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ISM France - Archives 2001-2021

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Liban -

Sayyid Hassan Nasrallah : "Une guerre, encore pire, était programmée contre nous, au mois d’octobre" - Partie 2

Par

Déclarations du Secrétaire général du Hezbollah libanais. Propos recueillis par Talal Salman

Quand certaines personnes viennent au Liban et disent : "Nous avons peur de vous ; rassurez-nous !", je tiens à leur répondre : "Et moi aussi, j’ai peur de vous ; rassurez-moi !"
Tout le monde, au Liban, a besoin d’être rassuré ; cela est dû au fait que le Liban était – et qu’il se trouve encore aujourd’hui, bien entendu – sur la faille sismique locale, régionale et mondiale.
C’est le résultat des immixtions étrangères dans nos affaires – en particulier des immixtions américaines et israéliennes.

Sayyid Hassan Nasrallah : 'Une guerre, encore pire, était programmée contre nous, au mois d’octobre' - Partie 2

TS : Les Chiites avaient-ils un projet particulier – à travers le Hezbollah – qui aurait fait qu’on aurait tenté de frapper celui-ci durant le dernier conflit ?

HN : On parle tout le temps de je ne sais quel «projet particulier », et cela n’est pas la réalité. Le projet du Hezbollah a été proclamé ; il est connu. Le Hezbollah a une vision déclarée, sur le plan politique, et nous ne cessons de réitérer notre position : le Hezbollah est sans doute le parti qui s’exprime le plus, à travers des discours, notamment ; c’est un parti qui a une présence médiatique forte, qui exprime ses convictions, ses points de vue ; c’est un parti, aussi, qui a un programme qui a été ouvertement présenté au public à toutes les élections – programme électoral que le parti a immédiatement entrepris, une fois élu, de traduire en programme et réalisations politiques.

Certains nous invitent à nous engager aujourd’hui au sein de l’Etat libanais… à ceux-là, nous disons que nous avons participé aux élections en 1992, alors qu’eux, en revanche, ils les ont boycottées… Nous, nous avons participé aux élections de 1996 ; et eux, ils les ont boycottées…

Mais voilà les mêmes, aujourd’hui, qui font de la surenchère sur nous, et qui nous convient à nous engager dans le projet de l’Etat. Nous n’avons pas de projet particulier et nous disons, quant à nous, de manière très claire – et là, ce n’est pas, vous pouvez me croire, de la langue de bois politique, mais bien un discours intellectuel qui s’appuie sur des fondements philosophiques et religieux, et pas seulement sur un vocabulaire purement politique – que nous nous inscrivons dans la vision religieuse islamique – cette vision unanime chez tous les musulmans – c’est-à-dire dans une vision qui est musulmane, et qui n’est ni (simplement) chiite, ni (purement) sunnite. Nous affirmons que les gens ont besoin d’un imâm [un guide, ndt].

Dans le langage d’aujourd’hui, un imâm, cela veut dire un ordre, une organisation ; cela veut dire un Etat. Aucun groupe humain ne peut vivre sur un territoire déterminé sans Etat, en étant dépourvu de l’identité et du contenu de cet Etat.

Il y a toujours eu, en permanence, une disputation juridico-théologique [niqâsh fiqhiyy] sur le point suivant : quand il y a à trancher entre un régime politique faisant l’objet de beaucoup de critiques et d’objections, d’un côté et, de l’autre côté, l’anarchie et / ou la guerre civile, que doit-on faire ?

Certains considéraient que la chose principale, fondamentale, essentielle [al-’açl], c’était l’existence dudit régime politique [quel qu’il soit], et qu’il fallait à tout prix éviter de tomber dans l’anarchie ; qu’il était préférable d’endurer tous ces aspects négatifs, plutôt que d’encourir le risque de connaître encore bien pire – la guerre civile.

