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Palestine - 23 novembre 2009
Par Virginia Tilley
Virginia Tilley, qui a enseigné les sciences politiques et les relations internationales, et qui est spécialiste en chef au Human Sciences Research Council of South Africa depuis 2006, est l’auteur de The One-State Solution (University of Michigan Press, 2005), ainsi que de nombreux articles et essais consacrés au conflit israélo-palestinien. Elle réside au Cap, s’exprime à titre personnel.
Passée d’une simple rumeur à un murmure croissant, la proposition brandie par la direction de l’Autorité palestinienne (PA) de Ramallah consistant à déclarer unilatéralement un Etat palestinien a pris soudain une place centrale dans le tableau. L’Union européenne, les Etats-Unis et d’autres pays l’ont rejetée, la jugeant « prématurée ». Mais les adhésions ne manquent pas, qui proviennent de tous les azimuts : des journalistes, des universitaires, des militants d’organisations non gouvernementales, ainsi que certains dirigeants de la droite israélienne (j’y reviendrai, plus en détail). Le catalyseur semble être une expression ultime de dégoût et d’épuisement pur et simple devant un « processus de paix » fallacieux et l’argumentation consiste à dire, en gros : puisque nous ne parvenons pas à obtenir un Etat au moyen de négociations, alors nous allons tout simplement déclarer (notre) Etat… et nous laisserons Israël se débrouiller avec les conséquences que cela aura.
Par sa proposition de proclamation unilatérale d’un ‘Etat palestinien’, la direction palestinienne installée à Ramallah mène le mouvement palestinien d’indépendance dans une impasse (photo de Thaer Ganaim/MaanImages).
Mais il n’est pas exagéré d’avancer que cette idée (même si elle est peut être bien intentionnée, de la part de certains) soulève le danger le plus manifeste auquel le mouvement national palestinien ait jamais été confronté, depuis sa création, car elle risque d’enfermer les aspirations palestiniennes dans un cul-de-sac politique, duquel elle ne ressortirait sans doute jamais. L’ironie, c’est bien le fait qu’à travers cette gesticulation, l’AP est en train de se saisir – même si elle déclare qu’il s’agit de son droit – précisément de la même formule sans issue que l’African National Congress (sud-africain) (ANC) a combattue avec tellement d’acharnement durant des décennies, parce que sa direction la considérait, à juste titre, désastreuse. On peut la résumer d’un seul mot – un seul : bantoustan.
Le fait que les bantoustans sud-africains restent aussi profondément de l’hébreu pour le mouvement national palestinien est en train de s’avérer de plus en plus néfaste. La plupart des rares Palestiniens à avoir entendu parler des bantoustans imaginent ceux-ci comme des enclaves territoriales dans lesquelles les Noirs sud-africains étaient contraints de résider, mais où ils étaient privés de droits politiques et où ils vivaient misérablement.
Cette vision partiale a été reflétée par les commentaires récents de Mustafa Barghouthi au Watan Media Center de Ramallah, lorsqu’il a mis en garde contre le fait qu’Israël avait l’intention de confiner les Palestiniens dans des « bantoustans », après quoi il avait argué en faveur d’une déclaration unilatérale d’un Etat palestinien à l’intérieur des frontières de 1967 – alors même que des « Etats » purement nominaux dépourvus d’authentique souveraineté, c’était précisément ce pour quoi les bantoustans avaient été inventés !
Les bantoustans de l’Afrique du Sud de l’apartheid n’étaient pas simplement des enclaves territoriales scellées destinées à recevoir les Noirs. Non : c’était le summum de la formule « géniale » grâce à laquelle le régime d’apartheid escomptait survivre : à savoir des Etats indépendants pour les Sud-Africains noirs, qui – comme les stratèges blancs de l’apartheid l’ont bien compris et se sont empressés de le faire remarquer – ne cesseraient jamais de s’opposer au déni permanent de leurs droits égaux et de leur expression politique en Afrique du Sud, déni et suppression de leur expression que la pérennisation de la suprématie blanche requérait.
