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Gaza - 5 mars 2006
Par Greg Myre
Enveloppés de brouillard, coincés dans une longue file d'attente immobile, plusieurs milliers de travailleurs palestiniens avec des autorisations pour travailler en Israel commençaient à bouillir. Avant de pouvoir passer en Israel, ils doivent passer quotidiennement le contrôle de sécurité, et bon nombre d'entre eux ont ensuite à faire une longue route. L'aller du matin peut prendre quatre heures ou plus, chaque jour de travail – dont la majeure partie est passée sur la ligne de frontière entre Gaza et Israel.
La frustration grandit, jusqu'à ce que les hommes déferlent soudainement sur le malchanceux garde Palestinien et foncent dans le long tunnel parfumé à l'urine en direction du checkpoint israélien. Il était fermé, leur chemin était bloqué par une porte métallique. (Photo d'Erez)
Les ouvriers ont hurlé de colère, avec le sentiment de se faire voler une journée de salaire et en maudissant Israël avant même que le soleil soit levé.
Source constante de friction pour les deux côtés, les passages sont cruciaux pour Gaza, avec sa population de 1,4 millions de personnes entassées dans un secteur qui fait à peine 10 km de large et 40 km de long, bien trop petit pour une auto-suffisance.
La barrière israélienne le long du périmètre de Gaza a trois passages : Erez au nord, pour ceux qui vont et reviennent d'Israël; Karni à l'Est, où transitent les cargaisons; et Rafah au Sud, sur la frontière égyptienne.
Une visite d'une journée a offert à nous trois un aperçu de la façon dont ils luttent pour se débrouiller dans cette période d'incertitude, avec le Hamas, le groupe islamique radical, élu pour diriger l'Autorité Palestinienne et avec Israël qui menace de répondre avec des contrôles de sécurité encore plus renforcés.
Quand Israël s'est retiré du territoire l'été dernier, il l'a fait sans accord sur la façon dont les passages fonctionneraient. En novembre, le Secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, a négocié un accord qui tenait compte des soucis de sécurité israéliens tout en permettant aux Palestiniens et aux marchandises d'entrer et de sortir de Gaza, avec un intérêt particulier pour l'exportation en temps opportun des produits agricoles.
Pourtant, les Palestiniens affrontent toujours de grandes difficultés pour voyager et pour exporter, et les Israéliens travaillant aux passages continuent d'être attaqués.
"Israël comprend qu'il est important de permettre l'entrée et la sortie du plus grand flux possible de personnes et de marchandises de Gaza," dit Mark Regev, le porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères d'Israël. "Mais cet objectif politique doit être mis en balance avec la menace de sécurité très réelle qui existe."
Pendant les jours relativement calmes des années 90, des dizaines de milliers de Gazéens entraient quotidiennement en Israël et les Palestiniens avaient même été autorisés à ouvrir un aéroport dans le Sud de Gaza. Mais après que le soulèvement palestinien ait commencé en 2000, Israël a fermé l'aéroport et a maintenu des restrictions renforcées aux passages.
Actuellement, Israël autorise l'entrée de 5.000 ouvriers par jour, tous par Erez. Les emplois en Israël sont prisés, en dépit de la frustration et des aller-retours épuisants, parce qu'ils sont payés jusqu'à 40 dollars par jour.
C'est bien plus que ce qu'un travailleur peut gagner à Gaza, s'il peut trouver un travail.
Yousef al-Masri, 52 ans, père d'un enfant de 14 ans et mécanicien, se lève à 1 heure du matin et est à Erez une heure plus tard. Il dit qu'il a de la chance s'il arrive au travail – à moins de 65 km, près de Tel Aviv -- vers 8 heures du matin.
Il quitte son travail vers 17h, et rentre habituellement à la maison vers 19h. Il a quelques heures de libre pour voir sa famille, manger, se doucher et dormir. Puis il recommence.
Les fermetures fréquentes d'Erez signifient qu'il ne peut pas souvent le faire. Il dit que son patron forme un mécanicien israélien, pour le remplacer probablement.
"Croyez-moi, s'il y avait du travail à Gaza, nous resterions ici et nous ne retournerions jamais en Israël," dit M. Masri, l'un des hommes refoulés et en colère, coincés à Erez ce jour-là.
La porte métallique s'est finalement ouverte vers 5 heures du matin, et environ 2.400 ouvriers ont pu passer.
Israël a installé des scanners de haute technologie pour inspecter les ouvriers palestiniens qui entrent, de sorte que le personnel de sécurité israélien puisse rester derrière les blocs de béton et des vitres à l'épreuve des balles.
Les Israéliens donnent des instructions par un interphone grésillant, qui a souvent comme conséquence des malentendus.
Le 9 février, les forces de sécurité israéliennes ont abattu deux Palestiniens qui ont attaqué le passage d'Erez avec des armes et les grenades pendant le rush quotidien d'avant l'aube.
C'était la 16ème attaque contre Erez en cinq ans. Douze Israéliens sont morts dans les attaques; bien plus d'attaquants palestiniens ont été tués.
Un terminal bien plus grand est en construction et devrait être prêt cette année. "L'idée est de le faire ressembler à un aéroport ou à un passage de frontières international, mais cela prend du temps," dit Shlomo Dror, un porte-parole du gouvernement israélien qui s'est occupé de ces questions depuis de nombreuses années.
Au passage Karni, quelques heures plus tard, plus de 100 camions palestiniens ont été refoulés.(voir photo du passage Karni)
Le passage était supposé s'ouvrir à 8 heures du matin, et Walid Abu Shouqa, qui est responsable de la sécurité palestinienne à Karni, indique qu'il n'a reçu aucune explication de ses contre-parties israéliennes pour le retard. "J'appelle les Israéliens quand j'arrive chaque matin, mais je ne sais jamais s'ils nous laisseront ouvrir," dit M. Shouqa.
