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USA - 27 mars 2006
Par Joseph Massad
in Al-Ahram Weekly, 23-29 mars 2006, n° 787
Tout au long des vingt-cinq années écoulées, beaucoup de Palestiniens et d’autres Arabes, aux Etats-Unis et dans le monde arabe, furent tellement écrasés par la puissance du lobby pro-israélien aux Etats-Unis que toute étude, tout livre, tout article de presse dénonçant les manœuvres souterraines, l’influence substantielle et le pouvoir financier et politique de ce lobby étaient accueillis par des soupirs extatiques de soulagement à l’idée que les Américains pouvaient enfin, désormais, ouvrir les yeux sur la "vérité" et donc sur "l’erreur" de leur comportement.
L’argumentation sous-jacente était très simple, et elle avait été répétée, toujours et encore, par les alliés du régime de Washington dans le monde arabe, les intellectuels arabes libéraux et pro-américains, les intellectuels et anciens hommes politiques américains conservateurs et libéraux et même des militants arabes et américains de gauche, qui soutiennent les droits des Palestiniens, à savoir que, sans le lobby pro-israélien, l’Amérique, au pire, cesserait de contribuer à l’oppression d’Arabes et de Palestiniens et, au mieux, elle serait leur meilleure alliée et amie.
Qu’est-ce donc qui rend cet argument persuasif et efficace, auprès des Arabes ?
De fait, pourquoi ces affirmations sont-elles constamment brandies par les amis arabes de l’Amérique devant des publics arabes et américains, en guise d’argument se voulant persuasif ?
Je mets en doute l’idée que la séduction de cet argument soit telle qu’il exonérerait le gouvernement des Etats-Unis de toute responsabilité et de toute la culpabilité qu’il endosse en raison de sa politique dans le monde arabe et j’affirme qu’il donne de faux espoirs à beaucoup d’Arabes et de Palestiniens, qui aimeraient bien que l’Amérique soit de leur côté plutôt que dans le camp de leurs ennemis.
Permettez-moi, voulez-vous, de commencer par la prémisse de l’argumentation, à savoir sa tendance à faire retomber le blâme de la politique étrangère des Etats-Unis non pas sur les Etats-Unis, mais uniquement sur Israël et le lobby pro-israélien aux Etats-Unis.
Selon une telle logique, ce ne sont pas les Etats-Unis qui doivent être tenus directement responsables de leur politique impériale dans le monde arabe et le Moyen-Orient, de manière générale, depuis la Seconde guerre mondiale, mais bien plutôt Israël et son lobby, qui auraient poussé les Etats-Unis dans des politiques contraires à leurs propres intérêts nationaux et bénéficiaires uniquement pour Israël.
En installant et en soutenant les dictatures arabes et autres au Moyen-Orient, en armant et en entraînant leurs forces armées, en mettant sur pied leurs services secrets et en entraînant leurs forces de police à des méthodes de torture et de répression des insurrections particulièrement efficaces, voilà ce dont tout le tort, d’après la logique développée par ces études, devrait retomber sur Israël et son lobby aux Etats-Unis.
Le fait de bloquer tout soutien onusien et international aux droits des Palestiniens, d’armer et de financer Israël en guerre contre une population civile, de protéger Israël contre la colère de la communauté internationale : voilà ce dont les Etats-Unis ne devraient pas être tenus pour responsables, indique l’étude avec insistance, mais bien Israël et son lobby.
De plus, et toujours selon cette même logique, le fait de contrôler les économies et les finances arabes, de dominer les investissements clés au Moyen-Orient et d’imposer des politiques d’ajustement structurel via le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale – politiques qui appauvrissent les peuples arabes – : voilà, également, qui devrait être mis au compte d’Israël, et non des Etats-Unis…
Enfin, affamer, puis envahir l’Irak, menacer d’envahir la Syrie, bombarder puis sanctionner la Libye, puis l’Iran, assiéger les Palestiniens et leurs dirigeants : voilà qui devrait être imputé au lobby israélien, et non au gouvernement des Etats-Unis.