Comme prévu par les architectes de l’apartheid, les bantoustans étaient faits pour correspondre, en gros, à certains territoires historiquement associés à tel ou tel « peuple » noir, afin qu’ils puissent plus facilement être qualifiés de « foyers nationaux ». Cette expression officielle trahissait leur finalité idéologique : servir de territoires nationaux et, en bout de course, d’Etats indépendants aux divers « peuples » noirs africains (c’était le régime sud-africain qui avait la maîtrise de leur définition, of course) et assurer un avenir heureux à la suprématie blanche à l’intérieur du foyer national « blanc » (comprendre : tout le reste de l’Afrique du Sud). Ainsi, l’objectif de transférer de force des millions de Noirs dans ces Homelands fut commenté comme si cela avait été une mesure progressiste : l’on était censé s’acheminer vers onze Etats vivant pacifiquement côte-à-côte (cela ne vous rappelle rien ?) L’idée, c’était avant tout de garantir une « autonomie » aux Homelands, le temps nécessaire qu’ils acquissent une compétence institutionnelle, puis de récompenser ce processus en déclarant/garantissant leur souveraineté autonome…
Pour le régime d’apartheid, le défi consistait dès lors à persuader les élites « autonomes » noires d’accepter des Etats indépendants dans ces fictions territoriales et d’absoudre, de ce fait, à jamais le gouvernement blanc de toute responsabilité en matière de droits politiques des Noirs. A cette fin, le régime d’apartheid sélectionna et sema des « dirigeants » sélectionnés selon son goût dans les Homelands où ils germèrent immédiatement, produisant une magnifique récolte d’élites d’opérette (constituées des habituels carriéristes et seconds couteaux), qui s’installa solidement, fournissant de lucratives niches de privilèges financiers et des réseaux de contrôle, que le gouvernement sud-africain blanc cultiva d’une manière fort avisée (cela devrait vous rappeler quelque chose aussi, non ?).
Peu importait que les territoires réels de ces Homelands fussent fragmentés en une myriade de morceaux et qu’ils manquassent des ressources essentielles qui auraient pu leur éviter de devenir des viviers de main-d’œuvre corvéable à merci. De fait, la fragmentation territoriale des Homelands, bien que catastrophiquement handicapante, ne préoccupait en rien le génial apartheid. Dès lors que toutes ces « nations » vivaient dans la sécurité en tant qu’Etats indépendants, les idéologues de l’apartheid assuraient au monde entier que les tensions allaient s’apaiser, que le commerce et le développement allaient s’avérer florissants, que les Noirs seraient libérés et heureux et que la suprématie blanche, par conséquent, deviendrait pérenne et garantie.
Le hic, dans ce plan, c’était la difficulté d’obtenir des élites noires des Homelands, bien que totalement cooptée, qu’elles déclarassent leur Etat indépendant à l’intérieur de territoires soi-disant « nationaux » qui étaient manifestement dépourvus de toute souveraineté réelle sur leurs frontières, leurs ressources naturelles, leur commerce, leur sécurité, leur politique étrangère et leur eau – tiens, ça m’rappelle un truc, mais quoi, déjà ? Seules, quatre élites de Homelands le firent, au moyen de combinaisons de pots-de-vin, de menaces et autres « incitations ». Cela mis à part, les Noirs sud-africains n’ont pas marché dans la combine, et l’ANC et le monde entier ont rejeté cette mascarade catégoriquement (le seul Etat à avoir reconnu les Homelands fut un pays compagnon de route de l’apartheid, un certain Israël…) Mais les Homelands étaient bien au service d’un objectif : ils visaient à déformer et à diviser la politique noire, ils créaient des divisions internes redoutables, et la lutte décisive que menèrent contre eux l’ANC et d’autres formations causa des milliers de victimes. Les dernières batailles, féroces, du combat contre l’apartheid se déroulèrent dans les Homelands, laissant derrière elles un legs d’amertume, jusqu’à aujourd’hui.
D’où il s’ensuit que l’ironie suprême, pour les Palestiniens d’aujourd’hui, c’est le fait que la mission la plus urgente de l’apartheid sud-africain – faire en sorte que la population indigène déclare sa souveraineté étatique dans des enclaves dépourvues de souveraineté – ait fini par échouer, du fait d’une révolte noire massive, et qu’elle ait entraîné l’apartheid avec elle et que, pourtant, la direction palestinienne soit aujourd’hui non seulement en train d’aller droit dans le même piège, mais de le revendiquer !
