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Liban - 24 juin 2012
Par Ibrahim al-Amin
Ibrahim al-Amin est rédacteur en chef de Al-Akhbar. L'article en anglais, publié le 22 juin, est une traduction de l'édition en arabe.
Quiconque suit les répercussions de la crise syrienne au Liban ne peut ignorer les tentatives d'exploitation des camps de réfugiés palestiniens du pays. Ce qui se passe en Syrie touche profondément les camps, comme le reste du Liban. De plus, la situation politique et sécuritaire à l'intérieur des camps est telle qu'aucune autorité centrale ne peut prétendre les contrôler. Une pléthore de groupes islamistes y sont de plus en plus actifs. Ils ont également reçu un nombre croissant de "combattants arabes" qui sont arrivés dans les camps du Liban, comme ailleurs dans le pays, en lien avec les développements en Syrie.
Le seul langage que connaissent les autorités libanaises pour communiquer avec eux est celui de la sécurité : barrages routiers, sièges, contrôles sécuritaires et une armée d'informateurs déployés dans et autour de chaque camp (Photo: Hassan Bahsoun)
Alors qu'on attend des Palestiniens qu'ils empêchent les camps de s'embraser, et les Libanais sont censés travailler avec eux pour prévenir les tensions qui apparaissent dans leur voisinage, rien ne justifie le nouveau refrain que nous entendons ces jours-ci.
Des groupes politiques et des agences de sécurité, libanaises et non libanaises, instiguent pour que les Palestiniens soient l'objet, une fois de plus, d'un châtiment sanglant.
Au cours des trois dernières décennies, les réfugiés palestiniens sont devenus les souffre-douleurs du Liban. Ce fut le cas après que l'armée ait lancé sa campagne contre eux dans la région de Saida suite à l'exil du Général Michel Aoun - ceux qui étaient au pouvoir à l'époque pensaient que cela apaiserait les Chrétiens déprimés. Ce fut aussi le cas dans la campagne insensée contre Nahr al-Bared il y a quelques années, une attaque militaire abominable lancée sous couvert de pourchasser des terroristes et des criminels.
Dans les deux cas, le résultat fut de soumettre les habitants des camps et de leurs environs à de nouveaux massacres, persécutions et déplacements, et à une humiliation sans fin, au nom de la sécurité et de la loi.
L'Autorité palestinienne n'a jamais soutenu son peuple. Elle a toujours traité les réfugiés des camps comme des sujets de seconde classe, sinon comme de marchandises à acheter et à vendre dans le cadre du jeu politique. Elle essaie régulièrement de les faire tenir tranquilles en distribuant à quelques caïds un peu d''argent qui est aussitôt dépensé en luttes territoriales dans les ruelles déjà ravagées.
Le monde "civilisé", pour sa part, est seulement intéressé par le démantèlement des structures sociales des Palestiniens dans la diaspora comme en Palestine historique.
Quant à la majorité des gouvernements arabes, ils n'ont jamais traité les réfugiés palestiniens que comme une désolation. Ils leur refusent ainsi leurs droits humains et civils à la justice, au droit au retour et à la cause.
En Jordanie, ils sont réprimés en raison de craintes qu'ils soient hantés par une "patrie alternative".
En Syrie - qui s'est distinguée par son traitement humain des réfugiés - les camps sont aujourd'hui sous haute pression, liée à l'examen des comportements obligatoires sur la crise du pays.
En Egypte, la révolution n'a pas changé grand chose en terme de restrictions imposées sur la mobilité palestinienne à l'entrée et à la sortie de la Bande de Gaza.
Et au Liban, leur situation déjà difficile devient chaque jour plus tragique, en l'absence totale des conditions humaines minimales pour vivre une vie normale.
Mais les Palestiniens du Liban souffrent d'un problème supplémentaire. Le seul langage que connaissent les autorités libanaises pour communiquer avec eux est celui de la sécurité : barrages routiers, sièges, contrôles sécuritaires et une armée d'informateurs déployés dans et autour de chaque camp.
Une grande quantité d'informations est fournie par de petits informateurs dont les services sont rémunérés par une carte téléphonique, un bidon d'essence, un permis de port d'armes ou les yeux fermés sur un "sac de quelque chose" qui entre en contrebande dans le camp, dans une voiture. C'est là toute la relation.
Et tout d'un coup, un consensus politique et officiel voit le jour au Liban pour décharger les frustrations sur les Palestiniens.
Les autorités ne peuvent pas arrêter les hommes armés qui bloquent les routes en plein jour dans n'importe quelle partie du pays, alors elles recourent à l'arrestation d'un Palestinien soupçonné de transporter une ceinture explosive. Quand les services compétents n'arrivent pas à appréhender un criminel ou un fugitif, ils décident d'annoncer qu'il a fui dans un camp de réfugiés palestiniens.
Les relations se tendent entre les parties politiques libanais, alors ils décident de ramener les camps sur le devant de la scène. Les Chrétiens du 14 Mars refusent de serrer la main d'un Palestinien, et incitent pourtant le Mouvement du Futur à persuader les Palestiniens de rentrer dans son armée et à les utiliser pour affronter le Hezbollah.
La Syrie voit un risque que les puissances étrangères ne se servent des groupes palestiniens contre elle, alors elle actionne ses propres alliés dans les camps qui poussent les habitants à fuir en prévision d'une nouvelle vague de massacre.
Et pour couronner le tout, après la destruction d'un camp tout entier, celui de Nahr al-Bared, son emplacement en bord de mer est convoité par des détenteurs de biens mal acquis qui prévoient des projets d'investissements touristiques sur le site. Cela apaisera Israël et l'Occident, qui ne veulent pas que les Palestiniens aient accès à la mer, tout en dépossédant l’État d'encore plus de sa propriété littorale. Les habitants des camps seront pendant ce temps maintenus sous siège sur tous les fronts : politique, médiatique, sécuritaire, militaire et économique.
Il y a encore beaucoup de Libanais qui se vendent, ainsi que leur pays, au premier passant venu, et qui vivent pourtant dans le mensonge de "l'étranger" intérieur.
A voir ce racisme répugnant qu'ils se sentent autoriser à vomir, on peut dire que ceux qui réclament le sang palestinien au Liban sont, à tous égards, israéliens.
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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