Nous affirmons aujourd’hui que tous les Libanais ont besoin de sérénité, de tranquillité. Quand certaines personnes viennent au Liban et disent : "Nous avons peur de vous ; rassurez-nous !", je tiens à leur répondre : "Et moi aussi, j’ai peur de vous ; rassurez-moi !"
Tout le monde, au Liban, a besoin d’être rassuré ; cela est dû au fait que le Liban était – et qu’il se trouve encore aujourd’hui, bien entendu – sur la faille sismique locale, régionale et mondiale. C’est le résultat des immixtions étrangères dans nos affaires – en particulier des immixtions américaines et israéliennes.



TS : Parlons maintenant, si vous le voulez bien, de vos relations avec l’Arabie saoudite, en particulier depuis la publication, par ce pays, des premiers communiqués évoquant (de votre part) un aventurisme inconsidéré. Quelles sont vos relations avec Riyad ? Y a-t-il des rancunes, une interruption dans les contacts, dans l’échange des points de vue ? Ou bien, au contraire, ce qui s’est passé a-t-il été seulement passager ? Avez-vous repris contact avec les Saoudiens ?

HN : En ce qui concerne les prises de position saoudiennes, au début du conflit, et aussi en ce qui concerne la déclaration émanant du sommet égypto-jordanien, sans oublier l’atmosphère générale de la première réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire, le moins qu’on puisse dire – et je mesure mes propos – c’est que nous étions parfaitement fondés à protester, et qu’ils n’ont aucun droit à être attristés ou à geindre !

Je ne veux pas leur dire quelle évaluation nous faisons de leur position, en particulier en ce qui concerne ce fameux "aventurisme inconsidéré" et les propos du même acabit. Je les renvoie à Monsieur Ehud Olmert soi-même, qui leur expliquera de quelle manière les Israélo-Américains ont utilisé ces déclarations et prises de positions pour justifier leur guerre d’agression contre le Liban.

Même si, bien sûr, comme nous le savons, les Israéliens se sont prévalu de bien pire encore que ces déclarations arabes officiellement proclamées, puisqu’ils ont parlé de contacts que certains gouvernements arabes avaient établis avec eux pour bénir leur guerre contre le Liban et les exhorter à la mener sans relâche et sans faiblir, jusqu’à ce que le "Hezbollah soit liquidé" !

A ce sujet, je dirai que c’est là ce que les Israéliens prétendent ; nous ne sommes absolument pas disposés à les croire sur parole, sur ce point.

Mais, à la lecture des prises de position arabes officielles, proclamées, sur la guerre du Liban et sur la résistance – des déclarations que ces gouvernements ont diffusées officiellement, par la voie diplomatique – je me limiterai à leur dire ceci : que vous l’ayez voulu, ou non, votre de prise de position a servi de couverture à l’ennemi ou, dans le meilleur des cas, elle a représenté un abandon du Liban et de la résistance libanaise – cette résistance dont vous aviez pourtant tous déclaré, en 2000, que vous étiez fiers d’elle, et que vous aviez félicitée pour sa victoire.

Aujourd’hui, nous ne voulons pas nous arrêter trop longtemps sur ce qui s’est passé de fâcheux. Nous en prenons note et nous nous efforçons d’en tirer les leçons.

En ce qui concerne les pays arabes envers lesquels nous avons certains reproches à faire, en raison de leurs prises de position à tout le moins inamicales, nous pensons qu’il est naturel que ces pays s’efforcent, comme nous nous y efforçons de notre côté, de restaurer nos relations dans l’intérêt arabe et islamique, ainsi que dans l’intérêt national de tous les pays concernés.

En ce qui concerne les Frères saoudiens, s’il existe un reproche, il est plus grave ; car nous avions avec eux une relation développée et parce que j’avais rencontré à de multiples reprises l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, le Dr. Abd al-Aziz Khujah, ainsi que des responsables saoudiens de passage à Beyrouth.