Les raisons de la volonté de tomber dans ce piège de la direction de l’AP à Ramallah sont nébuleuses. Cela pourrait peut-être aider les « négociations de paix », si elles étaient redéfinies comme des négociations entre deux Etats en cessant de porter sur les pré-conditions de création d’un Etat ? Le fait de déclarer l’Etat (palestinien) pourrait requalifier l’occupation israélienne en invasion, et légitimer la résistance, tout en donnant lieu à une intervention différente, et plus efficace, de l’Onu ? Peut-être cela conférerait-il aux Palestiniens un levier politique plus important sur la scène internationale – ou tout au moins, peut-être cela prolongerait-il l’existence de l’Autorité palestinienne pour une minable petite année supplémentaire ?
Le fait que ces visions oiseuses ne sont pas promptement dissipées par une minute d’attention à l’expérience sud-africaine des bantoustans peut résulter en partie de deux différences fondamentales qui rendent la comparaison malaisée, car Israël a, de fait, réussi à éviter deux erreurs funestes qui contribuèrent à couler la stratégie des Homelands de l’Apartheid. Tout d’abord, Israël n’a pas commis l’erreur initiale de l’Afrique du Sud consistant à désigner des « leaders » pour gérer le Homeland palestinien « autonome intérimaire ». En Afrique du Sud, ce péché originel avait rendu bien trop évident le caractère de régimes de pantins des Homelands, et il avait révélé à tous l’illégitimité des territoires noirs soi-disant « nationaux », en exposant leur nature d’enclaves raciales totalement artificielles.
Ayant observé les Sud-Africains en train de se planter, et ayant retiré les leçons de ses propres échecs passés, avec les Ligues des Villages, notamment, Israël a décidé de travailler, en lieu et place, avec les Etats-Unis, à la mise en œuvre du processus d’Oslo, non seulement afin de restaurer le leadership en exil de l’OLP et son dirigeant d’alors Yasser Arafat, dans les territoires, mais aussi d’organiser des « élections » (sous occupation !…) afin de garantir un vernis attrayant de légitimité à l’ « autorité palestinienne intérimaire d’autonomie ». C’est une des pires tragédies du scénario actuel qu’Israël ait réussi à retourner de la sorte, si promptement, le noble engagement des Palestiniens vis-à-vis de la démocratie contre ceux-ci – en leur persuadant l’illusion d’un autogouvernement authentiquement démocratique, dans ce que tout le monde sait désormais avoir été conçu de tout temps, dans le plus grand secret, comme un Homeland.
Ce n’est que tout dernièrement qu’Israël a trouvé un moyen d’éviter la deuxième erreur fatale à l’Afrique du Sud, qui fut de déclarer que les Homelands noirs étaient des « Etats indépendants » sur un territoire non-souverain. En Afrique du Sud, cette initiative apparut aux yeux du monde clairement raciste, et elle fut universellement fustigée. Il doit être évident pour tout le monde que si Israël était monté sur la scène internationale et avait déclaré : « et voilà, vous êtes aujourd’hui un Etat », les Palestiniens et tout les autres auraient rejeté cette assertion d’un revers de manche en la qualifiant de farce cruelle. Pourtant, le fait d’obtenir des Palestiniens qu’ils proclament eux-mêmes leur souveraineté étatique permet à Israël d’obtenir précisément le résultat qui fit défaut au régime d’apartheid sud-africain : l’acceptation volontaire, par les indigènes, de leur « indépendance » sur un territoire non-souverain, avec aucune capacité politique d’en altérer les frontières territoriales ou d’autres termes essentiels de son existence : c’est là cette capsule empoisonnée politique que l’apartheid sud-africain n’avait jamais réussi à faire croquer à l’ANC…
Les réactions israéliennes ont été jusqu’ici mitigées. Le gouvernement ne semble pas enthousiaste, et il a fait part de sa « préoccupation ». Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a brandi des sanctions unilatérales (non spécifiées) et certains représentants du gouvernement ont pris des vols à destination de diverses capitales afin de s’assurer du rejet international. Mais les protestations israéliennes peuvent aussi être feintes.
Une tactique pourrait consister à persuader les patriotes palestiniens inquiets qu’une déclaration unilatérale de l’Etat palestinien pourrait ne pas être dans l’intérêt d’Israël, afin d’alléger ce soupçon même.
