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Israël -

Les derniers des Sémites

Par

Joseph Massad enseigne la politique et l’histoire intellectuelle arabe moderne à l’Université de Columbia à New-York. Il est l’auteur de "The Persistence of the Palestinian Question: Essays on Zionism and the Palestinians". Le présent article a été initialement publié sur Al Jazeera English ; la publication a provoqué la ire des sionistes, poussant Al-Jazeera à le retirer, puis à le remettre en ligne.

Les opposants juifs au sionisme ont compris que le mouvement, depuis ses débuts, partageaient les préceptes de l’antisémitisme dans son diagnostic de ce que les Européens non juifs [les Gentils] appelaient la « question juive ». Ce qui a le plus ulcéré les Juifs antisionistes, toutefois, fut que le sionisme a repris à son compte la « solution » à la question juive que les antisémites avaient toujours préconisée, à savoir l’expulsion des Juifs d’Europe.

Les derniers des Sémites

Novembre 2012, manifestation des Juifs de Neturei Kerta à Times Square, New-York, pour demander le démantèlement de l'entité sioniste après les dix jours de massacre à Gaza
Ce fut la Réforme protestante, avec sa reprise de la bible hébraïque, qui a fait le lien entre les Juifs modernes d’Europe et les anciens Hébreux de Palestine, un lien que les philologues du 18ème siècle ont consolidé par leur découverte de la famille des langues « sémitiques », dont l’hébreu et l’arabe.

Alors que les Protestants millénaristes soutenaient que les Juifs contemporains, en tant que descendants des anciens Hébreux, devaient quitter l’Europe pour la Palestine afin d’accélérer la seconde venue du Christ, des découvertes philologiques ont conduit à l’étiquetage des Juifs contemporains comme « sémites ». Ce n’était donc pas un pas de géant que les sciences biologiques de la race et de l’hérédité ont fait au 19ème siècle en considérant les Juifs européens contemporains comme les descendants raciaux des anciens hébreux.

En se fondant sur les connexions faites par les protestants millénaristes anti-juifs, des personnalités européennes laïques ont vu le bénéfice politique qu’elles retireraient du « rétablissement » des Juifs en Palestine au 19ème siècle. Moins intéressés par l’accélération de la seconde venue du Christ comme l’étaient les Millénaristes, ces hommes politiques laïques, de Napoléon Bonaparte au ministre britannique des Affaires étrangères Lord Palmerston (1785-1865) à Ernest Laharanne, le secrétaire privé de Napoléon III dans les années 1860, cherchèrent à expulser les Juifs d’Europe vers la Palestine pour en faire les agents de l’impérialisme européen en Asie.

Leur appel fut soutenu par de nombreux "antisémites", un nouveau label choisi par des racistes européens anti-juifs après son invention en 1879 par un journaliste viennois mineur du nom de Wilhelm Marr, qui a publié un programme politique intitulé La victoire du Judaïsme sur le Germanisme. Marr y prenait soin de détacher l’antisémitisme de l’histoire de la haine chrétienne des Juifs sur la base de la religion, en mettant l’accent, en droite ligne de la philologie sémitique et des théories raciales du 19ème siècle, à savoir que la distinction à faire entre Juifs et Aryens était strictement raciale.

Assimiler les Juifs à la culture européenne

L’antisémitisme scientifique affirmait que les Juifs étaient différents des Européens chrétiens. Et bien sûr que les Juifs n’étaient pas du tout européens et que leur présence même en Europe était la cause de l’antisémitisme. La raison pour laquelle des Juifs causaient tant de problèmes aux Chrétiens européens avait à voir avec leur déracinement présumé, qu’ils manquaient d’un pays, et donc de loyauté nationale. A l’âge romantique des nationalismes européens, les antisémites ont argué que les Juifs ne cadraient pas dans les nouvelles configurations nationales et qu’ils perturbaient la pureté nationale et raciale essentielle à la plupart des nationalismes européens.