Par ailleurs, le roi Abdullah Ibn Abd al-Aziz a eu de bonnes paroles, à plus d’une occasion, tant au sujet du Hezbollah, d’une manière générale et de la résistance qu’à mon égard. Si bien qu’une semaine encore avant le déclenchement de la guerre, on a pu faire état de ses propos selon lesquels Hasan Nasrallah était « son cher fils », « notre héritier sur lequel nous parions… » etc, etc…



TS : Vous avez été invité en Arabie saoudite, par le passé, et on s’est perdu en conjectures quant aux raisons pour lesquelles vous avez décliné cette invitation ?…

HN : C’est exact ; j’ai effectivement été invité à me rendre en visite officielle en Arabie saoudite. Ceci ayant été évoqué par les médias, je vais répondre, à ce sujet.
Quand l’ambassadeur saoudien à Beyrouth m’en a transmis l’invitation, je lui ai dit que je l’acceptais sous l’angle politique et fraternel, que j’en étais honoré, qu’accepter cette invitation ne posait pas de problème politique ; mais que cela posait un problème de sécurité, car [en réalité] je ne pouvais pas me déplacer.

C’est si vrai que je ne me suis pas rendu en pèlerinage à La Mecque depuis 1986. Non que je ne désirerais pas effectuer ce pèlerinage, mais, là encore, pour des raisons de sécurité (tout le monde sait bien, d’ailleurs, que tout musulman, en particulier s’il est pratiquant et religieux, ne désire rien tant que de se rendre en pèlerinage à La Mecque.

Je suis privé de cette bénédiction, et je ne peux pas non plus effectuer le petit pèlerinage [‘umrah], bien que l’invitation m’en ait été faite chaque année : à chaque fois, j’ai dû décliner cette invitation, à mon grand regret, au motif de : la sécurité…]

Enfin, bref : l’important, c’est que nous n’avions aucune réserve d’ordre politique en ce qui concerne cette invitation officielle à nous rendre en Arabie saoudite. Certains responsables saoudiens pensent que ce qui m’aurait incité à en décliner l’offre, cela aurait été des recommandations (plutôt : des mises en garde) iraniennes et syriennes ; ça n’est pas tout à fait exact.

En tous les cas, l’avenir montrera que le mouvement politique le plus indépendant de tous, au Liban, par rapport à tous les axes régionaux et à tous les pays, c’est bien le Hezbollah.

Mais je tiens à rectifier la déduction erronée de certains responsables en Arabie saoudite : je leur dis que lorsque les Iraniens et les Syriens ont eu connaissance de l’invitation saoudienne qui m’avait été adressée, ils m’ont encouragé à l’honorer, me disant que cela permettrait de développer les relations [sic] – contrairement, donc à ce que certains responsables saoudiens veulent bien donner à accroire. La réalité, je le répète, c’est que l’empêchement était purement sécuritaire.

J’ai d’ailleurs informé son Excellence l’ambassadeur saoudien à Beyrouth du fait que je n’étais pas personnellement en mesure de me rendre en Arabie, mais que tout frère appartenant au parti [Hezbollah] et représentant son secrétaire général, soit qu’il appartienne au Conseil de décision [Shûrâ-l-Qarâr], soit qu’il s’agisse du frère ministre Muhammad Fanish, pourrait s’y rendre à ma place et me représenter.

J’ai dit aux Saoudiens qu’ils avaient une liste de ces noms à leur disposition et qu’ils pourraient choisir eux-mêmes le représentant du Hezbollah qu’ils souhaiteraient éventuellement inviter [à ma place], sans que je sois amené moi-même à les mettre dans l’embarras en désignant quelqu’un.

Et que ce représentant du Hezbollah [ayant leur agrément] se rendrait en Arabie, où il me représenterait personnellement, tout en représentant également la direction du parti ; que je le chargerais des questions à examiner au cours de cette visite.

Mais les Saoudiens ne m’ont pas répondu. C’était avant la guerre. Je le répète, par conséquent : les causes [de mon non-déplacement officiel en Arabie saoudite] étaient purement sécuritaires et en aucun cas politiques ; je réaffirme également que nous sommes très attachés à nos relations avec l’Arabie saoudite et que nous souhaitons les développer et les améliorer.



TS : Puis-je déduire de ce que vous venez de nous expliquer que vous aviez véritablement motif à être mécontents ?

