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USA - 19 avril 2005
Par Maureen Meehan
Article paru dans "Washington Report pour les Affaires du Proche Orient" de Septembre 1999 - pages 19-20. Maureen Meehan est journaliste free lance et couvre la Cisjordanie et Jérusalem
"Les manuels scolaires israéliens soutiennent le point de vue que les Juifs se sont impliqués dans une guerre parfaitement humanitaire contre l’ennemi arabe qui refuse d’accepter et de reconnaître l’existence et le droit des Juifs en Israël."
La non-reconnaissance avouée et les stéréotypes négatifs sur les Palestiniens et les Arabes sont la règle et non l’exception dans les manuels scolaires israéliens.
Lors des recherches que j’ai faites pour mon prochain livre (en arabe) intitulé "L’Education arabe sous les occupations anglaise et sioniste", je suis tombé sur cet article, qui bien qu’un peu vieux est toujours d’actualité dans la pratique.
Adib S. Kawar
"Les manuels scolaires israéliens soutiennent le point de vue que les Juifs se sont impliqués dans une guerre parfaitement humanitaire contre l’ennemi arabe qui refuse d’accepter et de reconnaître l’existence et le droit des Juifs en Israël."
Selon des études et des enquêtes universitaires récentes, les manuels scolaires israéliens tout comme les livres d’enfant israéliens dépeignent les Palestiniens et les Arabes comme des "meurtriers", "des émeutiers", "des hommes dont il faut se méfier" et généralement des gens arriérés et improductifs.
La non-reconnaissance avouée et les stéréotypes négatifs sur les Palestiniens et les Arabes sont la règle et non l’exception dans les manuels scolaires israéliens.
Le Pr. Daniel Bar-Tal de l’université de Tel Aviv a analysé 124 livres de grammaire, de littérature hébraïque, d’histoire, de géographie et de civisme pour les classes élémentaires, les classes primaires et les lycées.
Bar-Tal en a conclu que les manuels scolaires israéliens considèrent que les Juifs se sont impliqués dans une guerre justifiée et même humanitaire, contre l’ennemi arabe qui refuse d’accepter et de reconnaître l’existence et le droit des Juifs en Israël.
"Les premiers manuels scolaires visaient à décrire le comportement des Arabes comme hostile, déviant, cruel, immoral, déloyal, avec l'intention de nuire aux Juifs et d'annihiler l’état d’Israël.
A l’intérieur de ce cadre de référence, les Arabes ont été désavoués avec les étiquettes de «voleurs», «assoiffés de sang» et «assassins»" a dit le Pr. Bar-Tal, qui a ajouté qu’il y a eu peu de révision positive au cours des années.
Bar-Tal a souligné que les manuels scolaires israéliens continuaient de présenter les Juifs comme actifs, courageux, résolus à se battre contre les difficultés pour "faire progresser le pays par des moyens dont ils croient les Arabes incapables".
Les livres de géographie en hébreu entre les années 50 et 1970 ont été axés sur la gloire de l’ancien passé d’Israël et sur cette terre "que les Arabes ont négligée et détruite jusqu’au retour des Juifs de leur exil forcé qui l’ont fait revivre avec l’aide du mouvement sioniste".
"Cette attitude a permis de justifier le retour des Juifs, puisqu’ils aimaient assez ce pays pour transformer les marécages et les déserts en fermes florissantes : ce qui désavouait effectivement la revendication arabe sur cette même terre".
Bar-Tal a déclaré au Washingont Report : "Le message était que les Palestiniens étaient des gens primitifs, qu’ils avaient négligé le pays et n’avaient pas cultivé la terre".
Ce message, a dit encore Bar-Tal, a ensuite été renforcé par l’usage de stéréotypes négatifs, éhontés, décrivant les Arabes comme "bornés, inférieurs, fatalistes, improductifs et apathiques".
De plus, selon les manuels scolaires, les Arabes étaient "Tribaux, vindicatifs, bizarres, pauvres, malades, sales, bruyants, de peau colorée" et encore "ils incendient, assassinent, détruisent et se mettent facilement en colère".
Les manuels scolaires qui ont cours actuellement dans le système scolaire israélien, a dit Bar-Tal, dénigrent moins ouvertement les Arabes mais continuent de propager des stéréotypes négatifs quand ils parlent d’eux.
Il a souligné que les manuels en hébreu comme en arabe utilisés à l’école élémentaire et dans les collèges contiennent très peu de références aux Arabes et aux relations arabo-juives.
