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Salfit - 19 avril 2005
Par Hanna
Hanna est une volontaire de l'IWPS. IWPS-Palestine est un groupe international de femmes basé à Hares (village du Gouvernorat de Salfit en Cisjordanie occupée) : elles accompagnent des civils palestiniens, documentent les violations des droits humains et interviennent de manière non-violente, soutiennent les actions de résistance non-violente contre l' occupation militaire brutale et illégale et la construction du Mur.
Je suis encore ici, encore en Palestine, encore en train de vivre et de travailler avec un peuple occupé.
Je pense que cette semaine j’ai plus vécu que je n’ai travaillé, pourtant, c’était agréable.
J’ignore si c’est le résultat des tragédies de la semaine dernière, mais cette semaine je me suis retrouvée plus souvent que d’habitude assise à boire le thé avec des amis.
J’ai décidé, à partir d’un certain moment, que lorsque je ne vais pas travailler hors de la maison, il vaut mieux être avec les gens que rester assise derrière un ordinateur (ce que je suis en train de faire) à chercher autre chose à faire sur la l’interminables listes des choses à faire.
Aussi ai-je passé du temps avec les gens.
Issa, un ami sur lequel un soldat israélien a tiré il y a bientôt quatre ans, a passé quelques jours à l’hôpital cette semaine, et il est revenu aujourd’hui, c’était formidable de le voir bien qu’il dise que son infection n’est pas complètement partie et qu’il ne sait pas s’il guérira complètement de cette dernière maladie.
Lui et sa femme Faisa m’ont demandé des nouvelles du mariage de notre amie Karin, qui a eu lieu il y a deux semaines à Bethléem. Je leur ai dit que ça avait été un très beau mariage, et que Karin et son mari avaient fait un beau discours pour remercier tout le monde d’être venu, et dire que "les gens qui étaient venus de loin n’étaient pas nécessairement ceux qui venaient d’Autriche et d’Allemagne, mais ceux qui étaient venus de Salfit, de Gaza et même de Jérusalem".
"C’est vrai" a dit tristement Faisa.
"A cause des checkpoints et des soldats. Tout ça par la faute d’Israël. Sans Israël, il n’y aurait pas de problème."
Elle s’est arrêtée et puis a ajouté : "Mais sans Israël je ne vous aurais pas rencontrée". J’ai eu envie de rentrer sous terre parce que je savais que c’était vrai.
Quelle drôle de relation nous avons avec les gens.
Quelle drôle de situation, cette situation où les gens ont envie de nous connaître et veulent nous voir, mais savent qu’il est plus que probable qu’ils ne nous verront que s’il y a des problèmes dans leur village.
Comme pour le village de Yasouf.
Je n’étais pas venue à Yasouf depuis mon retour, et quand mon ami Abu Srour a découvert que j’étais là depuis un mois et que je n’avais pas appelé et n’étais pas allée le voir, il s’est senti blessé.
Demain je vais y aller et j’irai le voir, mais je n’y vais que parce que les médecins de l’université de Bir Zeit seront là pour parler aux villageois des mesures de sécurité (à prendre) sur leur terre.
J’ai raconté dans mon dernier rapport comment les colons extrémistes juifs ont répandu du poison sur la terre palestinienne au sud des collines d’Hébron, poison qui a tué tant de leurs moutons.
Bon, ce même poison se retrouve maintenant à Yasouf.
De petites boulettes de mort orange. Il y a eu des annonces dans les mosquées de toute la région, mais elles ne peuvent retirer le poison, ni faire partir ce système qui refuse de poursuivre les responsables des empoisonnements.
Ma visite de demain pourrait ne pas aider à changer notre image aux yeux d’un peuple dans les problèmes que rencontrent des gens qui viennent parce que c’est sympa de rencontrer des gens, mais je travaille là-dessus au moins dans cette petite partie de Hares.
La nuit dernière mon amie Amal m’a fait une teinture au henné.
J’ai dormi avec une boue séchée sur la tête et les cheveux recouverts d’un foulard, pareille à n’importe quelle autre femme du village.
Aujourd’hui je suis allée lui rendre le foulard et elle m’a dit de le garder, qu’il m’allait bien. Je lui ai dit qu’elle en aurait plus besoin que moi, mais que la prochaine fois qu’elle me ferait du henné; je le remettrai.
Hier j’ai emmené les deux filles aînées de mon amie Fatima au Centre Culturel Ibdaa à Bethléem pour enregistrer leurs chansons pour le projet sur lequel je suis en train de travailler.
Elles étaient étonnantes, et je me suis bien amusée. A 17 et 15 ans, c’était la première fois qu’elles partaient sans leur mère (excepté quand elles vont à l’école).
Je les ai prises au barrage à la sortie du village, où elles m’attendaient cachées dans une voiture pour que personne d’autre dans le village ne les voie partir sans leur mère.
Nous nous sommes glissées dans un taxi collectif de l’autre côté du barrage pour découvrir que les deux hommes assis en face de nous étaient du même village.
Nous sommes arrivées au checkpoint de Zatara et Shams a remarqué les affiches collées sur tous les arrêts de bus par les colons du secteur.
"Sharon" m’a-t-elle dit en montrant la photo du doigt.
"Oui, c’est contre Sharon" ai-je répliqué.
Elle a été surprise.
Je lui ai dit qu’un tas de colons sont maintenant d’accord avec un tas de Palestiniens, mais pour des raisons diamétralement différentes. Quand ils parlent de Sharon, c’est comme s’ils parlaient d’Hitler.