C’est la raison pour laquelle si les Juifs restaient en Europe, soutenaient les antisémites, ils ne pouvaient que provoquer l’hostilité des Européens chrétiens. La seule solution était pour les Juifs de quitter l’Europe et d’avoir leur propre pays. Inutile de dire que les Juifs religieux et laïques étaient opposés à cette terrifiante façon de pensée antisémite. Les Juifs orthodoxes et réformés, les Juifs socialistes et communistes, les Juifs de culture cosmopolite ont tous convenu que c’était une idéologie dangereuse et hostile qui cherchait à expulser les Juifs de leurs patries européennes.

La Haskalah juive, ou Lumières, qui a émergé aussi au 19ème siècle, est un mouvement de pensée qui se traduit par une volonté d’intégration des Juifs dans les sociétés européennes laïques non juives en leur faisant abandonner leur culture juive. Ce fut la Haskalah qui a cherché à briser l’hégémonie des rabbins juifs orthodoxes sur les « Ostjuden » [Juifs de l’Est] des petites villes d’Europe de l’Est et à abandonner ce qu’elle percevait comme une culture juive "médiévale" en faveur de la culture laïque moderne des Chrétiens européens. Le Judaïsme réformé, comme une variante chrétienne -et de type protestant- du Judaïsme, émergea du sein de la Haskalah. Ce programme assimilationniste, cependant, a cherché à intégrer les Juifs dans la modernité européenne, pas à les expulser en dehors de la géographie de l’Europe.

Lorsque le sionisme a démarré une décennie et demie après la publication du programme antisémite de Marr, il a épousé toutes ces idées anti-juives, y compris l’antisémitisme scientifique considéré comme valide. Pour le sionisme, les Juifs étaient des « sémites », qui étaient les descendants des anciens Hébreux. Dans sa brochure fondatrice, Der Judenstaat [L’État des Juifs], Herzl expliquait que c’était des Juifs, et non leurs ennemis chrétiens, qui étaient la « cause » de l’antisémitisme et que « là où il n’existe pas, [l’antisémitisme] est apporté par les Juifs au cours de leurs migrations », en effet que « les malheureux Juifs apportent maintenant les graines de l’antisémitisme en Angleterre ; ils l’ont déjà introduit en Amérique » ; que les Juifs étaient une « nation » qui devrait quitter l’Europe pour restaurer leur « statut de nation » en Palestine ou en Argentine ; que les Juifs devaient imiter les Chrétiens européens d’un point de vue culturel et abandonner leurs langues et traditions vivantes en faveur des langues européennes modernes ou une langue nationale ancienne restaurée.

Herzl préférait que tous les Juifs adoptent l’allemand, tandis que les sionistes d’Europe de l’Est préféraient l’hébreu. Après Herzl, les sionistes ont même accepté et affirmé que les Juifs étaient séparés, racialement, des Aryens. De même pour le Yiddish, la langue vivante de la plupart des Juifs européens, tous les sionistes convenaient qu’il devait être abandonné.

La majorité des Juifs a continué à résister au sionisme et a compris ses préceptes comme ceux de l’antisémitisme et comme la poursuite de la quête de la Haskalah d’abandonner la culture juive et d’assimiler les Juifs dans la culture européenne laïque non juive, sauf que le sionisme cherchait cette dernière non pas à l’intérieur de l’Europe mais dans un lointain géographique suite à l’expulsion des Juifs d’Europe. Le Bund, l’Union générale des travailleurs juifs de Lithuanie, de Pologne et de Russie, qui a été créée à Vilna le 7 octobre 1897, quelques semaines après la tenue du premier Congrès sioniste à Basle fin août 1897, devint le plus féroce ennemi du sionisme. Le Bund a rejoint la coalition juive anti-sioniste existante de rabbins orthodoxes et réformistes qui avaient uni leurs forces quelques mois plus tôt pour empêcher Herzl de convoquer le premier congrès sioniste à Munich, ce qui l’a obligé à le déplacer à Bâle. L’antisionisme juif, en Europe et aux États-Unis, avait le soutien de la majorité des Juifs qui continuèrent de voir le sionisme comme un mouvement anti-juif jusque dans les années 1940.

Une chaîne antisémite de pro-sionistes enthousiastes

Réalisant que son plan pour l’avenir des Juifs européens était dans la ligne de celui des antisémites, Herzl a élaboré très vite une stratégie d’alliance avec ces derniers. Il a déclaré dans L’Etat des Juifs que : « Les gouvernements de tous les pays frappés par l’antisémitisme seront vivement intéressés pour nous aider à obtenir la souveraineté que nous voulons ».