Le coordinateur des ONG palestiniennes en Israël dit que les principaux évènements historiques sont à peine effleurés.
"Quand j’étais dans le secondaire, il y a douze ans, la date de "1948" apparaissait à peine dans les manuels scolaires excepté pour dire que c’était un conflit avec les Palestiniens qui avaient refusé d’accepter la solution des Nations Unies et avaient préféré s’enfuir" a dit Jamal Atamnef, le coordinateur du Comité Arabe pour l’Education et pour le Soutien des Conseils Locaux, une ONG basée à Haïfa.
"Aujourd’hui l’idée transmise aux élèves est foncièrement la même : il y a un vainqueur et un vaincu dans tout conflit. Quand ils enseignent "la paix et la co-existence", c’est pour nous enseigner comment nous entendre avec les Juifs ".
Atamneh a expliqué que les manuels scolaires qu’utilise presque un million d’arabes israéliens (un cinquième de la population d’Israël) sont en Arabe mais sont rédigés et publiés par le Ministère de l’Education israélien, où les Palestiniens n’ont aucune influence et n’apportent aucune contribution.
"Moins d’1% des postes du Ministère de l’Education, sans compter les professeurs, sont donnés à des Palestiniens".
Au cours des 15 dernières années, aucun universitaire palestinien n'a obtenu de poste important dans le Ministère. On n’a pas associé un seul universitaire palestinien à la préparation des programmes en arabe et de toute évidence, rien ne va dans ce sens en Israël."
En plus, il n’y a pas d’université arabophone en Israël. L’Université de Haïfa, souligne Atamneh, "a stagné avec une population stable d’étudiants arabes de 20% au cours des vingt dernières années".
"Comment imaginer que ce chiffre ait pu rester le même après tant d’années où la population Arabe du nord d’Israël a augmenté de plus de 50% ?".
En répondant à ses propres questions, Atamneh débite les statistiques qui montrent les bons résultats des scolaires arabes dans les lycées et il les compare avec leurs performances ultérieures plus faibles que la moyenne aux examens d’entrée dans les universités en hébreu donnée par l'Etat.
"Aucun Arabe n’a jamais obtenu de bourse importante. Il n’y a pas de résidences pour les Arabes et pas de jobs dans les établissements d’études supérieures ni de programme de soutien financier ( pour eux).
Ils justifient leurs discriminations légales par le fait que nous ne faisons pas l’armée. Il y a de multiples méthodes officielles et perceptibles pour maintenir les Arabes Palestiniens hors des universités."
Absence de l’identité palestinienne dans les manuels scolaires
Le Dr. Eli Podeh, lecteur au département des études islamiques et d’Histoire du Proche Orient à l’université Hébraïque de Jérusalem, a dit que si certains changements dans les manuels israéliens se mettent lentement en place, le débat sur l’identité nationale et civile palestinienne n’est jamais évoqué.
"Des textes de «spécialistes» sur l’existence d’une identité palestinienne ont été introduits mais en général; on constate que les auteurs de manuels scolaires ne sont pas très pressés de les adopter." dit le Dr Podeh, et il ajoute : "Le lien entre Palestiniens d’Israël et Arabes des pays arabes n’est pas débattue. Ce qui est surtout évident, c’est le manque de débat sur la présence des Palestiniens dans les Territoires Occupés.
"Tandis que les nouveaux manuels scolaires cherchent à corriger certaines des manipulations des débuts, ces livres n’en contiennent pas moins de franches inventions et des inventions voilées" dit le Dr Podeh.
"L’Institution a préféré ou s’est crue obligée d’encourager la dissimulation, et de proscrire la complexité."
Un étudiant d’une grande école publique israélienne a déclaré au Washington Report que le contenu des manuels scolaires et les points de vue exprimés par certains professeurs ont vraiment un effet négatif et durable sur l’attitude des jeunes à l’endroit des Palestiniens.
"Nos livres nous enseignent principalement que tout ce que font les Juifs est bien et légitime et que les Arabes sont dans l’erreur, qu’ils sont violents et essaient de nous exterminer." a dit Daniel Banvoleguyi, un lycéen de 17 ans de Jérusalem.
"Nous sommes habitués à entendre toujours la même chose, une seule version de l’histoire. Ils nous enseignent qu’Israël est devenu un état en 1948 et que les Arabes ont déclenché la guerre. Ils ne font pas mention de ce qui est arrivé aux Arabes, ni des réfugiés ou des Arabes qui ont dû quitter leurs villes et leurs maisons." dit Banvolegyi.