De fait, depuis des années, beaucoup de dictateurs arabes pro-américains ont laissé filtrer, officiellement ou non, des informations selon lesquelles leurs amis diplomates américains leur auraient dit, à de multiples reprises, à quel point eux et l’" Amérique" soutiendraient le monde arabe et les Palestiniens, n’eût été l’influence du lobby pro-israélien (parfois qualifié par les diplomates américains en des termes plus explicites et beaucoup plus "ethniques").
Si beaucoup des études publiées par le lobby pro-israélien sont plausibles et pleines de détails très bien documentés faisant froid dans le dos au sujet de la puissance formidable à la disposition de groupes tel l’AIPAC [American Israël Public Affairs Committee] et ses alliés, le problème de la plupart desdites études, c’est ce qu’elles ne disent pas.
Par exemple : quand, et dans quel contexte, le gouvernement américain aurait-il jamais soutenu un quelconque mouvement de libération nationale, quelque part, dans le tiers-monde ?
Les Etats-Unis sont tristement célèbres pour être un ennemi implacable de tous les mouvements de libération nationale du tiers-monde, y compris les mouvements européens, de la Grèce jusqu’à l’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie, à de rares exceptions près, dont on fait des gorges chaudes, comme la guerre des fondamentalistes afghans contre l’URSS et le soutien américain au principaux alliés terroristes de l’Afrique du Sud en Angola et au Mozambique [l’UNITA et la RENAMO] contre leurs gouvernements anti-colonialistes respectifs.
Pour quelle raison, dès lors, pourrait-on imaginer que les Etats-Unis soutiendraient les mouvements de libération arabes, si le lobby pro-israélien n’existait pas : voilà quelque chose que ces études n’expliquent jamais, et pour cause.
Les Etats-Unis ont eu une politique constante, depuis la Seconde guerre mondiale, consistant à combattre tous les régimes du tiers-monde qui voulaient (et qui veulent) contrôler leurs richesses nationales, qu’il s’agisse de territoires, de pétrole, ou d’autres minéraux précieux.
Ceci est valable, depuis l’Iran de 1953, jusqu’au Guatemala de 1954 et toute l’Amérique latine, jusqu’au Venezuela, de nos jours.
L’Afrique a connu bien pire, depuis quarante ans, ainsi que beaucoup de pays d’Asie.
Pourquoi les Etats-Unis soutiendraient-ils des régimes nationalistes dans le monde arabe, qui nationaliseraient des ressources naturelles et s’opposeraient au pillage de leurs richesses par le capital américain, au cas où le lobby pro-israélien n’existerait pas : voilà qui demeure un mystère non-expliqué par ces études.
Enfin, le gouvernement des Etats-Unis a contré, renversé ou tenté de renverser tous les régimes qui recherchaient une indépendance réelle et tangible dans le tiers-monde, et ils sont particulièrement offusqués par ceux, parmi ces régimes, qui poursuivent des politiques de cette nature au moyen d’élections démocratiques.
Le renversement des régimes depuis Arbenz jusqu’à Goulart en passant par Mossadegh et Allende, et les tentatives actuelles de renverser Chavez sont des exemples bien connus, de même que l’éviction de régimes nationalistes comme ceux de Sukarno et de Nkrumah.
La terreur déchaînée contre des populations qui ont relevé le défi de régimes pro-américains installés par les Etats-Unis, du Salvador et du Nicaragua au Zaïre et au Chili, en passant par l’Indonésie, ont entraîné le massacre de centaines de milliers, voire de millions d’opposants, par des polices et des armées répressives entraînées à cette tâche primordiale par les Etats-Unis.
Cela, en plus d’invasions directes des Etats-Unis dans des pays du sud-est asiatique et d’Amérique centrale, qui ont massacré un nombre inconnu de millions de civils, durant des décennies.
Pourquoi les Etats-Unis et leurs agences gouvernementales de répression cesseraient-ils d’envahir des pays arabes, ou de soutenir les forces de police répressives des régimes dictatoriaux arabes, et pourquoi les Etats-Unis cesseraient-ils d’installer des gouvernements de l’ombre dans leurs ambassades dans les pays arabes afin de gérer les affaires de ces pays (dans certains cas, les gouvernements américains de l’ombre gèrent le pays arabe en question jusque dans les moindres détails, le gouvernement arabe en question étant réduit à exécuter leurs ordres), au cas où le lobby pro-israélien n’existerait pas : voilà une question qui n’est jamais abordée, ni a fortiori explicitée par ces études.
