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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

Ne pas confondre : c’est d’un consensus juif qu’il s’agit, et non pas d’un consensus israélien

Par

Jonathan Cook, écrivain et journaliste, vit à Nazareth, en Israël. Il est l’auteur d’un ouvrage à paraître : "Blood and Religion : The Unmasking of the Jewish and Democratic State" [Sang et religion : dévoilement de l’Etat "juif et démocratique"], qui sera publié par Pluto Press et disponible aux Etats-Unis auprès de l’University of Michigan Press. Son site ouèbe personnel est à l’url suivante : http://www.jkcook.net

Pour qui veut comprendre ce qui préoccupe les Israéliens ordinaires, tandis qu’ils se préparent à déposer leur bulletin dans l’urne la semaine prochaine, le sondage le plus révélateur est également celui qui a suscité le moins d’intérêt.
Quelques semaines après qu’Ariel Sharon eut fait éclater son propre parti, le Likoud, pour créer une nouvelle formation "centriste", Kadima, ses conseillers ont fait réaliser un sondage afin de savoir dans quelle mesure d’éventuels électeurs réagiraient si sa liste de candidats comportait un Arabe.

Les résultats furent éloquents : en voix, Kadima perdrait l’équivalent de cinq à sept sièges, dans une Knesset qui en comporte 120. Il s’agit des voix d’électeurs israéliens juifs chagrinés à l’idée de contribuer à faire élire un Arabe !

Même si cela aurait permis potentiellement d’augmenter la popularité de Kadima auprès de la minorité arabe du pays (qui représente un cinquième de la population israélienne totale), le parti a décidé que le jeu n’en valait pas la chandelle. Ahmad Dabah, un maire arabe, a été placé en cinquante et unième position sur la liste, là où il n’y pas le moindre risque qu’il fût élu…

Sharon a créé son parti, l’an dernier, en guise d’issue de secours pour le Likoud avant que sa glissade vers la droite ne devienne fatale. Kadima a promis, au contraire, d’occuper le centre de la vie politique israélienne. Et de représenter le "consensus" israélien.

Mais ce consensus ressemble de plus en plus à un consensus juif, et de moins en moins à un consensus israélien !

Les Arabes israéliens, qui sont près d’un million, ne sont pas invités à rejoindre le nouveau parti ; on les en dissuade même, et de mille manières.

Le principe de la séparation ethnique a toujours été au cœur du projet de construction d’une nation juive. Des centaines de communautés rurales – y compris les communes kibboutziques créées immédiatement après la naissance de l’Etat, en 1948 – sont totalement interdites au million de citoyens arabes. Même dans la poignée de villes dites "mixtes", les Arabes habitent leurs propres faubourgs isolés.

Les divisions sont de rigueur, aussi, dans le système éducatif, avec des écoles arabes et des écoles juives séparées ; et la philosophie du « travail juif », héritée des pionniers sionistes, signifie que la plupart des emplois sont, eux aussi, ségrégués.

Des décennies de discipline et de calme, de la part de la minorité arabe, n’ont en rien contribué à renverser l’antipathie de la majorité juive à son égard.

Un autre sondage, effectué cette semaine par le quotidien libéral Haaretz, montre que 68 % des juifs israéliens rejettent l’idée d’avoir un voisin arabe – et 41 % exigent des infrastructures de loisirs séparées, dans le style de l’apartheid sud-africain. Des études montrent de manière répétée que près de la moitié des juifs israéliens sont favorables à l’éviction des Arabes d’Israël.

Mais la décision prise par Kadima d’exclure les Arabes de toute représentation autre que pour mémoire, sur sa liste électorale, indique qu’un degré plus préoccupant a été franchi par cette idéologie de la séparation.

Le succès annoncé de Kadima – d’après certaines projections, ce parti devrait obtenir près de 40 sièges [il en obtiendra moins, en réalité, ndt] – est dû à la forte adhésion de l’opinion publique au programme de séparation unilatérale que ce parti prône.

Sharon a démontré son propre sérieux en matière de séparation en se désengageant de Gaza l’an dernier, et (aussi) en édifiant la barrière / muraille à travers la Cisjordanie .