HN : Oui. C’est vrai ; cela nous a particulièrement affectés – en plus du reste… Vous marchez avec nous dans la même direction, et voilà qu’en des circonstances particulièrement délicates – critiques, même –, des circonstances dans lesquelles c’est notre destin qui est en jeu, vous venez nous dire ce qui nous a été dit ! ?… Oui ; nous étions fondés à faire certains reproches.

Mais quoi qu’il en soit, aujourd’hui, nous avons des amis communs, au Liban, qui ont œuvré à faire en sorte que nos contacts soient renoués et nous n’avons aucune objection à cela, bien entendu. Bien au contraire : nous avons établi de nombreux contacts ces tout derniers jours et, si Dieu le veut, les choses vont continuer à s’améliorer…



TS : On ne peut pas dire que le Hezbollah ait réservé un accueil délirant, dans la banlieue Sud de Beyrouth, à l’Emir du Qatar ; d’autant qu’on connaît l’importance régionale du Qatar, et aussi ses relations particulièrement influentes ?…

HN : D’une manière générale, nos relations avec l’ensemble de nos frères des pays du Golfe se sont poursuivies, comme par le passé. En ce qui concerne l’Emir du Qatar… Celui-ci est le premier dirigeant arabe à être venu nous rendre visite dans les quartiers Sud de Beyrouth, et c’est là quelque chose de très important, qui nous touche beaucoup.

C’est quelque chose qui a une valeur [symbolique] énorme, à nos yeux. Tout dirigeant arabe qui aura le même geste et viendra nous rendre visite dans la banlieue Sud de Beyrouth, nous l’accueillerons de la même manière. Cela tient à notre devoir d’accueillir dignement nos hôtes et d’exprimer toute notre reconnaissance pour l’honneur qu’ils nous font en venant nous rendre visite et, cela, sans considération aucune pour les appréciations politiques que nous pouvons avoir, par ailleurs.



TS : Pourtant, ça ne semble pas avoir été le cas, avec un dirigeant international aussi éminent que Kofi Annan ?

HN : Je pense que l’image de « parti de fer » que l’on donne du Hezbollah est peut-être exacte en ce qui concerne l’esprit de discipline de la plupart des membres de notre parti. Mais, entre nous et la population de la banlieue Sud de Beyrouth, il n’y a aucune « discipline de fer » !
Oui, c’est vrai : les frères qui ont organisé la visite d’Annan dans les quartiers Sud de Beyrouth ont été surpris par le comportement de certaines personnes envers le secrétaire général de l’Onu et la délégation qui l’accompagnait.

Vous pourrez, en tous les cas, re-visionner les archives vidéo, et vous pourrez vérifier que les personnes agressives qui s’étaient rassemblées là pour attendre le passage de Kofi Annan n’appartenaient pas au Hezbollah. C’était de simples citoyens.



TS : Avez-vous, actuellement, des contacts avec les Egyptiens ?

HN : Nous en aurons peut-être bientôt. Peut-être les relations redeviendront-elles ce qu’elles étaient, comme dans le cas de l’ensemble des relations internationales du Hezbollah… ? Bien sûr, nous n’avons eu aucun entretien bilatéral avec son Excellence l’ambassadeur égyptien Hussein Darrar ; mais il a sans doute [sic] rencontré certains députés du parti [au Parlement libanais] et cela, plus d’une fois.



TS : En ce qui concerne les secours arabes ; sont-ils du niveau que vous escomptiez ?

HN : Avec toute notre gratitude et toute notre considération pour les pays arabes qui ont annoncé qu’ils envoyaient ou enverraient des secours au Liban, ce qui a été annoncé n’est pas à la hauteur de la [légendaire] générosité arabe, et cela ne couvre pas les besoin du Liban, qui sont immenses, en matière de reconstruction.



TS : Peut-on dire que le [très] chiite Hezbollah serait, pour ainsi dire, devenu le parti chef de file des musulmans sunnites dans la bataille contre Israël ? Quelle évaluation faites-vous de l’attitude tant des régimes que des peuples arabes et musulmans par rapport au conflit ?