Il ajouta que « non seulement les Juifs pauvres » contribueraient à un fonds d’immigration pour les Juifs européens, « mais aussi les Chrétiens qui veulent se débarrasser d’eux ». Herzl confia sans complexe dans son Journal que : « Les antisémites deviendront nos amis les plus fiables, les pays antisémites nos alliés. »

Ainsi, lorsque Hezl a commencé à rencontrer en 1903 des antisémites notoires comme le ministre russe de l’Intérieur Vyacheslav von Plehve, qui a supervisé les pogroms anti-juifs en Russie, ce fut une alliance qu’il cherchait à dessein. Que ce soit l’antisémite Lord Balfour, qui en tant que Premier ministre de Grande-Bretagne en 1905 supervisa la Loi sur les Étrangers de son gouvernement, qui empêchait les Juifs d’Europe de l’Est fuyant les pogroms russes d’entrer en Grande-Bretagne pour, comme il l’a dit, sauver le pays des « maux incontestables » d’« une immigration qui était essentiellement juive », ne fut pas une coïncidence.

L’infâme Déclaration Balfour de 1917 créant en Palestine un « foyer national » pour « le peuple juif » était conçue, entre autres, pour réduire le soutien juif à la Révolution russe et pour endiguer le flot d’immigrants juifs indésirables en Grande-Bretagne.

Les Nazis ne firent pas exception dans cette chaîne antisémite de pro-sionistes enthousiastes. En effet, les sionistes conclurent un accord avec les nazis très tôt dans leur histoire. Ce fut en 1933 que l’infâme Accord de Transfert (Ha’avara) fut signé entre les sionistes et le gouvernement nazi pour faciliter le transfert des Juifs allemands et leurs biens en Palestine et qui a brisé le boycott juif international de l’Allemagne nazie initié par les Juifs américains.

C’est dans cet esprit que des émissaires nazis ont été envoyés en Palestine afin de produire des rapports sur les succès de la colonisation juive du pays. Adolf Eichmann revint de son voyage en 1937 en Palestine, plein de récits fantastiques sur les réalisations d’un kibboutz ashkenazi avec séparation raciale, l’un de ceux qu’il a visité sur le mont Carmel en tant qu’invité des sionistes.

Malgré l’opposition écrasante de la plupart des Juifs allemands, la Fédération sioniste d’Allemagne a été la seule organisation juive a soutenir les lois de Nuremberg de 1935, puisqu’ils partageaient l’avis des nazis que les Juifs et les Aryens étaient des races distinctes et devaient être séparés. Ce n’était pas un appui tactique, mais l’illustration d’une proximité idéologique. La solution finale des nazis signifiait à ce moment-là l’expulsion des Juifs d’Allemagne vers Madagascar. C’est cet objectif commun sur l’expulsion des Juifs d’’Europe en tant que race distincte et inassimilable, qui créa une affinité durable entre les nazis et les sionistes.

Alors que la majorité des Juifs continuait à résister à la nature antisémite du sionisme et à ses alliances avec les antisémites, le génocide nazi n’a pas seulement massacré 90% des Juifs d’Europe, mais il a aussi tué la majorité des ennemis juifs du sionisme qui sont morts précisément pour avoir refusé d’entendre l’appel sioniste d’abandonner leur pays et leurs maisons.

Après la guerre, l’horreur du massacre des communautés juives d’Europe (l’Holocauste) n’a pas empêché les pays européens de soutenir le programme antisémite du sionisme. Au contraire, ces pays ont partagé avec les nazis une prédilection pour le sionisme. Ils condamnaient uniquement le programme génocidaire du nazisme. Les pays européens, avec les États-Unis, ont refusé de prendre en charge les centaines de milliers de survivants juifs. Ces pays ont même voté contre une résolution présentée aux Nations Unies par les États arabes en 1947 qui leur demandaient d’accueillir ces survivants juifs. Mais ces mêmes pays qui ont rejeté cette résolution, seront ceux qui soutiendront le plan de partition des Nations Unies de novembre 1947 pour créer un État juif en Palestine, vers lequel ces réfugiés juifs indésirables pourraient être expulsés.

