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Palestine occupée -

Les accords d’Oslo : une excuse pour des crimes de guerre

Par

Diana Buttu, analyste et militante basée à Ramallah, est une ancienne conseillère de Mahmoud Abbas et de l'équipe de négociation de l'Organisation de libération de la Palestine. L’article en anglais est paru le 16 septembre 2018.

Il y a 25 ans, la signature des accords d'Oslo a inauguré un nouveau paradigme dans les relations israélo-palestiniennes, avec des négociations au premier plan. Au cours de plusieurs années, les négociateurs israéliens et palestiniens ont tenu d'innombrables réunions avec poignées de main et séances de photos. Dans le même temps, et moins évident pour le public, ils ont aussi fondamentalement changé le paysage physique et juridique palestinien.

Les accords d’Oslo : une excuse pour des crimes de guerre

Les changements intervenus dans le paysage juridique ont pris diverses formes : une multiplicité de lois en raison de la création de l’Autorité palestinienne (AP) ; un système juridique palestinien incapable de faire face à l'occupation ; un système israélien approuvant l'occupation et un fléchissement du droit international pour apaiser Israël.

Avec la création de l'Autorité palestinienne, dont la juridiction est limitée, les Palestiniens ont été confrontés à un ensemble vertigineux de lois : alors que la loi militaire israélienne reste en place dans l’ensemble de la Cisjordanie , à Jérusalem et en Palestine historique, la loi de l'Autorité palestinienne est en place dans les zones A et B, qui représentent 41% de la Cisjordanie et toute la bande de Gaza.

Ce labyrinthe juridique n'est pas simplement physique : les lois en vigueur dépendent de l'identité de chacun. Ainsi, par exemple, contrairement aux pays du monde où l’on doit respecter la loi du pays partout où l’on se trouve, les accords d’Oslo ont, de manière perverse, rendu la loi applicable à certains seulement. Pour illustrer ce point, prenons, par exemple, un ressortissant canadien en visite aux États-Unis. Le ressortissant canadien n'est pas autorisé à demander une exemption de la loi américaine simplement parce qu’il est ressortissant canadien. Au contraire, la loi s'applique indépendamment de la nationalité.

Mais, lorsque l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a signé les accords d’Oslo, elle a également approuvé la mise en œuvre d’un double ensemble de lois fondées sur la nationalité, ce qui voulait dire que les lois de l’AP ne pouvaient s’appliquer qu’aux Palestiniens tandis qu’Israël gardait la juridiction personnelle exclusive sur les Israéliens dans toutes les affaires pénales et civiles, même pour des infractions commises dans des zones relevant de la juridiction de l’Autorité palestinienne. En d'autres termes, le droit civil et pénal israélien, mais pas le droit militaire israélien, s'applique aux Israéliens, qu'ils se trouvent dans les zones de l'Autorité palestinienne, dans la zone C ou en Israël, tandis que les Palestiniens des zones A et B sont soumis aux lois civiles palestiniennes et à la loi militaire israélienne, qu'ils se trouvent dans les zones A, B ou C. En bref, l'OLP a accepté l'apartheid.

C’est ainsi, par exemple, qu’un Israélien qui blesse ou tue un Palestinien dans la zone A ou B ne peut être jugé pour ses actes, alors que les Palestiniens vivant dans la zone C doivent obtenir des permis israéliens pour construire une pièce supplémentaire ou installer des panneaux solaires. Le plus absurde, dans les cas où un Israélien et un Palestinien commettent exactement le même crime, les droits garantis et la peine infligée diffèrent sensiblement.

Dans le même temps, les lois de l'Autorité palestinienne furent uniquement conçues pour se concentrer sur les questions relevant du contrôle de l'Autorité palestinienne, mais pas sur les questions touchant les Palestiniens au-delà de ces zones. Par exemple, l’Autorité palestinienne n’a jamais fait de déclaration ni émis d’injonction en rapport avec le vol de terres palestiniennes par Israël, se concentrant plutôt sur des questions internes.

Pendant ce temps, le système judiciaire israélien, loin de défier l'occupation israélienne, a oscillé entre le fait d'ignorer l'occupation - comme dans les cas de démolitions de maisons - et le refus catégorique d'affronter l'occupation. Par exemple, les tribunaux israéliens ont refusé d’entendre des contestations concernant la construction de colonies israéliennes au motif qu’il valait mieux laisser ça aux hommes politiques qu’aux tribunaux.

L'aspect le plus troublant des changements dans le paysage juridique est peut-être au niveau international. Alors que les Accords d'Oslo déclarent que les négociations mèneront à « la mise en œuvre des résolutions 242 et 338 », le simple fait qu'ils aient engagé un processus de négociation sur les frontières, les colonies, Jérusalem et les réfugiés indique que ces questions doivent faire l’objet d’un « compromis ». Et voila le résultat : alors qu'il est clair que les colonies sont des crimes de guerre, que l'annexion de Jérusalem est illégale et qu’Israël n'a pas droit à un seul pouce de territoire occupé et que les Palestiniens ont légalement le droit de revenir, les Accords d’Oslo ont transformé ces droits en simples questions à négocier.

Des déclarations répétées de représentants de la communauté internationale soulignent que les « actions unilatérales d’Israël ne seront pas reconnues » et que l’occupation « ne peut être résolue que par la négociation ». En d’autres termes, les représentants de la communauté internationale disent en fait qu’ils reconnaîtront les colonies – ces crimes de guerre - que l'OLP accepte. Cela revient à dire qu'il n'y a pas de normes internationales - pas de lois objectives - mais que le consentement, peu importe comment il est obtenu, peut excuser tout acte illégal.

L'impact de ces changements est profond. Aujourd’hui, les Palestiniens manœuvrent dans un labyrinthe de lois sans aucun recours devant les tribunaux, alors que, à l’échelon international, la pression sur les négociations a permis à la communauté internationale de se cacher derrière des déclarations dénuées de sens et de ne rien faire.

Après vingt-cinq ans et sans perspective de libération, seule l’Autorité palestinienne continue d’investir dans la fiction des zones A, B et C. Israël a depuis longtemps abandonné cette division, conforté par le fait qu’il peut continuer à imposer ses lois militaires aux Palestiniens et à leurs terres. Le choix auquel l'Autorité palestinienne est confrontée aujourd'hui consiste à retirer sa reconnaissance du régime d'apartheid qu'il a aidé à créer et à retirer son soutien aux négociations, ou à continuer de croire que naviguer à vue dans ce dédale sans fin mènera à la liberté.

Source : Palestine Square

Traduction : MR pour ISM

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