HN : Bien sûr, j’ai beaucoup lu ou entendu, qu’Untel [que je ne nommerai pas…] ou que le Hezbollah incarnait désormais une avant-garde arabe ou islamique, ou quelque chose dans ce genre… Je tiens à la précision ; or, je n’imagine pas que cette expression soit exacte.

Oui, c’est vrai : le Hezbollah (comme votre serviteur) jouit aujourd’hui d’un grand respect dans les mondes arabe et musulman, ainsi que d’une grande confiance et d’une grande crédibilité. C’est là le fruit de notre tenace résistance [çumûd], de notre victoire, de nos réalisation, et cela tient également au fait que nous affrontions l’ennemi commun de tous les Arabes et de tous les musulmans : Israël.

En ce qui me concerne personnellement, je pense que cela ne va pas plus loin. Quant à l’enthousiasme de certains, et à la tentative de présenter les choses de façon à pouvoir parler d’un rôle de leader du Hezbollah au niveau arabe, d’avant-garde déterminée à diriger le monde arabe et à y provoquer des changements révolutionnaires, c’est très exagéré, et telle n’est pas la réalité…

Soit dit entre parenthèses : cela ne fait qu’augmenter nos problèmes. Le Hezbollah ne se targue nullement de tout diriger, ni au Liban, ni non plus, a fortiori, dans l’ensemble du monde arabe. Personnellement, je ne me la joue pas « grand chef ». Ni au sein du Hezbollah, ni a fortiori au niveau du monde arabe considéré dans son ensemble…



TS : Quelles risquent d’être les répercussions de cet état de fait sur votre volonté de couper court à tout risque de guerre de religion entre chiites et sunnites. L’on sait que vous avez énormément œuvré à ce qu’ils coexistent en bonne intelligence ?

HN : Effectivement, c’est ce qu’il y a de plus important, en ce qui concerne les possibles conséquences redoutables, absolument catastrophiques, de cette guerre. Les points marqués l’emportent grandement sur les sacrifices endurés ; il ne faut donc pas que le rayonnement de ces sacrifices courageusement consentis empêche de voir l’ampleur du succès et de la victoire, qui sont devenus réalité.

Et au premier rang des points acquis, il y a la question des relations chiito-sunnites. En effet, le projet fondamental [des Américano-sionistes, ndt], après l’invasion américaine de l’Irak – et c’est un projet qui continue à menacer ce pays arabe, et à travers lui toute la nation arabe et toute la communauté musulmane mondiale [‘ummah] – ce projet fondamental auquel travaillent d’arrache-pied l’Amérique et Israël, consiste à fomenter une guerre inter-religieuse – une fitnah – impitoyable et destructrice, en semant la dissension entre les (musulmans) sunnites et les (musulmans) chiites.



TS : Passons, si vous le voulez bien, au dossier de la reconstruction du Liban. Le président Siniora [il s’agit du premier ministre, Président du conseil, ndt] explique que le Hezbollah entend que son intervention se limite – c’est du moins ce qu’il dit avoir compris – à assurer une allocation correspondant au montant d’un loyer pendant une durée de dix ans (« seulement ») à ceux dont le logement a été détruit (ainsi qu’à l’achat de mobilier), et que ceci signifierait que vous seriez revenu sur votre engagement initial de vous charger de la reconstruction intégrale ? La déduction de M. Siniora est-elle exacte ?

HN : Jamais de la vie ! En aucun cas ! C’est totalement faux ! Dès le premier jour du cessez-le-feu, ainsi que le lundi suivant, lors d’une interview télédiffusée par New TV, en présence de M. Siniora, j’ai personnellement indiqué – et je le répète ici – que nous restons fidèles à notre engagement. Nous avons fait une promesse aux sinistrés, et nous n’avons en aucun cas cessé d’y être fidèles.

Cette promesse, c’est que les sinistrés retrouveront leur maison et leurs biens tels qu’ils étaient, et même mieux que ce qu’ils étaient. Nous parlons donc bien ici d’une véritable reconstruction.

