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Ramallah - 19 octobre 2004
Par Armanda Dos Santos
Selon l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme, B'Tselem, 659 enfants ont été tués entre le 29 septembre 2000 et le 26 avril 2004, dont 552 Palestiniens et 105 Israéliens.
En moyenne, plus de 14 enfants palestiniens ont été tués, chaque mois, pendant ces trois dernières années. Si la majorité d’entre eux étaient des garçons, une augmentation continue du nombre de filles a toutefois été observée en 2002, avec plus de 20%.
Les zones les plus concernées sont la bande de Gaza, avec plus de 50% des enfants tués et un nombre élevés de filles et de moins de 12 ans, ainsi que les villes de Naplouse, Jénine et Hébron, avec près de 30%.
Concernant le nombre d’enfants palestiniens blessés depuis le début de la deuxième Intifada (28 septembre 2000), le chiffre exact n’est pas connu. Cependant, l’organisation Defense Children International - Palestine Section (DCI-PS) basée à Al-Bireh (Ramallah), a recensé quelques 9 000 cas d’enfants ayant subi des préjudices entre septembre 2000 et avril 2003. L’organisation reconnaît que ces chiffres sont sous-estimés, les blocages administratifs israéliens et les restrictions de circulation imposées empêchant le bon recensement de chaque cas.
Ci après, un tableau exposant le nombre d’enfants palestiniens blessés par les forces militaires et civiles israéliennes durant l’année 2000 [1].
Causes : 1er janvier au 27 septembre - 28 septembre au 31 décembre
Plus d’une cause : 31 - 23
Balles réelles : 9 - 499
Balles à fragmentation : 0 - 20
Balles recouvertes de caoutchouc : 121 - 672
Gaz lacrymogène : 5 - 248
Eclats d’obus : 2 - 105
Véhicules : 5 - 5
Pierres : 2 - 89
Tabassages : 34 - 65
Bombes son : 2 - 4
Panique : 21 - 198
Brûlures : 1 - 5
Matériel chimique : 0 - 2
Divers : 3 - 87
Total : 236 - 2022
En outre, estime Khaled Kozmar, avocat de la section Palestine de DCI, depuis le début de la deuxième Intifada, plus de 2500 enfants, âgés de 12 à 17 ans, ont été arrêtés. Parmi les 360 toujours détenus, la moitié demeurent sans jugement. « En Israël, il n’existe pas de Tribunal spécial pour enfants. Ils sont jugés par les tribunaux militaires et traités comme les autres prisonniers. »
Au court de l’interrogatoire, les plus jeunes subissent des traitements similaires à ceux administrés aux adultes. Ils sont très fréquemment frappés, attachés par les mains suspendues au niveau de la nuque, pendant deux ou trois jours, enfermés dans sorte de cage opaque d’un mètre carré, avec de la musique à forte intensité pendant 48, voire 72 heures, menacés avec des chiens, ou avec des décharges électriques, et poussés à faire des aveux, parfois faux.
« C’est une pratique courante. Les soldats font pression sur les enfants jusqu’à ce qu’ils avouent ce que les soldats prévoient d’inscrire dans leur dossier. Ils les poussent à avouer, par exemple, qu’ils ont été arrêtés parce qu’ils ont jeté 200 pierres contre un tank…! Ceci est absurde. Pensez-vous qu’un enfant compte le nombre de pierres qu’il jette ? »
Mais les moyens de pression, et de perversion, ne s’arrêtent pas là. Certains enfants sont aussi contraints d’assister à des scènes de relations sexuelles entre femmes et hommes soldats, pendant leur interrogatoire. A d’autres, on menace de violer leur(s) sœur(s), ou leurs mères, sous leurs yeux, s’ils refusent de «collaborer ».
Le nombre d’enfants arrêtés et emprisonnés a connu une forte augmentation pendant ces cinq dernières années. Une des raisons qui pourraient l’expliquer est la mise en application d’un ordre militaire, l’« Ordre #132 » prononcé en 1967, non appliqué depuis 1993 puis restitué en 1999, sous le gouvernement Barak, et largement appliqué depuis le début de l’Intifada d’Al Aksa [2].