Banvolegyi, qui aura fini ses études cet automne, et sera l’été prochain incorporé dans l’armée israélienne, dit qu’il discute avec ses amis de ce qu’il considère comme le racisme des manuels scolaires et des professeurs.
Il a souligné à quel point était préoccupant le rôle néfaste des manuels scolaires et des comportements.
"Un gamin m’a dit qu’il était en colère à cause de quelque chose qu’il avait lu ou d’une discussion qu’il avaiet eue à l’école et qu’il s’était senti prêt à boxer le premier arabe rencontré." dit Benvolegyi.
"Au lieu d’enseigner la tolérance et la réconciliation, les livres et le comportement de certains professeurs augmentent la haine envers les arabes ».
Benvolegyi a parlé de ses condisciples qui, dit-il "meurent d’envie d’aller se battre pour tuer des Arabes. J’essaie de parler avec eux mais ils disent que je n’aime pas ce pays. Mais si je l’aime, et c’est pourquoi je leur dis que la paix et la justice sont les seuls moyens de parvenir à quelque chose."
L’éducation raciste des Israéliens
A considèrer ce que les écoles ont à offrir, et Banvolegyi et Atamneh sont d’accord sur le fait que la tradition orale est la seule manière de remettre l’histoire en place.
"Malheureusement les livres des enfants israéliens ne permettent pas de promouvoir l’égalité dans la société." dit Atamneh, citant un livre écrit par l’écrivain-chercheur Adir Cohen, et intitulé "Un visage horrible dans le miroir."
Le livre de Cohen est une étude sur la nature de l’éducation des enfants israéliens et se concentre sur comment la corporation des historiens voit et dépeint les Palestiniens arabes et sur comment les enfants juifs Israéliens perçoivent les Palestiniens.
Un chapitre du livre est basé sur les résultats d’une enquête conduite sur un groupe d’élèves juifs de 4è à la 6è dans une école de Haïfa. On a questionné les élèves sur leur comportement envers les Arabes, comment ils les reconnaissent et sur les relations qu’ils ont avec eux.
Les résultats ont été aussi choquants que troublants :
70% des enfants ont décrit "l’Arabe" comme un assassin, quelqu’un qui kidnappe les enfants, un criminel et un terroriste.
80% ont dit qu’ils voyaient l’Arabe comme quelqu’un de sale avec un visage terrifiant.
90% des écoliers ont déclaré qu’ils croyaient que les Palestiniens n’avaient aucune espèce de droit sur la terre d’Israël ou de Palestine.
Cohen a aussi conduit une recherche sur 1700 livres israéliens pour enfants publiés après 1967.
Il a découvert que 520 de ces livres contenaient des descriptions de Palestiniens humiliantes et péjoratives.
Il a aussi pris la peine de dénoncer ces descriptions :
"66% de ces 520 livres parlent des Arabes comme de gens violents,
52% comme le mal,
37% comme de menteurs,
31 % comme de rapaces,
28% comme des hypocrites,
27% comme des traîtres,
etc…"
Cohen souligne que les auteurs de ces livres pour enfants instillent efficacement la haine des Arabes en les dépouillant de leur nature humaine et en les classant dans une autre catégorie
En analysant 86 livres, Cohen a compté les descriptions suivantes qui déshumanisent les Arabes :
les termes de meurtriers étaient utilisés 21 fois ;
serpents, 6 fois ;
sales, 9 fois ;
animal vicieux, 17 fois ;
tueurs, 13 fois ;
idolâtres, 9 fois,
et bosses de chameau, 2 fois.
L’étude de Cohen conclut que cette description des Arabes est partie intégrante des convictions et de la culture rampantes contenue dans la littérature et les livres d’histoires hébraïques.
Il écrit que les auteurs et les écrivains israéliens avouent qu’ils décrivent délibérément les personnages palestiniens de cette façon, pour le jeune public en particulier, afin d’influencer leur première conception et de les préparer à leurs relations avec les arabes.
"De cette façon, on peut voir que si on grandit en lisant ou en étudiant dans ces livres on n’apprendra jamais rien d’autre." dit Atamneh.
"Mais dans le cas des Palestiniens nous grandissons à 500 mètres de ce qui était autrefois une ville ou un village palestinien, devenus maintenant colonie juive. Nos parents et nos grands-parents nous en parlent. Ils nous le racontent interminablement, c’est la seule façon.".
Source : Washington Report
Traduction : CS pour ISM
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