France - 31 juillet 2013

Lettre ouverte à Monsieur Hollande

Par Badia Benjelloun

Monsieur le Président,
Cet été 2013 est particulièrement inconfortable avec l’alternance de très fortes chaleurs et de temps orageux qui fatiguent les corps et échauffent les esprits.
Beaucoup de Français n’ont pas les moyens d’aller quérir quelque fraîcheur en estivant en bord de mer ou en haute montagne. Parmi eux, certains pratiquent par cette saison éprouvante un jeûne rituel d’un mois.
Ils sont musulmans.

Leur vote, se complaisent à dire des instituts de sondage et de projection politique, a permis que vous arriviez aux commandes de l’exécutif français en mai 2012. Nous le croyons volontiers tant les Musulmans ont honni la politique de division des Français en communautés ethniques et religieuses de votre prédécesseur et l’ont explicitement chassé de l’Élysée. Son ministère de l’Immigration, la question inopportune de l’Identité Nationale de la part d’un homme qui a parachevé l’aliénation de son pays à l’entité atlantiste et sa solution de toilettage social au karcher, loin de lui assurer un succès taillé dans une phobie élaborée depuis des décennies, ont mobilisé une classe d’électeurs traditionnellement indifférents.

Vous peinez à trouver une quelconque solution aux problèmes de la crise de l’emploi et de la croissance puisque vous restez captif d’une politique européenne intégrée dans une économie mondiale qui assure une division du travail et de fonctionnalités aux diverses régions de la planète.

Votre harangue contre le pouvoir de la finance, lors de votre campagne rythmée d’anaphores, restera pour ce qu’elle a été, un exercice oratoire convenu.

Le mécontentement populaire à l’encontre de votre majorité qui ne connaît que l’entrave de votre idéologie néolibérale pour accomplir les tâches de son mandat risque de se manifester dès les consultations électorales de 2014.

L’attitude de votre ministre de l’Intérieur qui a pris la peine de déclarer en février 2013 sur une chaîne de grande audience qu’il fera une guerre sans merci aux Françaises qui recouvrent leurs cheveux éloigne les Musulmans français de la gauche que vous n’incarnez plus.

N’aggravez pas votre échec économique programmé en autorisant un personnage responsable de la sécurité intérieure de notre pays à porter les braises dans les quartiers populaires et à activer des soufflets de forge pour y faire flamber des émeutes.

L’acharnement revendiqué de M. Vals contre l’Islam a libéré le comportement agressif de quelques éléments faschistoïdes qui s’en prennent à nos concitoyennes qui choisissent de dissimuler leur chevelure. Pour quelques agents de police, il a signifié permis d’humilier, de frapper et de détenir des musulmans en franchissant allégrement les limites de la loi.

Acceptez-vous d’un responsable national qu’il s’affiche en kippa pour se déclarer l’ennemi du voile, mal inspiré par une ambition personnelle qui le voit mettre ses pas sur les brisées de celui qui a été éconduit en mai 2012 ?

Le mois de Ramadan est un moment de grand recueillement spirituel pour les Musulmans, vous devez veiller à faire respecter lors de son déroulement au moins une trêve de la discrimination institutionnelle française à leur égard, objectivée par le jugement rendu de la Cour européenne de Justice qui a condamné la loi interdisant le port du foulard à l’école.

Monsieur le Président, vous êtes le Président de tous les Français, vous devez assurer la sécurité de tous et singulièrement des plus faibles. Les Musulmans n’occupent pas de position de pouvoir alors que la propagande contre l’Islam connaît une vigueur planétaire depuis 2001.

En France, quelle que soit la violence de l’État à leur encontre, ils ne sont pas prêts à se transformer en marranes de cette Inquisition post-moderne qui voudrait les éliminer.

Ils comptent alors sur votre perspicacité politique pour ne pas aggraver leur situation et fragiliser davantage votre base électorale.


Badia Benjelloun
29 juillet 2013