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Nation arabe - 1 mai 2013
Par Ibrahim Alloush
Malgré sa contribution à la fondation de la pensée nationaliste arabe et son apport au mouvement national palestinien, dans la première partie du XXème siècle, nous n’accordons pas à Muhammad ‘Izzat Darwaza la place qu’il mérite parmi les grands écrivains nationalistes arabes.
Muhammad ‘Izzat Darwaza est né à Naplouse le 21 juin 1887. Il mourut à Damas le 26 juillet 1984. Sa famille descendait de la tribu des al-Fraihat installée à Ajloun, à l’est de la Jordanie actuelle. Les al-Fraihat vécurent en ces lieux jusqu’à leur installation à Naplouse en Palestine environ trois siècles avant la naissance de Muhammad ‘Izzat Darwaza. Les déplacements démographiques d’une telle ampleur, à travers les différentes régions de la nation arabe, étaient chose naturelle et coutumière depuis des temps anciens.
Ces déplacements perdurèrent jusqu’à la mise en place, au XXème siècle, de frontières purement artificielles séparant les différents « États » arabes. Muhammad ‘Izzat Darwaza étudia ce problème dans son livre, Târîkh jins al-‘arabî, comprenant huit volumes publiés entre 1958 et 1964 et trois autres parus en 1988.
Muhammad ‘Izzat Darwaza a rédigé une dizaine de livres, des centaines d’articles et des traductions, essentiellement de la langue turque vers l’arabe. Il a écrit des ouvrages sur l’histoire du monde, sur l’histoire du monde arabo-islamique, sur la question palestinienne, sur les juifs et le sionisme, sur la pensée nationaliste arabe et sur les mouvements arabes contemporains. Il a également rédigé plus de quatorze livres, dont la plupart comptait plus d’un volume, sur l’interprétation du Saint-Coran et la biographie du Prophète Muhammad (BSDL). De plus, il a écrit les six volumes composant son autobiographie qui révèlent de nombreux secrets sur l’histoire de la Palestine contemporaine. En 1911, l’un de ses premiers écrits fut Wufûd an-Nu‘mân ‘alâ Kisrâ Ânû Shirwân (1) qu’il rédigea sous forme de roman. En 1913, il écrivit un autre roman As-simsâr (L’agent immobilier). Ce roman traitait de l’action colonisatrice des juifs et des agents immobiliers arabes qui les aidaient à acquérir les terres arabes en Palestine. Il consacra certains de ses livres à la jeunesse à laquelle il s’adressait de manière pédagogique. Nous pouvons citer parmi ces ouvrages Durûs at-târîkh al-‘arabî (Leçons sur l’histoire arabe), composé de deux tomes et publié en 1932.
Muhammad ‘Izzat Darwaza n’était pas uniquement un grand penseur. Il était également un authentique combattant engagé dans l’action politique. Il avait une véritable expérience de l’action secrète et de l’engagement militaire en raison, notamment, de sa participation à la révolution palestinienne de 1936. Muhammad ‘Izzat Darwaza en fut l’un des principaux dirigeants. En 1916, il adhéra à la Ligue de la jeunesse arabe (2). En 1919, il fut l’un des organisateurs de la première Conférence arabe palestinienne qui eut lieu à al-Quds. Au cours de cette Conférence, il défendit le rattachement de la Palestine à la Syrie. Muhammad ‘Izzat Darwaza fut également l’un des fondateurs et des dirigeants du mouvement des « Associations islamo-chrétiennes » qui affronta les Britanniques et les sionistes avant la révolution de 1936. Il fut membre de la direction du « Haut comité arabe pour la Palestine » et proche de Hadj Amin al-Husseini (3) lorsque le mufti représentait l’aile la plus radicale et la plus intransigeante du mouvement national palestinien. Muhammad ‘Izzat Darwaza militait également dans la clandestinité avec les fondateurs de l’organisation « Fatâ Filastine » qui préparait l’action armée depuis 1919. En 1932, il fut l’un des fondateurs du Parti de l’indépendance (Hizb al-istiqlâl) qui avait une orientation nationaliste arabe et dont le cheikh ‘Izz ad-din al-Qassam (4) était également membre.