Nous avons annoncé publiquement cet engagement. Après cette annonce, nous avons indiqué qu’il y aurait plusieurs étapes successives. La première de ces étapes – l’étape en cours – nous l’avons appelée ‘l’étape de fourniture de solutions alternatives provisoires’ – concerne les personnes qui ont tout perdu : leur domicile et leurs meubles. C’est ce que nous avons décidé, en ce qui concerne les maisons et immeubles totalement détruits ou inhabitables, et c’est ce qui a été effectivement réalisé.

Le principal problème auquel nous sommes confrontés, c’est naturellement la reconstruction intégrale des logements totalement détruits [par les bombardements israéliens]. Nous sommes engagés par nos annonces, et nous assurons…

Et puis voilà que l’Etat vient nous dire que cette tâche relève de ses prérogatives ; et je ne nie nullement que cela soit bien le cas. Voici ce qui s’est passé, en réalité – et c’est ce que j’ai expliqué au cours de ma dernière interview télévisée – : ce n’est pas nous, qui nous serions adressés au premier ministre Siniora, pour lui dire que nous aurions été incapables de reconstruire les immeubles totalement détruits. Cela n’a absolument pas eu lieu. Nous n’avons jamais dit à Siniora que nous avions besoin de son aide !

C’est lui qui a pris l’initiative – ce dont nous le remercions – de demander à nous rencontrer afin de discuter de ce que nous allions faire au sujet de la reconstruction afin, nous a-t-il dit, « que je puisse [c’est Siniora qui parle, ndt] savoir, en tant que gouvernement, ce que je serai en mesure de proposer et de faire, en contrepartie.

Quand un pays viendra, dans le cadre de protocoles (qui seront officiellement décidés de manière bilatérale), se charger de reconstruire [à ses frais, ndt] les immeubles détruits [dans tel ou tel quartier, ndt], ma mission s’achèvera là [car elle aura été en grande partie remplie].

Y a-t-il d’autres domaines dans lesquels je puisse aider les propriétaires des immeubles [ainsi] reconstruits [grâce à l’aide internationale, ndt] ? Je suis naturellement à leur service. »

Quand le gouvernement vient proposer 50 millions de livres libanaises pour reconstruire une unité d’habitation, que disons-nous ? Nous disons que, par principe, la famille dont on reconstruira l’habitation, au cas où la somme offerte par l’Etat suffit, cette habitation sera reconstruite grâce à l’aide gouvernementale.

Et, dans le cas où l’allocation gouvernementale ne suffit pas, nous nous sommes engagés à apporter à la famille concernée le supplément nécessaire pour reconstruire tout ce qui a été démoli, afin de remettre l’habitation dans son état préalable. C’est là un engagement absolu, sur lequel il est hors de question que nous revenions.



TS : Pendant le conflit, comment s’établissaient les contacts entre les trois Présidents et tous les autres états majors politiques ?

HN : En ce qui concerne le Président [de la République libanaise], M. Emile Lahoud, nous étions en relations constantes, grâce à un intermédiaire. En ce qui concerne le Président [du Parlement] Nabih Berri, j’ai déjà indiqué au début de cet entretien qu’il existait entre nous une coopération, une compréhension et une coordination, ainsi que des liaisons téléphoniques qui nous permirent de rester contact vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Avec le Président [du conseil des ministres], M. Fouad Siniora, nous avons eu plusieurs modalités de contact ou de dialogue ; soit par l’intermédiaire des ministres appartenant au parti Hezbollah, au sein du conseil des ministres et aussi, parfois, nous avons eu des contacts directs avec le Premier ministre ou avec son conseiller politique, le frère hajji [= ayant effectué le pèlerinage à la Mecque, ndt] Hussaïn Khali. Mais ce sur quoi nous nous mettions d’accord, en fin de compte, c’était sur la question de savoir la part de reconstruction qui serait réalisée par le canal de son Excellence le Président [du Parlement] Nabih Berri, sachant que c’était lui qui était chargé de l’administration politique de la guerre.

Nous avons toujours été assis ensemble autour de la table du conseil des ministres, ou bien nous nous sommes parlé dans les coulisses, entretenant ainsi un dialogue permanent avec le Premier ministre.