La réalité politique sur le terrain, intensément troublante, est non seulement une des causes de la violence des enfants, mais elle pose également de nouvelles interrogations quant à la survie et à la bonne santé de ces derniers, exposés (en tant que témoins ou dans leur vécu) à diverses formes d’agression psychologique ou de violence physique. Les attaques de l’armée israélienne, les couvre-feux ou les restrictions de leur liberté de mouvement, sont autant de facteurs qui, dans le long terme, influeront sur l'état psychologiques de ces enfants.
« Ce sont des générations et des générations traumatisées dès leur jeune age, explique Khaled Kozmar. A la différence des adultes, plus à même de comprendre les tenants et aboutissants de ce conflit, les enfants grandissent en identifiant un «ennemi» et sans savoir réellement pourquoi ils se battent. Cette guerre ne devrait pas être la leur ».
Outre le contexte politique, la violence est aussi bien présente dans la société, les écoles et les maisons palestiniennes. Ni les enfants ni les parents n'estiment que la maison soit un refuge sûr. « Les enfants sont effrayés par les soldats, les tanks, les jeeps, les check-points, explique Aicha, originaire du camp de réfugiés de Balata (Naplouse) et enseignante dans le village de Howwara, à quelques kilomètres du camp. Ils vivent constamment dans la peur et l’anxiété. »
Selon un rapport d’UNICEF publié en juillet 2004, « approximativement 6% des parents [palestiniens] ont signalé que certains de leurs enfants ont eu des pensées récurrentes de mort et de vengeance » [3].
Pour Giacaman [4] : "Ces enfants ont été violentés de tous cotés et grandissent dominés par un sentiment de haine, une tendance vers un comportement violent, qui n'est pas une prédisposition génétique, mais qui, à l’inverse, a été provoqué par leur environnement ".
Toujours selon le rapport de l’UNICEF, les professeurs ont constatés que les étudiants étaient beaucoup plus agressifs depuis le déclenchement de la deuxième Intifada, et que les 10-12 ans se plaignaient fréquemment d’être frappés par des professeurs et/ou des élèves plus âgés. D’après le rapport, les filles deviennent elles aussi plus violentes les unes envers les autres.
Une autre étude menée dans 33 écoles de Ramallah, Al-Bireh et Beitunya a révélé que, pendant l’année scolaire 2000/2001, les professeurs étaient eux-mêmes moins résistants à la pression et au stress, montrant des signes de comportement violent dans les classes.
Pour ce qui est de la violence domestique, comme dans toutes les sociétés, celle-ci constitue une des questions les plus sensibles à explorer dans les Territoires Palestiniens. Bien que le problème ait été maintes fois soulevé, aucune étude, jusqu’à présent, n’a été approfondie.
Toutefois, une enquête menée auprès de 1.185 étudiants palestiniens dans des écoles secondaires [5] révèlent une proportion alarmante de situations où les adolescents ont été des témoins directs de violence entre leurs parents ; de violence et d’agression entre leurs parents et leurs frères et sœurs ; ou ayant été eux-mêmes agressés par leurs parents et leurs frères et sœurs au cours de leur enfance ou leur adolescence.
[1]. In DCI – Palestine Section, A Generation Denied, 2001.
[2]. In DCI – Palestine Section, A Generation Denied, 2001.
[3]. The situation of Palestinian children in the occupied Palestinian Territory. In search of a better childhood, UNICEF.
[4]. Giacaman, Rita et al, ICPH, Bir zeit University, Schooling at Gunpoint:
Children’s Learning Environment in War like conditions – the Ramallah/ al-Bireh/Beitunia Urban Center, (Decembre 2002), p. 17.
[5]. “The rates and correlates of the exposure of Palestinian adolescents to family violence: toward an integrative-holistic approach”, par les professeurs Muhammad M. Haj-Yahia et Rula Abdo-Kaloti.
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Armanda Dos Santos
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