Les activités de Muhammad ‘Izzat Darwaza ne se limitaient pas exclusivement à la Palestine. Il était en relation constante avec la Syrie et le Liban, et dans une moindre mesure avec l’Égypte où il travailla – plus précisément dans le Sinaï – depuis sa plus tendre enfance. Lorsque l’administration ottomane se retira du Bilâd al-Shâm, Muhammad ‘Izzat Darwaza se rendit à Beyrouth, à Damas, à Amman et à Naplouse. En 1920, il devint scribe de l’Émir Abdallâh pendant une courte période. Peu de temps avant la Nakba, il fut délégué du Haut comité arabe au sein de la Ligue arabe et délégué auprès des gouvernements syriens et libanais, avant de démissionner.
À l’instigation des Britanniques, en 1939, les Français emprisonnèrent Muhammad ‘Izzat Darwaza dans la prison de Mazzé à Damas (5). Il y demeura emprisonné durant deux années. À sa libération, il se réfugia en Turquie où il résida pendant quatre ans avant d’en être, à nouveau, pourchassé par les Britanniques. Le gouvernement turc l’envoya en Anatolie. Il rentra en Syrie à la veille de l’indépendance, en 1944. De là, il se rendit en Palestine afin de s’engager, de nouveau, dans l’action politique nationaliste au sein du Haut comité arabe, jusqu’en 1948 date à laquelle il tomba malade. Il avait alors plus de soixante ans. Il se retira définitivement de la vie politique afin de se consacrer pleinement à la recherche et à l’écriture.
Quiconque étudie avec attention l’histoire du mouvement national palestinien, en lisant des ouvrages comme Histoire de la Palestine contemporaine, d’Abdel-Wahab al-Kayali, ou Le mouvement nationaliste palestinien face aux juifs et au sionisme et La résistance arabe en Palestine de Nâjî Alloush, comprendra que Muhammad ‘Izzat Darwaza se distinguait des autres dirigeants arabes dans son action politique. Il laissait invariablement la priorité aux autres. Il agissait ainsi afin d’attirer le plus grand nombre possible de dirigeants traditionnels et locaux dans les cercles nationalistes ou dans les organisations qu’il participa à créer.
De nos jours, un tel comportement est rare parmi les militants politiques ; sans parler de la rareté des intellectuels qui s’engagent dans l’action politique directe avec autant de sérieux et d’abnégation.
Muhammad ‘Izzat Darwaza ne recherchait nullement les distinctions individuelles. Dans l’action collective, il se fondait systématiquement dans le groupe. Nous attirons particulièrement l’attention sur sa contribution à la fondation de la pensée nationaliste arabe. Ceux qui souhaitent en savoir davantage sur Muhammad ‘Izzat Darwaza – sur qui si peu de choses ont été écrites (6) – peuvent se référer à la longue introduction écrite par Najî Alloush dans Mukhtârât qawmiyya li-Muhammad ‘Izzat Darwaza publié par le Centre d’études pour l’unité arabe (7) en 1988.
Notes de lecture
(1) Note de la traductrice : Il s’agit d’un roman nationaliste dans lequel Muhammad ‘Izzat Darwaza glorifie l’arabité et exprime les aspirations nationales des Arabes.
(2) NDT : Jam‘iyyat al-‘arabiyya al-fatâ est aussi connue sous le nom d’al-Fatat. Il s’agissait d’une organisation nationaliste arabe créée en 1911 à Paris par Muhammad ‘Izzat Darwaza.
(3) NDT : Mohammed Amin al-Husseini (Jérusalem, 4 juillet 1895 – Beyrouth, 5 juillet 1974), Grand Mufti de Jérusalem, était un leader religieux et un nationaliste palestinien.
(4) NDT : ‘Izz ad-din al-Qassam (1882-1935) est considéré comme l’un des pères de la résistance palestinienne.
(5) NDT : Suite au démantèlement de l’Empire ottoman, la Syrie fut placée sous mandat français par la Société des Nations en 1920.
(6) NDT : S’il y a peu d’études sur Muhammad ‘Izzat Darwaza en langue arabe, les études en langue française sont encore bien plus rares.
(7) NDT : Centre d’études pour l’unité arabe, URL : http://www.caus.org.lb/Home/index.php
Source : www.al-moharer.net
Traduction : Souad Khaldi
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