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Jérusalem - 27 octobre 2010
Par Charlotte Silver
« Je leur ai demandé de me laisser une minute pour le réveiller. Mais ils n’ont pas attendu, ils sont entrés et l’ont emmené, » dit Mahmoud Mansour, qui me raconte comment la police israélienne a arrêté son fils. Mahmoud est le père d’Imran Mahmoud, 12 ans, le gamin qu’on voit sur la vidéo (ci-dessous) violemment renversé par la voiture de David Beeri, chef de l’organisation de colons Elad, dans le quartier Silwan de Jérusalem Est. Moins de dix jours après qu’Imran ait été grièvement blessé par le chauffard, la police de Jérusalem l’a arrêté sur une accusation de jet de pierres.
Depuis l’assassinat de Samer Sahan par un garde des colons le 22 septembre, la police de Jérusalem et les forces de sécurité envahissent les rues de Silwan. Tous les jours, le quartier grouille de policiers patrouillant les rues, à pied et en voiture. Dans la seule semaine dernière, la police a entrepris une campagne massive d’arrestations et a arrêté au moins 23 résidents.
« On les appelle les rangers des colons. Ils nous rendent la vie encore plus difficile, » dit Mustapha Siyam, un habitant de Silwan.
Particulièrement ahurissant, cependant, est le fait que les arrestations de cette semaine ont inclus au moins six enfants entre 8 et 12 ans. L’accusation est toujours la même – jets de pierres – et ils sont habituellement libéré le lendemain. Imran a été détenu et interrogé pendant 4 heures avant d’être condamné à une amende de 2.000 NIS (New Israëli Shekel) (400€) et deux semaines d’assignation à résidence.
Muna Hasan, qui travaille pour le Centre d’information Wadi Hilweh, explique : « L’accusation pour l’arrestation des mineurs est toujours le jet de pierres. Mais pour ces derniers jours, les enfants n’ont pas jeté de pierres, il n’y a rien eu. Ils les ont juste ramassées dans les rues, pour rien. »
Le mercredi 18 octobre, 3 mineurs ont été arrêtés à Silwan, dont un garçon qui se remettait d’une opération chirurgicale récente.
Quelques jours auparavant, le lundi 16 octobre, 3 enfants entre 10 et 12 ans ont été détenus. L’un d’entre eux, Muslim Auda, 10 ans, est rentré chez lui les jambes couvertes d’ecchymoses causées par les coups qu’il avait reçu des policiers en civils qui l’avaient arrêté.
« Les enquêteurs les frappent, leur crient dessus, et ils essaient aussi d’en faire des collaborateurs. Ils ont recours à des méthodes qui ne sont même pas appropriées pour des adultes. Ils leur font dire quels sont les enfants qui ont jeté des pierres, » dit Hasan.
Imran a rapporté à ses parents que lorsqu’il était interrogé, la police lui a demandé qui d’autre lançait des pierres.
Hasan n’est pas surpris par la recrudescence du harcèlement. « Ce n’est pas nouveau, bien sûr, vous savez que Silwan a le plus fort pourcentage de gens arrêtés à Jérusalem Est, en particulier de mineurs… Nous pensons que toutes les pratiques israéliennes, dont les arrestations, le fait de laisser les colons faire ce qu’ils veulent, tout ça a le même objectif, ils veulent mettre de plus en plus de pression sur les Palestiniens. »
Silwan est l’un des quartiers les plus pauvres de Jérusalem. Les familles et les habitants manquent de beaucoup des services de base, écoles, centres communautaires, et de structures pour leurs enfants. A cause de la politique israélienne de zonage, une très petite proportion de la terre de Jérusalem Est est allouée à la construction. De plus, obtenir un permis de construire peut coûter jusqu’à 25.000-30.000 US$ (18.000-21.000€). L’impossibilité de construire a rendu les lieux de vie insupportablement surpeuplés.
« Les parents n’ont pas la possibilité d’inscrire leurs enfants dans des centres sociaux ou des terrains de jeux à l’extérieur de Silwan. Alors les pressions subies par les parents à cause de la législation, des impôts et des ordres de démolition israéliens, toutes ces pressions font que la situation empire, » nous dit Hasan.
Une activité organisée par le Centre créatif Madaa pour les enfants du quartier Baten el-Hawa
En dépit des pressions, la communauté locale résiliente fait face avec ingéniosité. En 2007, les résidents palestiniens de Silwan ont créé le Centre créatif Madaa pour que les enfants aient un endroit sûr où développer leur créativité grâce à la musique et à la peinture, et pour préserver leur identité palestinienne.
« Les habitants eux-mêmes ont pris l’initiative de mettre ça en place ; ils n’attendent pas qu’une autorité construise un endroit pour leurs enfants, » dit Hasan.
En 2008, en réponse à l’ordre de démolition de 88 maisons à Silwan pris par le maire Nir Barkat pour faire de la place à l’expansion du parc archéologique Cité de David, les résidents palestiniens ont érigé une grande tente. Sous la tente, le quartier organise des prières, des réunions, des activités pour les enfants et d’autres événements collectifs. Le 21 octobre, l’ancien président états-unien Jimmy Carter a visité Silwan et a rencontré les animateurs de la communauté locale dans la tente.
Le Centre d’Information Wadi Hilwah est la dernière organisation créé localement en 2009 par un groupe de résidents. Son objectif est de raconter l’histoire palestinienne du quartier pour contrer le récit juif, de plus en plus dominant, diffusé par le site archéologique, la Cité de David.
Selon Hasan, les visiteurs et les touristes qui viennent à la Cité de David n’apprennent les origines du quartier qu’exclusivement par l’organisation des colons, Elad. La brochure d’Elad présente le secteur comme étant avant tout le site archéologique de l’ancien Roi David. Une version qui occulte et nie l’histoire et la réalité actuelle des habitants palestiniens du quartier.
« Wadi Hilweh veut faire ressortir l’identité palestinienne du village, aussi raconter toutes les violations causés aux Palestiniens par les colons et les autorités israéliennes, » dit-il. Le Centre d’Information Wadi Hilweh diffuse aussi des informations quotidiens sur les affrontements, les arrestations et les brutalités qui se produisent à Silwan.
Ainsi, en dépit des tactiques d’intimidation accrues, des arrestations, des interrogatoires et des menaces, la communauté de Silwan reste debout et déterminée à survivre.
« Avec cette tente et les centres, les Palestiniens se réunissent, se font mutuellement confiance et réfléchissent à la manière de résister et de faire entendre notre voix à l’extérieur. »
Ils le font en sachant que les autorités israéliennes sont déterminées à les forcer à partir, et qu’elles auront recours à n’importe quelle méthode pour réussir.
Source : Palestine Monitor
Traduction : MR pour ISM
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