Une autre consisterait à apaiser les protestations de l’aile de droite, purement aveugle, de l’électorat Likoud, pour qui l’expression « Etat palestinien » est en elle-même idéologiquement anathème. Une réaction, plus honnête, pourrait être l’adhésion du sage du parti Kadima, Shaul Mofaz, un dur, dont on ne saurait en rien imaginer qu’il apprécie un quelconque avenir palestinien stable et prospère.
Les journalistes israéliens de droite ajoutent eux aussi leur grain de sel, ils y vont de leurs articles à la fois méprisants et rassurants, arguant du fait qu’une déclaration unilatérale d’un Etat palestinien n’aura guère d’importance, parce que cela ne changera strictement rien (on n’est pas loin de la vérité). Par exemple, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a menacé d’annexer unilatéralement les blocs de colonies en Cisjordanie si l’Autorité palestinienne proclame l’Etat palestinien, mais c’est précisément ce qu’Israël s’apprêtait à faire, de toutes les manières…
Dans le camp sioniste-progressiste, Yossi Sarid a chaudement fait sien ce projet, et Yossi Alpher l’a fait lui aussi, quoi qu’avec cautèle. Leurs écrits suggèrent la même frustration ultime avec le « processus de paix », mais aussi l’aveu que cela pourrait être la seule manière de sauver le rêve, de plus en plus fragile, selon lequel un gentil Etat juif démocratique progressiste peut survivre en tant que tel. Cela semble aussi quelque chose qui serait susceptible de faire plaisir aux Palestiniens – assez, tout au moins pour qu’ils soulagent la conscience sioniste de gauche du récit culpabilisant de leur expulsion et de leur errance. Les progressistes blancs bien-intentionnés de l’apartheid sud-africain – mais oui, il y en avait, aussi… - faisaient brûler le même cierge ingénu à l’intention du système des Homelands noirs.
D’autres journalistes, autrement plus intelligents, y vont de leur plume pour avaliser la proclamation unilatérale de l’Etat, en soulevant des comparaisons étrangement mal à propos – la Géorgie, le Kosovo, ou, du temps qu’ils y sont, Israël itself -, y voyant autant de « preuves » que c’est là une idée qu’elle est bonne… Mais la Géorgie, le Kosovo et Israël avaient des profils entièrement différents, dans la politique internationale, et des histoires entièrement différentes de celle de la Palestine, et les tentatives tirées par les cheveux de faire ce genre de comparaison est intellectuellement médiocre. La comparaison évidente est ailleurs, et les leçons indiquent la direction opposée : pour un peuple politiquement faible et isolé, qui n’a jamais eu d’Etat à lui qui est dépourvu de tout allié international, le fait de déclarer ou d’accepter son « indépendance » sur des enclaves non-jointives et non-souveraines, encerclées par une puissance nucléaire hostile, ne peut que sceller son sort.
De fait, l’examen même le plus rapide devrait instantanément révéler qu’une déclaration unilatérale de souveraineté étatique confirmera la situation impossible actuelle des Palestiniens, en la rendant permanente. Comme l’a prédit Mofaz, une déclaration unilatérale permettra la poursuite de négociations sur le « statut définitif ». Ce qu’il s’est gardé de dire, c’est que ces pourparlers perdront tout objet, parce que le levier d’action des Palestiniens sera réduit à néant. Comme l’a fait récemment observer l’historien du Moyen-Orient Juan Cole, la dernière carte que peuvent jouer les Palestiniens – leur appel réel à la conscience mondiale, la seule menace qu’ils puissent opposer au statu quo israélien d’occupation et de colonisation -, c’est le fait, précisément, qu’ils n’ont pas d’Etat. La direction de l’AP, à Ramallah, a déjà abattu toutes ses autres cartes. Elle a étouffé l’opposition populaire, elle a éliminé la résistance armée, elle a remis son autorité sur des secteurs aussi vitaux que l’eau à des « commissions mixtes » dans lesquelles Israël dispose du droit de veto, elle a sauvagement attaqué le Hamas, qui insistait pour que fussent menacées les prérogatives israéliennes et, de manière générale, elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour adoucir l’humeur de l’occupant, de préserver le patronage international dont elle bénéficie (argent et protection) et elle a sollicité des avantages promis (encore et toujours des pourparlers ?) qui ne sont jamais venus. Il est de plus en plus évident, pour quiconque observe ce scénario depuis l’extérieur – et pour beaucoup de ceux qui l’observent de l’intérieur – que cela n’a jamais cessé, depuis le début, d’être une farce. Ne serait-ce que pour cette raison que les puissances occidentales ne fonctionnent pas comme les régimes arabes : quand vous faites absolument tout ce qu’Occident requiert de vous, vous pourrez toujours vous brosser pour obtenir ses faveurs, car toute puissance occidentale perdrait alors quelque bénef à traiter davantage avec, et c’est pourquoi elle se contente de vous tourner le dos.
