ceux qui ont pris part aux combats.
La division a été profonde dans la société palestinienne de Gaza, au point que l'affiliation politique est devenue une condition d'acceptation ou de refus des propositions de mariage. Les médias ont rapporté également des cas de divorce pour les mêmes raisons.
Selon l'écrivain politique Mustafa Ibrahim, tourner une nouvelle page ne doit pas signifier de renoncer à punir les auteurs de violences et à les faire comparaitre devant la justice palestinienne. S'adressant à Al-Monitor, il a dit, "La première étape, indemniser les victimes et donner l'ordre des réparations monétaires et morales, doit commencer par la reconnaissance des deux bords de leur responsabilité collective pour les dommages infligés aux victimes, résultant de leur recours à un conflit armé. Les Palestiniens peuvent tirer profit des expériences passées de pays comme l'Afrique du Sud dans les questions ayant trait à la justice transitionnelle. Pourtant, je dois mettre en garde contre le fait d'ignorer les transgressions ou de renoncer aux droits des victimes lors de leur compensation sous quelque forme que ce soit."
La réconciliation palestinienne est également confrontée à la difficulté de trouver les fonds pour indemniser les victimes des conflits palestiniens internes, que la Commission de la Réconciliation sociale a évalués à 35 millions de dollars, selon Ghoneim. Ce dernier a minimisé l'importance de l'aspect financier, et a indiqué que des pays arabes comme le Maroc et le Qatar étaient prêts à fournir le soutien financier nécessaire.
A cet égard, le ministre des Donations et des Affaires religieuses à Gaza Ismail Radwan a déclaré le 4 mai que l'Emir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani, avait exprimé son souhait de soutenir le Fonds de Réconciliation sociale à hauteur de 5 millions de dollars pour l'indemnisation des familles des victimes.
Selon Ghoneim, la route de la réconciliation sociale sera plus longue que celle de la réconciliation politique. "Nous cherchons à impliquer les aînés des familles et des clans dans le travail de réconciliation sociale, en exploitant l'influence qu'ils ont sur les familles des victimes. Le problème est compliqué ; de longues années de division ne peuvent pas être surmontées en une seule journée ou mois. Il faudra au moins deux ans pour réduire les effets douloureux que la division intra-palestinienne a eu sur nous tous."
Source : Al Monitor
Traduction : MR pour ISM
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Hazem Balousha
12 mai 2014