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25 juin 2014
Par Orouba Othman
Publié sur Al-Akhbar en Anglais le 23 juin 2014
Le reportage d'Al-Jazeera en anglais (1) sur les colons israéliens portés manquants n'est pas naïf et il est tout bonnement impossible de le classer dans la catégorie de la rhétorique de la neutralité et de l'information objective sur le conflit palestino-israélien.
C'est simplement un reportage qui s'en prend délibérément à la présence des Palestiniens sur leur propre terre et à leur juste cause, en même temps qu'il s'attarde sur la "persévérance" de la société israélienne qui vit dans une jungle de Palestiniens "barbares". Le 19 juin, la correspondante d'Al-Jazeera en anglais, Jane Ferguson, commence son reportage en se centrant sur les sentiments des Israéliens, et en particulier sur leur choc après la [prétendue] capture de trois Israéliens il y a environ 10 jours.
Ce choc ne provient évidemment pas du droit des Palestiniens à affronter leurs ennemis, mais de l'insensibilité des Palestiniens, qui a été stigmatisée par leur "enlèvement de trois adolescents" qui pourraient périr d'une balle fatale, ou plutôt d'une balle "trompeuse", selon les mots de la chaîne qatarie.
Toutes les souffrances que les Palestiniens ont vécues depuis 66 ans à cause de ceux qui expriment leur choc sont bien sûr négligeables. Aujourd'hui, la seule chose qui importe, c'est la douleur du peuple israélien. Ferguson commence son article avec les images d'une tente érigée par les habitants du village Nof Ayalon pour prier pour le retour sain et sauf de Naftali Fraenkel, natif du village et l'un des trois [prétendus] individus kidnappés.
Ferguson ne manque pas l'occasion de rappeler aux téléspectateurs que les trois Israéliens (Naftali Fraenkel, Gil-ad Shaer et Eyal Yifrach) sont des adolescents, et pour attirer encore davantage la compassion des lecteurs, elle ajoute qu'ils ont tous moins de 19 ans. Le reportage ne s'arrête pas là, mais offre à la tante de Fraenkel une tribune pour exprimer ses sentiments en direct, disant, "Je suis encore sous le choc, continuellement, Fraenkel est parti à l'école et n'est pas revenu. C'est vraiment difficile, et toute le famille est effondrée."
Le reportage de la correspondante ne mentionne ni la souffrance des plus de 5.700 Palestiniens détenus dans les prisons de l'occupation, ni le fait que quatre de ces prisonniers sont morts sous la torture physique et psychologique l'année dernière.
"Non seulement dans ce petit village les gens attendent anxieusement des nouvelles des adolescents manquants, mais c'est toute la nation qui se passionne pour cette histoire," commente Ferguson dans son reportage, ajoutant que les chaînes israéliennes sont allées dans le village pendant plusieurs jours pour couvrir l'incident.
La scène affichant la solidarité avec les habitants de la ville disparaît ensuite de l'écran pour être remplacée par les images d'une rue peuplée de colons israéliens. La chaîne met alors en lumière les défis rencontrés par les Israéliens pour renforcer leur "persévérance" sur une terre qui n'est pas la leur, disant qu'ils n'ont pas peur et qu'ils continuent à vivre comme d'habitude.
Pour donner plus de crédibilité à sa courte analyse, Ferguson donne l'occasion à une femme colon d'expliquer si oui ou non "l'incident de l'enlèvement" a affecté sa vie de façon négative. La femme colon confirme l'avis de Ferguson en disant, "il n'y a rien à craindre. S'il y a une bombe dans un autobus, est-ce que ça signifie que nous ne devons pas prendre l'autobus ? Pour moi c'est pareil, c'est notre mode de vie."
La journaliste semble avoir oublié comment les Palestiniens résistent à la mort et combien ils aiment la vie, même s'ils sont assiégés par les armes de leurs ennemis devant eux, ses chars derrière eux et ses avions au-dessus de leurs têtes.
Peut-être les téléspectateurs palestiniens auraient-ils mieux accueilli le reportage si Ferguson avait également visité les villes et camps de réfugiés de Cisjordanie , et avait diffusé les images en direct des campagnes de rafles et des raids sur les maisons palestiniennes, ainsi que la politique israélienne d'assassinat systématique, comme en témoigne le fait que déjà quatre Palestiniens ont été tués depuis le début de l'opération.
Pendant ce temps, Charles Stratfort, le correspondant d'Al-Jazeera en anglais à Gaza, a commencé son reportage en faisant en lien entre l'opération à Hébron et la Bande de Gaza en montrant deux gamins palestiniens de Gaza s'entraînant à manier des armes et à participer à des missions de combat dans un camp affilié au Hamas.
Stratfortd a ensuite commenté que "ce sont les enfants de gens qui croient, comme la majorité des habitants de Gaza, que le Hamas représente l'avenir de la Palestine et fait partie du gouvernement d'union rejeté par Israël."
Le correspondant cherche à faire la différence entre des gamins "terroristes" qui suivent le chemin du Hamas et les autres "innocents" qui tombent entre les mains du groupe qui entraîne des foules de "terroristes".
La chaîne qatarie en langue anglaise affirme qu'elle a été lancée pour modifier les stéréotypes sur le Moyen-Orient. Aujourd'hui, cependant, elle est devenue un nouveau fardeau pour les Palestiniens, en promouvant en Occident le côté israélien de l'histoire, au mépris de la véracité du récit.
(1) "Prayers for safe return of Israëli teens", Jane Ferguson, 19 june 2014.
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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Orouba Othman
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