Et nous avons veillé, pendant toute la durée de la guerre, à ce que le gouvernement paraisse [et soit réellement] uni, fort, cohérent, en dépit que nous consignions nos réserves, nos observations et nos oppositions sur certains points ou sur certaines prises de position.

Cela fut le cas notamment lors de la discussion des sept points [en vue d’un cessez-le-feu, ndt] : d’autres que nous ont admis les sept points à titre de principes généraux, les détails nécessitant des débats [au Parlement] et une prise de décision ultérieure en conseil des ministres.

Ainsi, quand la discussion de la résolution [de l’Onu] 1701 a été mise à l’ordre du jour – et alors que nous avions de sérieux points de désaccord sur certains chapitres de cette résolution (j’ai déclaré que je la considérais inique et partiale, et nos réserves à son sujet sont sérieuses, mais) – nous avons, là encore, veillé à l’unité de la position gouvernementale et nationale et nous avons dit que cette résolution avait été entérinée à l’unanimité, [mais] avec certaines réserves.



TS : Quid de vos relations avec Walid Jumblat ?

HN : Pendant la guerre, nous n’avons pas eu de contact direct avec Monsieur le Député Walid Junblat.
Comme vous le savez sans doute, depuis la crise des communiqués et des prises de position précédentes, il n’y avait plus de contacts réciproques entre lui et moi ; nous nous rencontrions seulement dans le cadre des tables rondes du débat national. Mais, en-dehors de ces séances, il n’existait aucun contact entre nous, et cette situation a prévalu durant toute la durée des trente-cinq jours du conflit.

Les premiers jours de la guerre, il a pris certaines positions positives.
J’ai personnellement demandé au frère Nawwâf al-Mûsâwî d’entrer en contact avec le ministre [druze, ndt] de l’Information, le frère Ghâzî al-Uraïdhi, afin qu’il transmette au ministre Junblat nos remerciements pour les positions qu’il avait alors adoptées et exprimées. Mais jusqu’ici, les choses ne sont pas allées jusqu’à la restauration des relations normales qui existaient entre nous jusqu’à il y a, de cela, environ, un an…



TS : Y a-t-il actuellement des tentatives de renouer ce contact ?

HN : En ce qui nous concerne, nous n’avons jamais fermé la porte du dialogue. Je vous dis, en toute sincérité, que, tant d’une manière médiatisée que non-médiatisée, c’est-à-dire, y compris, dans les coulisses, lorsqu’on nous proposait, parfois (souvent à l’initiative d’amis communs) de reprendre ces contacts et cette relation, nous n’avons jamais formulé la moindre objection.

Et, un jour, je l’ai dit, lors d’une interview à la télévision. Et j’ai ajouté que ce n’était fondamentalement pas nous qui avions coupé les ponts avec Junblat, en dépit de la position très ferme que nous avions publiée en réplique à la manière dont il venait de qualifier l’armement de la résistance.

Nous avions répondu quant à nous que nous ne souhaitions boycotter personne. Notre politique n’est pas de boycotter qui que ce soit au Liban, même si nous avons pu avoir de très importantes divergences politiques avec lui, ajoutant que nous étions prêts à rétablir le contact et à dialoguer.

Monsieur Walid Junblat nous a fait répondre qu’il n’accepterait de nous rencontrer que dans le seul cadre du conseil des ministres… C’est donc clair : nous n’avons, pour ce qui nous concerne, jamais cherché à ostraciser quiconque, et en particulier par M. Junblat.



TS : Vous avez été accusé d’ouvrir la porte, en revanche, aux tiraillements politiques internes lors du débat sur un gouvernement d’union nationale, en liaison avec l’application des accords de Taëf ?…

HN : En vérité, je n’avais nullement l’intention d’ouvrir une quelconque controverse politique interne… J’ai répondu à certaines questions posées par le ministre Walid Junblat au cours d’une conférence de presse qu’il avait organisée.