Les politiques pro-sionistes des nazis

Les États-Unis et les pays européens, dont l’Allemagne, devaient poursuivre la politique pro-sioniste des nazis. Les gouvernements d’après-guerre d’Allemagne de l’ouest, qui prétendaient ouvrir une nouvelle page dans leurs relations avec les Juifs, en réalité ne l’ont pas fait. Depuis la création de l’État israélien après la Seconde Guerre mondiale, chaque gouvernement ouest-allemand (et chaque gouvernement allemand depuis la réunification de 1990) a poursuivi sans relâche les politiques pro-sionistes des nazis. Il n’y a jamais eu de rupture avec le pro-sionisme des nazis. La seule rupture était avec la haine génocidaire et raciale des Juifs que le nazisme avait consacrée, mais pas avec le désir de voir les Juifs établis dans un pays en Asie, en dehors de l’Europe. En effet, les Allemands ont toujours expliqué qu’une grande partie de l’argent qu’ils versaient à Israël servait à compenser les coûts de la réinstallation des réfugiés juifs européens dans ce pays.

Après la Seconde Guerre mondiale, un nouveau consensus se fit jour aux États-Unis et en Europe, que les Juifs devaient être intégrés à titre posthume comme européens blancs, et que l’horreur du massacre des juifs était essentiellement une horreur à l’égard du massacre d’Européens blancs.

Depuis les années 1960, les films hollywoodiens sur l’Holocauste ont commencé à représenter les victimes juives du nazisme comme des Européens blancs de la classe moyenne, des gens instruits et talentueux qui n’étaient pas sans rappeler les chrétiens européens et américains contemporains et devraient aider ceux-ci à s’identifier à eux. On peut supposer que si les films avaient dépeint les Juifs comme pauvres et religieux, venus d’Europe orientale (et la plupart des Juifs d’Europe orientale qui ont été massacrés par les nazis étaient pauvres et beaucoup étaient religieux), les chrétiens blancs contemporains ne se seraient pas trouvés de point commun avec eux. Par conséquent, l’horreur européenne et chrétienne après le génocide des Juifs d’Europe ne se fondait pas sur l’horreur du massacre de millions de personnes différentes des chrétiens européens, mais plutôt sur une horreur vis-à-vis du massacre de millions de personnes semblables aux chrétiens européens.

Cela explique pourquoi dans un pays comme les États-Unis, qui n’avait rien à voir avec le massacre des Juifs d’Europe, il existe plus de 40 sites mémoriaux de l’Holocauste et un musée des plus importants pour le souvenir des Juifs assassinés en Europe, mais pas un seul pour l’holocauste des Amérindiens ou des Afro-Américains dont les États-Unis se sont rendus coupables

Aimé Césaire comprit parfaitement bien de quoi il retournait. Dans son célèbre discours sur le colonialisme, il affirma que la perception rétrospective du nazisme par les chrétiens européens était que :

"c’est une barbarie, mais une barbarie suprême, le couronnement barbare qui couronne toutes les barbaries de tous les jours. C’est cela le nazisme, oui, mais avant que les [Européens] n’en soient les victimes, ils en ont d’abord ont été les complices, et ils ont toléré le nazisme avant que celui-ci ne se retourne contre eux. Ils l’ont absous, ils ont fermé les yeux, l’ont légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’en prenait qu’aux peuples non-européens. Ils ont cultivé ce nazisme, ils en sont responsables, et avant qu’il n’engloutisse l’ensemble de l’Occident, de la civilisation chrétienne dans ses eaux rouges de sang, il suintait, s’infiltrait, et ruisselait de toutes parts."

Quand Césaire explique que les guerres nazis et l’Holocauste étaient des manifestations d’un colonialisme européen tourné vers l’intérieur, il a plutôt raison. Et depuis la réhabilitation des victimes du nazisme en tant que blancs, l’Europe et son complice américain n’ont cessé leurs politiques dignes des nazis avec toutes les horreurs appliquées aux populations non-blanches à travers le monde : en Corée, au Vietnam et en Indochine, en Algérie, l’Indonésie, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, en Afrique du Sud, en Palestine, en Iran, en Irak et en Afghanistan.