A Karni, le mur en béton de 10 mètres de haut fait 400 mètres de long sur la frontière, avec 30 compartiments de cargaison. Les chauffeurs de camions israéliens reculent leurs véhicules contre le mur et expédient leurs marchandises dans Gaza sur des tapis roulants, sans jamais entrer dans le territoire.
Les Palestiniens font la même chose de leur côté, mais leurs marchandises sont rigoureusement vérifiées, un processus qui prend des heures, pour sn'assurer qu'aucune arme n'est cachée dans les expéditions.
Un bon jour, environ 300 camions israéliens et 50 Palestiniens font transiter leurs marchandises par le mur. Israël est en train d'acheter un équipement pour scanner les containers des camions sans en décharger le contenu, mais il est peu susceptible d'être en service avant la fin de cette année.
Ayman Badwan était le dernier d'une file d'attente de près d'un kilomètre du côté palestinien. Son camion, chargé de huit tonnes de concombres et de poivrons doux, n'a pas bougé en quatre heures. Il calcule son temps d'attente en journées.
"J'ai attendu jusqu'à une semaine," dit M. Badwan. "J'ai de la chance quand je passe dans la journée."
Les Palestiniens ont attaqué Karni à plusieurs occasions, dont une attaque en janvier 2005 qui a tué six citoyens israéliens.
Mi-janvier de cette année, Israël a fermé Karni, en disant qu'il avait appris que des militants palestiniens creusaient un tunnel pour attaquer le terminal.
C'était au beau milieu de la récolte d'hiver à Gaza, quand les Palestiniens exportent normalement des fruits, des légumes et des fleurs vers Israël, l'Europe et les pays Arabes.
Aucun tunnel n'a été trouvé, et Karni a été rouvert début février. D'ici là, les responsables de l'agriculture palestinienne ont déclaré que plus de 1.000 tonnes de produits agricoles, d'une valeur de millions de dollars, avaient pourri.
Le 21 Février, le jour de notre visite des passages, une explosion mystérieuse a touché le secteur près du passage de Karni peu avant sa fermeture.
Personne n'a été blessé, mais Israël a fermé Karni, sans dire quand il le rouvrirait. [il était encore fermé le 3 mars.]
Même à ce niveau limité d'opération, les terminaux de Gaza demandent un contact quotidien entre les responsables de sécurité israéliens et palestiniens.
Mais il n'est pas clair si cette interaction continuera quand le Hamas sera au pouvoir. Israël et le Hamas ont toujours refusé d'avoir des contacts entre eux.
"Ce serait plus facile de gérer ces menaces s'il y avait une bonne coopération de sécurité," a dit M. Regev, le porte-parole israélien. "Mais avec l'élection du Hamas, personne ne sait ce que sera le niveau de coopération de sécurité, ou s'il y en aura."
A l'extrémité Sud de Gaza, le long de la frontière avec l'Egypte, l'atmosphère détendue et le flux permanent de voyageurs palestiniens au terminal de Rafah est en contraste marqué avec les deux autres passages.
Depuis fin novembre, les Palestiniens contrôlent eux-mêmes pour la première fois une frontière et une moyenne de 1.350 Palestiniens vont et reviennent d'Egypte quotidiennement.
"C'est tellement mieux que les autres checkpoints parce que c'est notre checkpoint" indique Naal Kishawi, 46 ans, un homme d'affaires de Gaza qui revient du Caire avec son fils, adolescent, qui a subi une opération pour une blessure à la main.
Rafah avait l'habitude d'être une frontière aussi tendue que les autres frontières de Gaza. Mais les Forces de sécurité Israéliennes sont parties pendant le retrait de Gaza, et la présence israélienne se compose maintenant de 40 caméras fixées au mur réparties autour du terminal.
Israël reçoit les images vidéo dans un centre de surveillance situé à plusieurs kilomètres, à l'extérieur des frontières de Gaza. Israël peut s'opposer au franchissement de la frontière de différents Palestiniens, mais les Palestiniens ont la décision finale.
Dans plusieurs exemples lors desquels Israël s'est opposé au voyage de personnes suspectées d'être des militants, les Palestiniens les ont autorisés à passer.
Les Israéliens sont également préoccupés par la contrebande d'armes.
Mais Julio de La Guardia, un porte-parole des observateurs de l'Union Européenne qui aident les Palestiniens, a déclaré que le seul équipement lié aux armes saisi avait été 20 vues télescopiques pour fusils, et un fusil de chasse.
La contrebande la plus commune est les cigarettes. Les Palestiniens les achètent en Egypte pour moins de 1 dollar le paquet; ils peuvent être revendus à Gaza pour plus du double. Mais il est illégal de rapporter plus de deux cartons.
Naim Zoroub, 44 ans, revenait de son septième voyage en Egypte en trois mois, quand les douaniers ont saisi les cigarettes qu'il avait achetées en Egypte pour environ 100 dollars. M. Zoroub, qui est sans emploi, n'a pas été détenu, mais son nom a été ajouté à une liste croissante de ceux qui ont été pris pour contrebande.
Il a dit qu'il travaillait habituellement en Israël, mais qu'il n'a plus eu la permission d'y aller. Il passait les cigarettes en contrebande pour nourrir sa famille, a-t'il déclaré.
"Maintenant, il est facile de voyager en Egypte," dit M. Zoroub. "Mais nous avons toujours besoin de travail et de nourriture."
Source : http://www.nytimes.com/
Traduction : MG pour ISM
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