L’argument mis en avant par ces études aurait été plus convaincant si le lobby israélien contraignait le gouvernement des Etats-Unis à mener au Moyen-Orient des politiques qui différeraient du tout au tout des politiques qu’il mène ailleurs dans le monde. Ceci, toutefois, est très éloigné de ce qui se passe réellement. Les politiques des Etats-Unis au Moyen-Orient sont souvent une forme exacerbée de leurs politiques anti-démocratiques et répressives ailleurs dans le monde, mais elles n’en diffèrent qu’en intensité.
On pourrait aisément opposer l’argument que la force du lobby pro-israélien est précisément l’origine de cette exacerbation, mais même cette objection n’est pas totalement persuasive. On pourrait avancer l’argument (c’est d’ailleurs ce que j’ai fait, dans d’autres colonnes) que c’est en réalité, précisément, la centralité d’Israël dans la stratégie états-unienne au Moyen-Orient qui explique, pour partie, la force du lobby pro-israélien, et non pas l’inverse.
De fait, la plupart des études récentes mettent ne lumière le rôle des membres pro-likoud de l’administration Bush (et même de l’administration Clinton), en tant que preuves du pouvoir effrayant du lobby, alors qu’on pourrait aisément arguer du fait que ce sont précisément ces mêmes hommes politiques américains qui avaient poussé le Likoud et le parti travailliste (israélien) à plus d’intransigeance, dans les années 1990 et qui sont en train de les pousser à de nouvelles conquêtes, maintenant qu’ils sont au sommet du pouvoir aux Etats-Unis.
Ceci ne veut pas dire, toutefois, que les dirigeants du lobby pro-israélien ne se vanteraient pas régulièrement de leur influence cruciale sur les services de politique étrangère du Congrès des Etats-Unis et de la Maison Blanche.
C’est ce qu’ils ne cessent de faire, régulièrement, depuis la fin des années 1970. Mais si le lobby est puissant aux Etats-Unis, c’est parce que ses principaux buts avoués sont de promouvoir les intérêts des Etats-Unis et leur soutien à Israël, dans le cadre de son soutien à l’ensemble de la stratégie américaine au Moyen-Orient.
Le lobby pro-israélien joue le même rôle que celui du lobby chinois, dans les années 1950 et du lobby cubain, encore de nos jours.
Le fait qu’il soit beaucoup plus puissant que n’importe quel autre lobby étranger sur la Colline du Capitole atteste de l’importance d’Israël dans la stratégie des Etats-Unis et non pas je ne sais quel pouvoir fantastique dont il disposerait indépendamment et à l’extérieur des "intérêts nationaux" américains.
Le lobby pro-israélien ne pourrait pas vendre son message, il n’aurait pas une telle influence, si Israël était un pays communiste ou anti-impérialiste, ou bien si Israël s’opposait à la politique des Etats-Unis, où que ce soit, ailleurs dans le monde…
D’aucuns auraient tendance à arguer du fait que quand bien même Israël tenterait de placer ses intérêts propres au-dessus de ceux des Etats-Unis, parce que son lobby induirait en erreur les décideurs politiques américains et en détournant leur position d’une position consistant à procéder à une évaluation objective de ce qui est vraiment dans l’intérêt de l’Amérique, et ce qui est vraiment dans l’intérêt d’Israël.
Voici cette argumentation : le soutien des Etats-Unis à Israël est la raison pour laquelle des groupes opposés à Israël en viennent à haïr les Etats-Unis et à les prendre pour cible de leurs attaques.
Cela coûte aussi aux Etats-Unis toute couverture médiatique favorable dans le monde arabe, affecte le potentiel d’investissements américains dans les pays arabes, et lui fait prendre d’importants alliés dans la région, ou tout au moins affaiblit lesdits alliés. Mais rien de tout ceci n’est vrai.