La réhabilitation des Juifs d’Europe après la Seconde Guerre mondiale était un élément essentiel de la propagande des États-Unis durant la Guerre froide. Alors que les sociologues et les idéologues américains développaient la théorie du « totalitarisme », qui stipulait que le communisme soviétique et le nazisme étaient essentiellement le même type de régime, les Juifs d’Europe, en tant que victimes d’un régime totalitaire, sont devenus partie intégrante de l’exposition d’atrocités que l’Amérique et la propagande en Europe de l’Ouest présentaient comme des atrocités que le régime soviétique commettait dans les périodes pré-et post-guerre. Israël n’a fait que sauter dans le train en marche, en accusant les Soviétiques d’antisémitisme à cause de leur refus de permettre aux citoyens juifs soviétiques de partir s’installer en Israël.

C’est ainsi que l’engagement américain et européen pour la suprématie blanche a été préservé, sauf qu’il incluait maintenant les Juifs comme faisant partie de la population « blanche », et de ce que l’on a alors appelé la civilisation « judéo-chrétienne ». Les politiques européennes et américaines après la Seconde Guerre mondiale - en continuant d’être inspirées et dictées par le racisme contre les Amérindiens, les Africains, les Asiatiques, les Arabes et les musulmans, et en soutenant le programme antisémite du sionisme pour que les Juifs s’assimilent en tant que blancs dans un État colonial éloigné d’Europe - étaient une continuation directe des politiques antisémites d’avant-guerre. Une grande partie du venin raciste antisémite pouvait maintenant se reporter sur les Arabes et les musulmans (à la fois, les immigrants et les citoyens en Europe et aux États-Unis, et ceux qui vivent en Asie et en Afrique), tandis que le vieux soutien antisémite au sionisme continuait sans entrave.

L’alliance entre l’Allemagne de l’Ouest et le sionisme et Israël après la Seconde Guerre mondiale - en plus de fournir à Israël une énorme aide économique dans les années 1950 ainsi que de l’aide économique et militaire depuis le début des années 1960, dont des tanks qui servent à tuer des Palestiniens et autres Arabes - est une continuation de l’alliance que le gouvernement nazi avait conclu avec les sionistes dans les années 1930. Dans les années 1960, Allemagne de l’Ouest a même fourni une formation militaire aux soldats israéliens, et depuis les années 1970, elle a équipé Israël de sous-marins nucléaires de fabrication allemande avec lesquels Israël espère tuer encore plus d’Arabes et de musulmans.

Israël a, ces dernières années, armé les plus récents sous-marins allemands reçus avec des missiles de nucléaires de croisière, ce qui est bien connu de l’actuel gouvernement allemand. L’ex-ministre israélien de la défense, Ehud Barak, a déclaré à Der Spiegel en 2012 que les Allemands devraient être « fiers » d’avoir assuré l’existence de l’État d’Israël « pendant de nombreuses années ». Berlin a financé un tiers du coût des sous-marins, soit environ 135 millions d’euros par sous-marin, et a permis à Israël de reporter son paiement jusqu’en 2015.

Que cela fasse de l’Allemagne un complice de la dépossession des Palestiniens n’est pas plus une préoccupation pour les actuels gouvernements allemands que cela n’en était dans les années 1960 pour le chancelier ouest-allemand Konrad Adenauer, qui affirmait que « la République fédérale n’a ni le droit ni la responsabilité de prendre position à propos des réfugiés palestiniens ».

Ceci doit être ajouté aux paquets de milliards que l’Allemagne a payés au gouvernement israélien en compensation de l’Holocauste, comme si Israël et le sionisme avaient été les victimes du nazisme quand, en réalité, ce sont les Juifs anti-sionistes qui ont été tués par les nazis. L’actuel gouvernement allemand ne se soucie pas du fait que même ces Juifs allemands qui fuirent les nazis et se retrouvèrent en Palestine haïssaient le sionisme et son projet et étaient haïs à leur tour par les colons sionistes en Palestine.

