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Jénine - 19 octobre 2004
Par Ali Samoudi
Lorsque les haut-parleurs fixés en haut des mosquées du camp de Jénine appelent à la prière du maghrib et annoncent la fin du jeûne du premier jour de Ramadan, Umm Muhammad al-Masri répète inlassablement les invocations d'une mère qui cherche éperdument à retrouver ses fils que l'occupation a ravi à la table du premier repas.
Dans ces moments, Umm Muhammad dit : "nous pleurons de douleur car ceux qu'on aime sont absents, nous nous rappelons d'eux, nous ne pouvons ressentir de la joie, nous ne ressentons que de la tristesse et de la douleur".
L'occupation, dit Umm Muhammad qui est réfugiée, âgée de plus de 70 ans, m'a privée de mes fils.
Le premier Ayad, est tombé martyr lors de la défense du camp, ils l'ont tué en lançant un obus qui a éclaté sa tête. Il est tombé avec son camarade Ibrahim Fayed.
Le second, le plus âgé, est dans la prison de Naqab, en tant que prisonnier administratif, sa détention est renouvelée sans cesse, sans qu'il ne lui soit spécifié de charges ni qu'il ne soit jugé. Il en est de même pour Aziz, qui a été arrêté deux semaines après son mariage.
Nous avons à peine été heureux par son mariage qu'ils l'ont arrêté et transféré en un lieu inconnu, et nous ne savons pas encore où il se trouve.
L'occupation, avec ses répressions et ses crimes, nous impose une vie dure et détruit tous les sens de la joie à laquelle nous nous sommes habitués. Nous accueillons le mois de Ramadan, qui nous rappelle les êtres chers, par une plus grande souffrance et une privation.
De la souffrance
Cette famille est un exemple de la souffrance des milliers de familles palestiniennes qui vivent des conditions très dures et pénibles à cause de l'occupation, qui les prive de leurs fils et des êtres chers, que ce soit pendant les fêtes ou les occasions religieuses et autres.
La mère du martyr Muhammad Amer qui a été tué lors de sa résistance contre les forces de l'occupation accueille le mois de Ramadan avec tristesse et amertume.
Elle dit : "lorsque ma famille s'est réunie pour le suhur, j'ai pleuré de douleur à cause de l'absence de Muhammad bien que je sois fière de lui, mais le coeur de la mère est tel qu'on reste triste à cause de l'absence des êtres chers, surtout que le sang palestinien continue à couler et que l'occupation poursuit le meurtre de nos êtres chers, avec sang-froid.
Lorsque Ramadan arrive, l'image de Muhammad est toujours devant moi, je vis la souffrance au quotidien, et je souhaite que notre malheur prenne fin, et que disparaisse la cause, l'occupation".
Le coeur serré, en permanence
A proximité de la maison d'Umm Muhammad se trouve celle de la famille du martyr Ahmad Abu Baha', qui est tombé alors qu'il s'opposait à l'entrée des forces de l'occupation dans le camp.
Sa mère dit : chaque fois que le mois de Ramadan arrive, je cherche Ahmad, et je ne trouve que ses photos qui ornent la maison, j'ai le coeur lourd, je brûle de l'intérieur chaque fois que j'entends qui'l y a une nouvelle victime, je prie pour que Dieu protège notre peuple et notre jeunesse, et qu'Il évite à toute mère palestinienne l'amertume de la douleur que nous avons, il n'y a pas plus difficile que le mois de Ramadan pour ressentir la perte de nos êtres chers, à tout jamais".
Une tristesse éternelle
Ces sentiments sont partagés par tous les Palestiniens du camp sinistré, où ses habitants ont vécu toutes sortes d'oppression et de répression israéliennes.
Umm Mus'ab est un exemple de cette réalité, puisque l'occupant a arrêté son mari cheikh Ibrahim Jabr, alors qu'elle a perdu son fils aîné Mus'ab lors de l'attaque israélienne sur le camp.
Elle dit : "Je ne sais pas comment je vais passer ce mois béni, chaque fois que nous nous réunissons à la table, nous perdons notre force et nous vivons dans une grande tristesse.
Mes enfants demandent jusqu'à quand leur père restera en prison, et lorsqu'ils se rappellent Mus'ab, ils pleurent, et ne peuvent rien avaler...
C'est une tristesse infinie qui nous enveloppe, et c'est la même chose lors des occasions, les blessures sont réouvertes et nous n'avons plus que les invocations à Dieu pour nous aider à supporter ce qui arrive à notre peuple et pour qu'Il lui évite le malheur de l'occupation."
Du côté du cimetière
Pendant que des mères dans le monde sont en train de préparer le repas de l'iftar, les mères palestiniennes du camp de Jénine se dirigent vers les tombes de leurs martyrs afin que leur souvenir, comme l'exprime la mère du martyr Mahmoud Abu Helwe, demeure vivant éternellement.
Elle ajoute : "Je ne peux accueillir le mois de Ramadan dans ma maison, ma cuisine, je me suis rappelée Mahmoud, je suis venue vers sa tombe pour prier et invoquer Dieu afin qu'Il réalise son souhait, et que le prochain mois de Ramadan nous apporte la victoire."
La mère du martyr Mahmoud Tawalbe s'est réunie avec ses petits-fils autour de la tombe, invoquant Dieu pour qu'Il l'accueille et qu'Il libère ses trois fils maintenus dans les prisons de l'occupation. Elle dit : "depuis l'aube, l'image de Mahmoud est devant moi, je me rappelle ses paroles, je me suis dirigée vers sa tombe pour accueillir le nouveau mois de Ramadan et renouveler ma promesse envers lui et envers tous les martyrs que nous resterons sur leur voie jusqu'à la victoire".
Umm Tawalbe embrasse la mère du martyr Ziyad Amer, elles se réconfortent et échangent leurs souhaits, mais Umm Ziyad n'arrête pas de pleurer, pendant qu'elle serre contre elle ses enfants en disant :
"chaque fois que le mois de Ramadan arrive, je me rappelle tes paroles, ton affection, ta tendresse et ton sang, et pour cela, nous nous réunissons autour de ta tombe et la tombe des êtres chers pour que nous soyions proches dans nos invocations, de la porte du ciel, afin que le Tout-Puissant nous entende et entende nos invocations, nous accorde la patience et la fermeté et la force, pour poursuivre le chemin, jusqu'à ce que nous supprimions cette noirceur et cette obscurité, que nous allumions les bougies offertes par le sang de nos martyrs, en signe de victoire."
Elle ajoute : "Ramadan est le mois des batailles victorieuses, et tout ce que nous souhaitons est que ce soit l'année de la liberté et de la victoire pour notre peuple".
Source : www.amin.org
Traduction : Palestine en Marche
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