Mais il y a plus important : la comparaison sud-africaine contribue à expliquer la raison pour laquelle les ambitieux projets de pacification, de « meccano institutionnel » et de développement économique dans lesquels l’AP de Ramallah et son Premier ministre Salam Fayyad se sont embarqués de bon cœur ne sont pas, en réalité, des exercices de « meccano étatique ». En lieu et place, ils singent, avec une fidélité et une constance effrayantes, la politique et les mises en scènes sud-africaines en matière de bantoustans/Homelands. De fait, le projet de Fayyad consistant à obtenir la stabilité politique au travers du développement économique est le même qui avait été ouvertement formalisé dans la politique sud-africaine des Homelands sous le slogan du « développement séparé ». A prouver que, que dans des conditions d’une telle vulnérabilité aucun gouvernement ne soit à même d’exercer un quelconque réel pouvoir et qu’un quelconque « développement séparé » doit être compris comme une extrême dépendance, une extrême vulnérabilité et un extrême dysfonctionnement, il y a la leçon sud-africaine, qui n’a pas encore été apprise en Palestine, ce qui est très dangereux, bien que tous les signales soient réunis, comme l’a à l’occasion reconnu Fayyad lui-même, qui exprime une frustration croissante. Mais le fait de déclarer l’indépendance ne résoudra pas le problème de la faiblesse palestinienne : il ne fera que la concrétiser.
Reste que quand le « développement séparé » échouera en Cisjordanie , comme il ne manquera pas de le faire, Israël sera confronté à une insurrection palestinienne. Aussi Israël a-t-il besoin d’enfoncer un dernier coin afin d’assurer l’Etat juif avant que cela ne se produise : déclarer un « Etat palestinien » et réduire, ce faisant, le « problème palestinien » à un querelle de voisinage lancinante entre égaux putatifs. Dans les coulisses de la Knesset, les architectes politiques du parti Kadima, comme les sionistes progressistes, doivent être en train d’attendre, actuellement, en retenant leur souffle, quand ils ne sont pas en train d’entretenir le flot des messages subliminaux qui sont certainement en train d’affluer à Ramallah afin d’encourager cette initiative et de promettre l’amitié, des conversations entre initiés et de vastes avantages. Car ils savent tous ce qui est en jeu, ce que tout organe d’opinion important et tout blogue d’universitaire dit, ces derniers temps : à savoir que la solution à deux Etats et morte et enterrée et qu’Israël va faire face de manière imminente à une lutte anti-apartheid qui détruira inéluctablement l’Etat juif. Aussi, une déclaration unilatérale de l’Autorité palestinienne créant une solution à deux Etats en dépit de ses manifestes absurdités bantoustaniques est désormais la seule façon de préserver l’Etat juif, car c’est la seule manière de faire dérailler le mouvement anti-apartheid qui annonce le sort fatal d’Israël.
C’est la raison pour laquelle il est terriblement dangereux que la comparaison avec les bantoustans sud-africains ait été négligée jusqu’ici et qu’elle ait été traitée comme une question subsidiaire, voire même comme une sorte d’entichement académique exotique, par ceux qui se battent pour soulager la faim à Gaza et pour alléger le cruel système de murailles et de barricades afin d’apporter des soins aux mourants. L’initiative inhabituellement sérieuse de l’Autorité palestinienne sise à Ramallah, de déclarer un Etat palestinien indépendant sur un territoire non souverain doit assurément amener la prise de conscience collective et inédite qu’il s’agit là d’une question terriblement pragmatique. Il est grand temps d’apporter davantage d’attention à ce que signifie en réalité le terme de « bantoustan ». Le mouvement national palestinien ne peut qu’espérer que quelqu’un, dans ses rangs, entreprenne ce projet aussi sérieusement que l’a fait Israël, avant qu’il ne soit trop tard.
Source : Electronic Initifada
Traduction : Marcel Charbonnier
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Politique intérieure
Virginia Tilley
23 novembre 2009