Comme les réfugiés allemands des années 1930 et 1940 en Palestine refusaient d’apprendre l’hébreu et publiaient une demi-douzaine de journaux allemands dans le pays, ils furent attaqués par la presse hébraïque, y compris par Ha'aretz, qui réclama la fermeture de leurs journaux en 1939 et de nouveau en 1941. Des colons sionistes attaquèrent à Tel-Aviv un café allemand parce que ses propriétaires juifs refusaient de parler hébreu et, en juin 1944, la municipalité de Tel-Aviv menaça certains de ses résidents juifs allemands qui organisaient à leur domicile, au 21 de la rue Allenby, « des fêtes et des bals entièrement en langue allemande, y compris des programmes étrangers à l’esprit de notre ville » et déclara que cela « ne serait pas toléré à Tel-Aviv ». Les Juifs allemands, où les Yekkies, comme on les surnomme au sein du Yishuv, allaient même organiser une célébration de l’anniversaire de l’empereur, en 1941 (pour plus de détails à ce sujet et sur les réfugiés juifs allemands en Palestine, il faut lire le livre de Tom Segev, The Seventh Million – Le septième million).

Ajoutez à cela, à l’ONU, le soutien de l’Allemagne aux mesures israéliennes contre les Palestiniens, et le tableau est complet. Même le nouveau mémorial de l’Holocauste, construit à Berlin et qui a été inauguré en 2005, maintient l’apartheid racial nazi, puisque ce « Mémorial des Juifs d’Europe assassinés » n’est destiné qu’aux victimes juives des nazis et qu’il convient aujourd’hui encore de mettre à part, comme l’avait ordonné Hitler, les autres millions de non-Juifs victimes eux aussi du nazisme.

Le fait qu’une filiale de la société allemande Degussa, qui a collaboré avec les nazis et qui a produit le gaz Zyklon B utilisé pour tuer les gens dans les chambres à gaz, a reçu un contrat pour construire le mémorial n’a rien de surprenant, puisque cela confirme simplement que ceux qui ont tué les Juifs en Allemagne à la fin des années 1930 et dans les années 1940 regrettent aujourd’hui ce qu’ils ont fait parce qu’ils comprennent aujourd’hui que les Juifs sont des Européens blancs qu’il convient de commémorer et qu’on n’aurait pas dû tuer, en raison, pour commencer, de leur blancheur de peau. La politique allemande d’encouragement au massacre d’Arabes par Israël n’a toutefois que peu de rapport à cet engagement dans l’antisémitisme, qui se poursuit par le biais du racisme allemand contemporain, prédominant à l’égard des musulmans et qui vise les immigrés musulmans.

La tradition antijuive en Europe et en Amérique

L’Holocauste juif a tué la majorité des juifs qui refusaient et combattaient l’antisémitisme européen, y compris le sionisme. Avec leur mort, les seuls « sémites » restant qui combattent le sionisme et son antisémitisme aujourd’hui sont les Palestiniens. Alors qu’Israël insiste sur le fait que les Juifs européens ne sont pas à leur place en Europe et qu’ils doivent venir en Palestine, les Palestiniens ont toujours insisté pour dire que les patries des Juifs européens étaient leurs pays européens et non la Palestine, et que le colonialisme sioniste découle de son antisémitisme même. Alors que les sionistes prétendent que les Juifs sont une race différente des chrétiens européens, les Palestiniens affirment au contraire que les Juifs européens ne sont rien, sinon des Européens, et qu’ils n’ont rien à voir avec la Palestine, son peuple ou sa culture.

Ce qu’Israël et ses alliés américains et européens ont voulu faire au cours des six décennies et demie, c’est convaincre les Palestiniens qu’ils devaient devenir antisémites eux aussi et croire, à l’instar des nazis, d’Israël et de ses alliés antisémites occidentaux, que les Juifs sont une race différente des races européennes, que la Palestine est leur pays et qu’Israël parle au nom de tous les Juifs. Le fait que les deux plus importants blocs d’électeurs pro-israéliens des États-Unis sont les protestants millénaristes et les impérialistes laïques poursuit exactement la même tradition antijuive euro-américaine qui remonte à la Réforme protestante et à l’impérialisme du 19e siècle. Mais les Palestiniens n’ont jamais pu être convaincus et ils s’obstinent à résister à l’antisémitisme.