Cette affiche était contre l’évacuation des colons de Gaza.
"Ils vont mettre tous les colons ici en Cisjordanie " ai-je dit.
Shams a demandé : "Et les colons ne veulent pas aller en Cisjordanie "?
"Ils veulent aller en Cisjordanie , ai-je répondu mais ils veulent aussi rester à Gaza".
Shams a soupiré : "Ils veulent tout."
Les jeunes filles se sont détendues pendant que nous nous dirigions vers le sud et nous sommes arrivées au camp de réfugiés de Dheisheh trois voitures plus tard sans problème.
Les gens de la radio et du studio d’Ibdaa pensaient qu’ils me faisaient simplement une faveur en me laissant enregistrer les filles, mais après la première chanson, l’un d’entre eux est entré dans la pièce et a demandé aux jeunes filles : "D’où êtes-vous ?".
Il était vraiment intéressé.
Elles se sont totalement épanouies dans le studio – à coup sûr elles étaient dans leur élément.
Nous avons enregistré cinq chansons et un des hommes a demandé si elles acceptaient de lire deux extraits en anglais de témoignages personnels pour la de la radio.
Sham a fait le personnage d’une jeune fille, et Mayisa celui d’une vieille femme.
Pendant qu’elles lisaient le producteur a dit : "Diable, j’aimerais qu’elles habitent plus près d’ici." Apparemment ça prend une heure aux enfants pour donner une bonne version de quelques lignes en anglais.
Shams et Mayisa ont réussi presque parfaitement tout pour leur premier essai.
Quand on a eu fini de copier les CD, nous sommes allés voir la famille qui m’avait accueillie un mois l’été dernier. Les jeunes filles ont eu une grande conversation avec ma mère d’accueil, Najah.
Elles lui ont demandé comment va la vie à Dheisheh, combien de fois l’armée les a envahis, si toutes les jeunes filles est les femmes du camp doivent porter le foulard, etc..
Elle leur a demandé quel travail faisaient leurs parents, quelle était la vie du village, les chansons qu’elles chantaient etc…
Elles ont parlé de la résistance contre le Mur (les jeunes filles affirmant que c’était nécessaire, Najah disant que c’était vain, elles n’étaient pas nécessairement en désaccord les unes avec les autres).
Nous sommes revenues par le même chemin qui nous avait amenées par Wadi Nar.
Ce serait plus rapide, plus direct, et moins cher de passer par Jérusalem, mais Jérusalem est interdite aux Palestiniens de Cisjordanie , elle est réservée aux rare détenteurs de permis spéciaux.
Aussi sommes-nous rentrés par Wadi Nar, et je me suis souvenue du seul endroit sur le chemin d’où il est possible d’apercevoir le Dôme du Rocher - une petite tache d’or dans le lointain.
Je l’ai montrée du doigt aux jeunes filles, qui l’ont regardé avec respect et tristesse.
"Nous ne pouvons pas y aller." a dit Shams.
Tout au long de notre chemin d’aller et de retour, nous avons vu les segments du Mur serpenter sur la terre.
A Abu Dis, nous avons pu voir le Dôme du Rocher, un peu plus près maintenant, disparaître comme un coucher de soleil derrière le Mur tandis que nous descendions la colline.
Nous avons traversé Ramallah, bien que ça ne soit pas le chemin le plus direct pour rentrer, parce que les jeunes filles n’étaient pas pressées d’arriver au village, et que j’ai pensé que ce serait sympa. de prolonger notre virée et de ne retourner à la maison qu’à la nuit.
Nous sommes arrivées à Ramallah et Shams a voulu retrouver le moniteur de dabke (une danse folklorique palestinienne) qui lui avait donné deux leçons l’été dernier. Nous nous sommes arrêtées pour demander notre chemin à quelqu’un et Shams a dit : "J’adore demander aux gens où sont les choses"
- Pourquoi , lui ai-je demandé
- "Parce que ça me fait penser que les gens sont gentils" a-t-elle répondu. "Ma mère dit toujours que les gens de notre époque ne sont pas gentils, ni honnêtes et ne s’entraident pas. Mais quand je demande à quelqu’un où se trouve quelque chose et qu’il sort de sa voiture et me conduit au coin de la rue pour me montrer, j’ai confiance dans les gens."
Le Centre culturel que nous cherchions était fermé aussi sommes-nous revenues dans le centre de Ramallah pour attraper un bus du nord. Shams et Mayisa se sont arrêtées à une boutique de fleurs et de plantes pour trouver un cadeau pour leur mère.
"Nous avons fait le ménage et fait la cuisine le jour de la Fête des Mères." ont-elles dit, "mais nous n’avons pu acheter de cadeau." (Le jour de la Fête des mères en Palestine, c’était il y a quelques semaines).
Aussi sont-elles entrées dans la boutique et se sont renseignées.
50 shekels, 30 shekels, tout était trop cher.
"J’ai dix shekels" a finalement dit Shams "et je veux un bouquet."
Alors un homme lui a fait un joli bouquet et nous sommes reparties prendre un taxi collectif pour rentrer. J’ai traversé les barrages de Qarawa avec les jeunes filles et nous avons pris un taxi pour les ramener, et avons pris Fatima au passage.
Elle était tellement heureuse de voir les jeunes filles (j’ai omise de dire qu’elle avait appelé trois fois dans la journée pour savoir où nous étions et comment nous allions).
Et la journée s’est achevée magnifiquement
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : CS pour ISM
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