Les Etats-Unis ont pu être le principal soutien et financeur d’Israël, son défenseur le plus inflexible et son fournisseur d’armes tout en maintenant des alliances stratégiques avec la plupart des dictatures arabes (sinon toutes), et notamment avec l’Autorité palestinienne, tant sous la direction de Yasser Arafat que sous celle de Mahmoud Abbas…
De plus, les compagnies et les investissements américains ont la première place dans le monde arabe, tout particulièrement, mais pas exclusivement, dans le secteur pétrolier.
De plus, même sans les efforts pathétiques et inefficaces de la propagande américaine sous la forme de la chaîne de télévision Al-Hurra ou de radio Sawa et du magazine aujourd’hui disparu Hi, pour ne pas parler des journalistes et des journaux stipendiés par les Etats-Unis en Irak et ailleurs, toute une armée de journaux et de chaînes de télévision arabes, pour ne pas parler d’une myriade de télévisions satellitaires, célèbrent les Etats-Unis et leur culture, diffusent des émissions américaines, et tentent de vendre le point de vue américain, aussi efficacement que possible, handicapés qu’ils sont uniquement par les limitations imposées par la politique américaine dans la région au sens commun.
Même l’iconoclaste Al-Jazeera a reculé, afin de complaire au point de vue américain, mais elle est constamment contredite par les politiques américaines réelles dans la région.
Al-Jazeera, qui est en butte à des pressions et des menaces terribles de bombardement émanant des Etats-Unis, a par exemple cessé totalement de désigner les forces américaines d’occupation de l’Irak par l’expression "les forces d’occupation". Elle utilise désormais l’expression : "les forces de la coalition".
De plus, depuis quand les Etats-Unis chercheraient-ils à se livrer à un concours de popularité parmi les peuples du monde ?
Les Arabes n’aiment ni ne haïssent les Etats-Unis plus que les Latino-américains, les Africains, les Asiatiques, voire même – en particulier – les Européens.
Enfin, nous en arrivons à l’argument financier, à savoir que les Etats-Unis donnent des sommes inconsidérées à Israël – coût par trop exorbitant, hors de proportions avec ce que les Etats-Unis reçoivent en retour.
De fait, les Etats-Unis dépensent plus pour leurs bases militaires dans le monde arabe, pour ne pas parler de leurs bases en Europe ou en Asie, qu’ils n’en dépensent pour Israël. Israël a, de fait, été très efficace en matière de services rendus à ses maîtres américains pour un prix modique, qu’il s’agisse de faire passer illégalement aux dictatures d’Amérique centrale, dans les années 1970 et 1980, d’aider des régimes paria comme Taiwan et l’Afrique du Sud de l’apartheid à la même époque, soutenir des groupes pro-américains, y compris fascistes, à l’intérieur du monde arabe afin de saper des régimes arabes nationalistes, du Liban à l’Irak en passant par le Soudan, pour finir par l’aide apportée à des régimes arabes conservateurs et pro-américains quand ils étaient menacés, comme la Jordanie en 1970, ou encore d’attaquer directement des régimes arabes nationalistes, comme l’Egypte et la Syrie en 1967 et l’Irak en 1981, quand Israël détruisit le réacteur nucléaire de recherche de ce pays.
Si les Etats-Unis ont pu renverser Sukarno et Nkrumah, au moyen de coups d’état sanglants, Nasser resta dans ses tranchées, jusqu’à ce qu’Israël finisse par le neutraliser, lors de la guerre de 1967.
C’est grâce à ce signalé service que les Etats-Unis augmentèrent exponentiellement leur soutien à Israël.
De plus, Israël a neutralisé l’OLP, en 1982, ce qui n’était pas rendre un mince service aux régimes arabe et à leur patron américain, qui n’avaient pas été capables de contrôler entièrement cette organisation jusqu’alors.
Aucune des bases militaires américaines pour lesquelles bien plus de milliards de dollars sont dépensés ne pourraient revendiquer un succès aussi éclatant.