Israël et ses alliés antisémites affirment qu’Israël est « le peuple juif », que sa politique est la politique « juive », que ses réalisations sont « juives », que ses crimes sont des crimes « juifs » et que, par conséquent, tous ceux qui osent critiquer Israël critiquent en fait les Juifs et sont immanquablement des antisémites. Le peuple palestinien a échafaudé une lutte majeure contre cette incitation antisémite. Il continue à affirmer en lieu et place que le gouvernement israélien ne parle pas au nom de tous les Juifs, qu’il ne représente pas tous les Juifs, et que ses crimes coloniaux contre le peuple palestinien sont ses propres crimes et non les crimes du « peuple juif », et que, de ce fait, il doit être critiqué, condamné et poursuivi pour ses crimes de guerre toujours en cours contre le peuple palestinien.

Ce n’est pas une position palestinienne nouvelle. En fait, elle avait déjà été adoptée dès le tournant du 20e siècle et s’est poursuivie tout au long de la lutte palestinienne contre le sioniste avant la Seconde Guerre mondiale. Le discours de Yasser Arafat aux Nations unies, en 1974, a insisté avec véhémence sur tous ces points :

« De même que le colonialisme s’est étourdiment servi des déshérités, des exploités comme d’une vulgaire matière inerte avec laquelle il pouvait bâtir et réaliser un colonialisme d’implantation, les Juifs européens indigents, opprimés ont été employés au nom de l’impérialisme mondial et des dirigeants sionistes. Les Juifs européens ont été transformés en instruments d’agression ; ils sont devenus les éléments du colonialisme d’implantation intimement allié à la discrimination raciale (…). La théologie sioniste a été utilisée contre notre peuple palestinien : Le but était non seulement l’installation d’un colonialisme d’implantation de style occidental, mais aussi la séparation des Juifs de leurs diverses patries et, par conséquent, leur aliénation vis-à-vis de leurs nations. Le sionisme (…) est uni à l’antisémitisme dans ses dogmes rétrogrades et, une fois que tout a été dit et consommé, il est une autre face de la même fausse pièce. Car lorsqu’on propose que les adeptes de la foi juive, quelle que soit la nation où ils résident, ne doivent ni obéissance à leur résidence nationale ni ne vivent sur un pied d’égalité avec les autres citoyens non juifs, quand on propose cela, nous entendons bien que c’est l’antisémitisme que l’on propose. Quand on propose que la seule solution au problème juif est que les Juifs doivent s’aliéner des communautés ou nations dont ils ont constitué un élément historique, quand on propose que les Juifs résolvent le problème juif par l’immigration et l’installation de force sur la terre d’un autre peuple, quand cela arrive, on défend exactement la même position que celle qui fut instamment prônée par les antisémites contre les Juifs. »

L’affirmation par Israël que les gens qui le critiquent sont antisémites présuppose que ces mêmes personnes critiques croient ses prétentions à vouloir représenter « le peuple juif ». Mais ce sont les affirmations par Israël de ce qu’il représente et parle au nom de tous les Juifs qui sont les affirmations les plus antisémites de toutes.

Aujourd’hui, Israël et les puissances occidentales veulent ériger l’antisémitisme en principe international autour duquel ils cherchent à établir une pleine unanimité. Ils insistent sur le fait que, pour qu’il y ait la paix au Moyen-Orient, les Palestiniens, les Arabes et les musulmans doivent devenir, à l’instar de l’Occident, des antisémites en adoptant le sionisme et en reconnaissant les revendications antisémites d’Israël. Hormis les régimes dictatoriaux arabes et l’Autorité palestinienne et ses amis, en ce 65e anniversaire de la conquête antisémite de la Palestine par les sionistes – que les Palestiniens appellent la Nakba –, le peuple palestinien et les quelques Juifs antisionistes survivants continuent à refuser de tenir compte de cet appel international et de cette incitation à l’antisémitisme.

Ils affirment qu’ils sont, en tant que derniers des Sémites, les héritiers des luttes juives et palestiniennes d’avant la Seconde Guerre mondiale contre l’antisémitisme et sa manifestation coloniale sioniste. C’est leur résistance qui barre la route à une victoire complète de l’antisémitisme européen au Moyen-Orient et dans le monde entier.



Traduction : ISM-France/Info-Palestine/Plate-forme Charleroi-Palestine.

Source : Veterans Today

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