J’ai considéré qu’en grande partie, ces questions étaient dépassées, qu’elles appartenaient au passé, qu’il y avait reçu des réponses, soit directement de ma part, soit autour de la table ronde du débat national.

Mais la question centrale que Junblat a posée, c’est une question clé, si je puis m’exprimer ainsi. Une question clé, en ce sens que cette question en ouvre beaucoup d’autres. C’est une question relative à l’accord de Taëf, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.

Et si vous voulez mettre sérieusement en application les accords de Taëf, alors, d’accord : commençons par considérer que le premier point, le point essentiel, qui conditionne la mise en application effective de Taëf, c’est la formation d’un gouvernement d’union nationale, comme cela est stipulé expressément dans le texte de cet accord lui-même…



TS : … mais eux, ils ont répondu en disant que cela ne s’imposait qu’au premier gouvernement libanais formé après la signature de Taëf, n’est-ce pas… ?

HN : Exactement ! Jusqu’à présent, ils disaient (je parle ici de la majorité des Forces du 14 mars [la « Révolution du Cèdre » hi-hi-hi… ndt]) deux choses : primo, le gouvernement d’union et de concorde nationales stipulé par l’accord de Taëf n’a jamais existé, tout au long des seize années écoulées depuis la signature dudit accord, et ils attribuent cet état de fait à la période de la "tutelle syrienne" sur le Liban, comme ils disent ; et, secundo, que la plupart des attendus des accords de Taëf n’ont jamais été appliqués jusqu’à présent.

Alors ? N’est-ce pas génial, si nous, nous disons que ce gouvernement n’a pas été formé et que l’accord n’a pas été mis en application dans la plupart de ses articles et que c’est précisément ce que nous voulons faire, et tout de suite ? ! ?

Le préalable naturel, comme le prévoit l’accord de Taëf, pour mettre en application ce qui ne l’a pas été, c’est la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ce n’est là en rien une hérésie politique ; c’est, au contraire, une volonté de croire en notre pays et de veiller politiquement à sa sauvegarde !

Permettez-moi (pour conclure) de réaffirmer que ce qui a mis fin à la guerre, c’est le fait que les Israéliens redoutaient de s’acheminer vers une catastrophe militaire au cas où ils auraient poursuivi leur offensive terrestre ; c’est le fait que l’horizon se soit refermé devant eux et qu’ils n’ont connu qu’échec après échec après échec…

Le Liban doit s’apprêter aujourd’hui à faire face à de grands défis, à des défis redoutables, lourds de dangers. Alors, dites-moi : si nous entreprenons d’augmenter la force de notre pays et son inviolabilité, en procédant à la formation d’un gouvernement d’union nationale : nous sommes perdants, ou bien nous sommes gagnants ?

Si un gouvernement réussit à réaliser certaines avancées, cela signifie-t-il qu’il faille se priver de la possibilité de renforcer notre pays politiquement, en faisant participer [au gouvernement] ceux qui en avaient été exclus à un moment donné ?

Si les possibilités de former un gouvernement d’union nationale sont réunies, permettant de faire face aux défis énormes à venir prochainement, pour le Liban, qu’est-ce qui nous empêche de le faire ?

La logique que je viens d’exposer est une logique de raison et de prudence. Ce n’est en aucun cas une logique de rouerie politique, car cela n’est absolument pas dans ma manière de raisonner.

J’ai dit : "Vous voulez appliquer l’accord de Taëf et bâtir l’Etat libanais ? Le préalable naturel, pour ce faire, c’est la formation d’un gouvernement d’union nationale…
Bien. Alors : allons-y ! Formons ce gouvernement d’union nationale, et ne perdons pas notre temps à répliquer à ce verbiage politico-juridico-constitutionnel unanimiste, qui tient tellement à son discours du type : "Cousez, mais pas avec cette alêne !"…"


D’ailleurs, pourriez-vous avoir l’amabilité de me dire quelle autre alêne ils souhaiteraient nous voir employer ?


Lire la 1ère partie



Traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner sources et auteurs.

Source : in Al-Safir, Beyrouth

Traduction : Marcel Charbonnier

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