Les critiques arguent du fait que, lorsque les Etats-Unis durent intervenir dans le Golfe, ils ne purent pas compter sur Israël pour faire ce boulot en raison du fait que l’inclure dans une telle coalition aurait embarrassé les alliés arabes, d’où le besoin d’une intervention américaine directe et l’inutilité d’Israël en tant qu’allié stratégique.
Même si cela est vrai, les Etats-Unis n’ont pas pu non plus se fier à l’une quelconque de leurs bases militaires et durent lancer les invasions tous seuls, en étant contraints d’acheminer des troupes par bateau, pour ce faire. Les bases militaires dans le Golfe ont apporté un soutien important et nécessaire, mais c’est aussi ce que fit Israël.
L’AIPAC est incontestablement puissant, tant qu’il promeut des politiques qui correspondent aux intérêts américains et sont en consonance avec l’idéologie impériale régnante des Etats-Unis.
Le pouvoir du lobby pro-israélien, tant au Congrès que sur les campus, parmi les responsables des universités ou les décideurs politiques, n’est pas seulement est basé sur ses compétences organisationnelles, ou sur son uniformité idéologique.
Dans une très large mesure, des attitudes antisémites, au Congrès (et encore plus, chez les responsables universitaires) jouent un rôle dans l’exagération du pouvoir du lobby (et de ses ennemis), qui les amène à dépasser la ligne. Mais même si c’était vrai, on pourrait répondre que peu importe le fait que le lobby ait un pouvoir réel ou imaginaire.
Car, aussi longtemps que le Congrès et les décideurs politiques (ainsi que les administrateurs des universités) penseront que tel est bien le cas, ce lobby demeurera efficace et puissant. Bien entendu, je concède ce point.
Qu’est-ce qui aurait pu être différent, par conséquent, dans la politique américaine au Moyen-Orient, si Israël et son puissant lobby n’avaient pas existé ?
La réponse est brève. La voici : ce qui aurait été différent, ce sont les détails et l’intensité de cette politique, mais en aucun cas sa direction, son contenu ni son impact.
Le lobby pro-israélien est-il (effectivement) extrêmement puissant, aux Etats-Unis ?
Etant quelqu’un qui a dû faire face de plein fouet à sa puissance, depuis trois ans, à travers leur formidable influence sur mon université et leurs tentatives de me faire virer, je réponds par un oui retentissant.
Ce lobby est-il le responsable premier des politiques américaines vis-à-vis des Palestiniens et du monde arabe ?
Absolument pas ! Les Etats-Unis font face à une très forte opposition, dans le monde arabe, comme ailleurs, parce qu’ils ont poursuivi et continuent à poursuivre des politiques qui sont opposées aux intérêts de la plupart des gens, dans ces pays, et qui ne bénéficient qu’à leurs propres intérêts et aux régimes minoritaires dans la région, qui servent lesdits intérêts américains, dont Israël.
Sans ces politiques, et sans le lobby pro-israélien qui les soutient, les Etats-Unis peuvent s’attendre à un changement d’attitude à leur égard, chez les Arabes.
Sinon, les Etats-Unis devront poursuivre leur politique, dans la région, politique qui a semé la désolation, et continue à la semer, sur la majorité des Arabes.
Ne vous attendez pas à ce que les peuples arabes aiment les Etats-Unis, en retour !
L’auteur est professeur associé de politique arabe et d’histoire intellectuelle arabe contemporaines à l’Université Columbia. Son dernier ouvrage, The Persistence of the Palestinian Question, a été publié chez Routledge.
Commentaire Jeff Blankfort
Samedi 25 mars 2006
jblankfort@earthlink.net
J’ai envoyé la lettre ci-après à Al-Ahram, en réponse à l’article du professeur Joseph Massad, qui disculpe essentiellement le lobby israélien des accusations portées à son encontre par John Mearsheimer et Steven Walt, dans leur étude publiée par l’Université d’Harvard et la London Review of Books. Jeff Blankfort.
