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Cisjordanie - 4 avril 2010
Par Khaled Amayreh
Le groupe Fatah soutenu par les Etats-Unis a demandé l’organisation d’élections générales en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza le plus vite possible. La demande ne semble toutefois pas refléter un authentique souci de la démocratie, malgré les apparences. Les fonctionnaires et les apologistes du Fatah prétendent que les élections représentent la seule issue à l’impasse politique actuelle de l’arène palestinienne, dont la scission durable entre le Fatah et le mouvement islamique Hamas. Cependant, en l’absence de garanties solides sur la tenue d’élections vraiment libres, le baratin sur des élections par l’organisation Fatah, ou n’importe quel autre groupe palestinien, n’est que l’expression de la tromperie et de l’hypocrisie.
Abbas fait pression pour de nouvelles élections anticipées : « La communauté internationale n’a pas vraiment apprécié le résultat de nos dernières élections. Donc nous n’avons pas besoin de vos votes, cette fois, frères et sœurs, merci… »
Aujourd’hui, le régime de l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie est plus ou moins un appareil de police étatique. Les droits de l’homme et les libertés civiles sont pratiquement inexistants puisque les agences sécuritaires de l’AP exercent un contrôle absolu sur tous les aspects de la vie. Des gens sont virés de leurs boulots sans cérémonie, au moindre soupçon sur leurs orientations politiques ou idéologiques. Et le système juridique est en état de paralysie chronique à cause des interférences délibérées de l’appareil de sécurité.
Depuis 2007, des centaines d’institutions ont été saisies et les “mauvais” (à orientation islamique) organes de direction ont été limogés et remplacés par des loyalistes du Fatah. Dans de nombreux cas, des enseignants et des fonctionnaires hautement qualifiés ont été limogés, souvent par esprit de vengeance, pour être remplacés par d’autres dont la principale qualification est leur appartenance au Fatah.
Et lorsque les victimes ont fait appel aux tribunaux pour obtenir réparation, on leur a dit que des « raisons de sécurité » justifiaient leur licenciement.
En d’autres termes, il faut chanter toutes les louanges du Fatah et montrer une indéfectible loyauté envers Abbas et sa junte soutenue par les Etats-Unis, ou bien être considéré comme un risque sécuritaire et, par conséquent, être renvoyé de son emploi.
De plus, le nombre de violations des droits humains et juridiques les plus fondamentaux est énorme, au prétexte de la coordination sécuritaire crapuleuse avec Israël. Selon ce régime, tout Palestinien arrêté par Israël est ré-arrêté dès sa relaxe par les agences sécuritaires de l’AP, et vice versa. Même un combattant palestinien de la liberté ou un prisonnier politique emprisonné pendant 10 ou 15 années dans les geôles sionistes est ré-arrêté dès qu’il met le pied dans son village ou sa ville.
Inutile de dire qu’il s’agit de davantage qu’une simple coordination de sécurité avec Israël. Il s’agit purement et simplement d’une trahison puisque ces gens héroïques qui ont passé la fleur de leurs vies dans les geôles sionistes méritent tous nos remerciements et notre gratitude, et non l’arrestation, l’humiliation et l’emprisonnement dans un cachot obscur et humide.
Ces derniers jours et semaines, l’Autorité Palestinienne a permis que des élections estudiantines aient lieu sur plusieurs campus de Cisjordanie . Les élections n’ont cependant rien eu à voir avec de réelles élections. Dans de nombreux cas, avant les élections, des centaines d’étudiants islamiques ont été arrêtés et mis en garde contre toute participation aux élections. Le message était très clair : si vous participez aux élections, vous serez arrêtés deux fois : d’abord par l’AP puis par les Israéliens. Compte tenu de l’atmosphère de police d’Etat, la majeure partie de la population étudiante a soit boycotté les élections, soit déposé un bulletin blanc dans l’urne en signe de protestation contre l’absence évidente de liberté et de justice.
Le même schéma de comportement, l’inquisition anti-Hamas, a prévalu et continue de prévaloir dans toutes les autres institutions de Cisjordanie où des gens sont harcelés et persécutés pour leurs opinions politiques et leur appartenance présumée. On est donc en droit de se demander légitimement comment des élections libres et justes pourraient avoir lieu dans de telles circonstances.
Eh bien, la réponse est claire : il ne peut pas y avoir d’élections dignes de ce nom en Cisjordanie dans les conditions actuelles, quand le gouvernement dirigé par le Fatah considère une partie importante de ces citoyens comme ses ennemis. Comment apprécier autrement les licenciements de masse de gens, dont beaucoup sont obligés de chercher du travail dans les colonies juives pour nourrir leurs familles ?
De plus, de vraies élections nécessitent un environnement sain, exempt de toute intimidation et d’ingérences des agences de sécurité, un préalable totalement absent, en particulier en Cisjordanie .
Autoriser que des élections, locales ou générales, aient lieu dans ce contexte de police d’Etat seraient une grave insulte à l’intelligence du peuple palestinien.
C’est la raison pour laquelle le Hamas et les autres factions palestiniennes qui prônent une réelle démocratie, sont instamment priés de rejeter les exploits du Fatah et les efforts explicites de falsifier la volonté du peuple palestinien en concoctant des élections qui ont peu ou pas de crédibilité, des élections qui donneraient l’impression que la majorité du peuple palestinien a capitulé devant Israël et qu’elle est prête à vendre al-Quds al-Sharif (la Noble Jérusalem) et le droit au retour des réfugiés en échange d’un micro-Etat ridicule sur des parties de Cisjordanie .
Nous savons tous que le Fatah s’et mordu les doigts d’avoir autorisé la tenue d’élections en 2006. Aujourd’hui, le Fatah et l’AP assure leur patron, les Etats-Unis (qui est au garde à vous devant Israël) que le Hamas ne sera pas autorisé à gagner à nouveau.
Ce qui signifie que le Fatah, apparemment avec la bénédiction et le soutien américains et israéliens, utilisera tous les moyens imaginables, y compris les magouilles et le trucage, pour assurer une victoire électorale du Fatah.
Dans ce cas, il serait plus digne et sage que le Hamas et les autres Palestiniens dignes boycottent ces élections déshonorantes puisque y prendre part exacerberait probablement l’atmosphère déjà volatile avec le Fatah et pourrait conduire à une flambée de violence.
Il ne fait aucun doute que le Hamas pourrait se voir soumis à une pression croissante de certains régimes arabes pour qu’il accepte de tenir des élections dans les circonstances actuelles. Eh bien, le Hamas doit résister à ces pressions, provenant en particulier de ces régimes répressifs qui sont hautement disqualifiés pour nous donner des leçons sur les élections et la démocratie.
En dernière analyse, la grande majorité de notre peuple ne trahira pas notre cause durable et sacrée en succombant aux conspirations américano-israéliennes, même si ces conspirations ont un visage palestinien.
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Khaled Amayreh
4 avril 2010