Le successeur de Sharon et dirigeant de Kadima Ehud Olmert poursuivra et généralisera ce programme, en promettant de futurs petits désengagements partiels de Cisjordanie dans une tentative – ce sont ses mots – de tracer les "frontières définitives" d’un Etat juif prenant ses aises.

C’est le triomphe de la philosophie "nous ici, eux là-bas", formulée par deux récents Premiers ministres travaillistes, Yitzhak Rabin et Ehud Barak.

Mais quel genre d’Etat juif, dans ses frontières définitives, Olmert propose-t-il ?

Eh bien, pour commencer, ce sera un Etat dont le consensus a été formé à réduire au silence un cinquième de la population. Mais le pire est sans doute devant nous, si, conformément à l’attente, Kadima remporte la victoire.

D’après les médias israéliens, Olmert flirte depuis pas mal de temps avec un parti d’extrême droite peu nombreux mais de plus en plus populaire, dont il risque d’avoir besoin des sièges pour consolider le gouvernement de coalition qu’il sera contraint à former.

Avigdor Lieberman, du parti Yisrael Beiteinu [= "Israël est à nous"! ndt] est célébré comme le plus probable faiseur de rois, après les élections.

Il pourrait aussi être le personnage emblématique d’un futur parfaitement exécrable.

Ce Lieberman, directeur général du Likoud à l’époque où Binyamin Netanyahou était Premier ministre, est la coqueluche de la droite. Mais, en réalité, il est bien plus proche de Kadima que du Likoud.

Alors que le Likoud, sous la direction de Netanyahou, rejette toute idée de séparation et de désengagement d’avec les Palestiniens en guise de solution au conflit, Lieberman est archi partisan d’une séparation "réciproque" - par opposition à une séparation "unilatérale".

Bref : il est persuadé que si Israël fait des sacrifices à Gaza et dans la Cisjordanie en "expulsant" des colons de leurs domiciles, alors la minorité arabe vivant actuellement en Israël devrait s’attendre à devoir payer un prix équivalent.

Il veut que des centaines de milliers de citoyens arabes, qui vivent dans une minuscule zone d’Israël, limitrophe de l’extrémité nord de la Cisjordanie , voient leurs habitations transférées hors de l’Etat juif et incorporées à ce qui restera d’un Etat palestinien – ghetto, derrière la barrière de séparation israélienne.

Il veut aussi que tous les autres Arabes se voient retirer leur citoyenneté israélienne, à moins qu’ils ne jurent loyauté et fidélité à on ne sait trop quel "Etat juif et démocratique".

En signant, ils renonceront au droit de voter pour des partis politiques arabes qui exigeraient la transformation d’Israël, de l’Etat juif qu’il est actuellement, en un "Etat pour tous ses citoyens".

Il se dit que Lieberman est convaincu que la citoyenneté de près des 90 % de la population arabe d’Israël peut être annulée par ce biais. Et tout indique que Kadima pense et dit, en privé, ce que dit Lieberman publiquement.

Pendant un temps, les médias hébreux ont couvert l’intérêt de Sharon pour des échanges territoriaux avec les Palestiniens, comme moyen – en un coup de cuillère à pot – d’annexer les blocs de colonies et de déchoir la minorité arabe d’Israël de sa citoyenneté dans un Etat juif. Olmert ne sera pas moins empressé à le faire.

Kadima semble sur le point de remporter la victoire. La séparation, sous ses formes les plus choquantes et les plus impitoyables, est désormais, comme les sondages ne le démontrent que trop crûment, exactement ce que le consensus israélien demande.




"La toute première leçon dont nous devons exiger que la logique nous l’enseigne, c’est d’apprendre comment rendre nos idées claires ; c’est là une leçon extrêmement importante, qui n’est minimisée que par ceux qui en ont besoin. Savoir ce que nous pensons, être maîtres de notre propre expression : voilà de quoi fonder sur des bases solides une pensée qui ait à la fois sa grandeur et son poids. Cette leçon est plus facilement retenue par ceux dont les idées sont maigres et restreintes ; mais combien plus heureux sont ceux-ci que ceux qui se débattent sans espoir dans une épaisse boue faite de concepts." Charles Sanders Pierce (fondateur du pragmatisme).]


• Traduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft.

Source : http://www.palestine-pmc.com

Traduction : Marcel Charbonnier*

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