Monsieur le Rédacteur en chef,
Les sionistes américains semblent n’avoir pas de meilleurs amis que certains universitaires palestiniens et d’autres pays arabes aux Etats-Unis, comme le professeur Joseph Massad [article Blaming the Lobby, 23 – 29 mars] [en traduction, ci-dessus], qui s’est précipité afin de détourner le blâme contre le lobby sioniste au sujet de son influence sur la politique moyen-orientale américaine et, ce, au moment même où ce “lobby” est en butte à un examen et à des critiques ô combien trop rares dans les médias consensuels, des professeurs John Mearsheimer et Steven Walt, dans leur article, The Israël Lobby, publié dans la London Review of Books.
Que Massad et ses émules fassent cela alors même que les "agents d’influence" du lobby sont en train d’essayer de censurer le travail de ces deux professeurs et de diffamer leur réputation, voilà qui est d’autant plus troublant.
Massad et les autres ignorent ou sous-estiment totalement l’évidence manifeste, à savoir que le lobby détermine bel et bien, comme l’a écrit l’ancien conseiller au Département d’Etat Stephen Green, dans Taking Side, US and Militant Israël, les paramètres à l’intérieur desquels un président américain peut prendre de quelconques décisions relatives au Moyen-Orient.
Ils ignorent consciencieusement les conflits sérieux qui se sont produits entre le lobby et les administration Carter, Ford et Bush père, qui se conclurent par la victoire du lobby, et ils compliquent le problème en insistant sur le fait que ceux qui accusent le lobby de la guerre en Irak et de la situation en Palestine absoudraient les Etats-Unis de leurs propres responsabilités, comme s’il s’agissait d’une situation du type « soit / soit ».
Le professeur Massad et les autres devraient s’étrangler à l’audition des commentaires du très regretté professeur Edward Said, qui ne mâchait pas ses mots, sur la question.
Dans sa contribution, très judicieusement intitulée "Le dernier tabou de l’Amérique", à l’ouvrage The New Intifada, il écrivait :
“Qu’est-ce qui explique la situation actuelle ? La réponse est à trouver dans le pouvoir des organisations sionistes sur la politique américiaine, organisations dont le rôle, tout au long du “processus de paix”, n’a jamais été suffisamment étudié – négligence absolument stupéfiante, étant donné que la politique de l’OLP a consisté, par essence, a jeter notre destin, en tant que peuple, dans le giron des Etats-Unis, sans la moindre conscience stratégique du degré de contrôle de la politique américaine par une petite minorité dont les opinions sur le Moyen-Orient sont, par certains côtés, plus extrémistes que celles du parti Likoud lui-même” [c’est moi qui souligne, J. Blankfort].
Et, à propos de l’AIPAC , Said écrivait :
“L’AIPAC – American Israël Public Affairs Committee – est, depuis des années, le lobby le plus puissant à Washington, sans ex-equo. Comptant sur une population juive bien organisée, influente, très visible et riche, l’AIPAC inspire une crainte et un respect justifiés dans l’ensemble de l’éventail politique. Qui va se dresser face à ce molosse, pour les beaux yeux des Palestiniens, alors qu’ils n’ont strictement rien à offrir, et alors que l’AIPAC est en mesure de détruire une carrière professionnelle simplement en laissant échapper un carnet de chèques ?
Par le passé, un ou deux membres du Congrès ont effectivement résisté ouvertement à l’AIPAC , mais de très nombreuses commissions d’action politique contrôlées par l’AIPAC veillèrent à ce qu’ils ne soient jamais réélus… Si telle est la situation du législatif, à quoi peut-on s’attendre, de la part de l’exécutif ?”
Les Palestiniens et les Irakiens soumis à l’occupation israélienne et américaine devraient exiger plus de ceux qui, tout en vivant confortablement à l’étranger, parlent en leur nom. Le tabou évoqué par le professeur Said, à l’évidence, ne se limitait pas aux seuls sionistes.
Jeff Blankfort
Ancien rédacteur en chef du Middle East Labor Bulletin
*Traduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft.
Lire le rapport de John Mearsheimer et Stephen Walt : "Le Lobby Israélien"
Source : http://weekly.ahram.org.eg/
Traduction : Marcel Charbonnier*
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Sionisme
Joseph Massad
27 mars 2006