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Libye - 27 février 2011
Par Annie Lacroix-Riz
Annie Lacroix-Riz est historienne et professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris VII - Denis Diderot.
L’appel auquel il est fait référence (1) ne nous enjoint pas seulement de soutenir le peuple libyen contre la répression : il ouvre sur la légitimation d’une intervention étrangère en Libye. Il convient de savoir où nous allons dans ce soutien du combat des Libyens contre le régime de Kadhafi. S'agit-il de soutenir un peuple contre un régime dont les profiteurs se sont approprié l’essentiel du produit national ? On pourra d'ailleurs observer que l’importance du prélèvement s’est nettement accrue depuis que le régime libyen a donné aux impérialismes « occidentaux » des gages qui ont amené ceux-ci à décréter Kadhafi, jusqu'alors voué aux gémonies, « respectable ».
S'agit-il seulement de soutenir le peuple libyen contre ces profiteurs qui pratiquent aujourd'hui la répression ‑ répression sur laquelle nous sommes d'ailleurs très diversement informés : « la chaîne de télévision Al Jazeera a fait état du bombardement par l'armée des populations de Tripoli et Bengazi (d'où sont partis les troubles le 15 février), alors que le gouvernement a évoqué le bombardement de dépôts d'armes » (Atlas alternatif, 22 février 2011). Sommes-nous absolument sûrs que c’est Tripoli qui ment, comme on nous l’a certifié pour Milosevic, Saddam Hussein et alii ?
S'agit-il, au motif que les Etats-Unis, l’Union européenne et l’OTAN ont déclaré la croisade contre le régime libyen, de couvrir une intervention militaire ayant toutes les caractéristiques de la politique de la canonnière qui a été appliquée ‑‑ sous divers prétextes, tous couverts du manteau de la défense de la démocratie contre les rouges, les terroristes, les islamistes, etc. ‑‑ aux Balkans, à l’Irak, à l’Afghanistan, etc. Si je ne me trompe, l’OTAN n’a pas prôné d’intervention en Tunisie et en Egypte, dont les impérialismes étrangers contrôlent encore les gouvernements en place, mais il s’agite fébrilement contre la Libye.
On nous a honteusement dupés sur toutes les circonstances de lancement des croisades contre les Serbes, contre Saddam Hussein, contre les islamistes d’Al Qaïda (groupement dont tel ancien responsable des Renseignements généraux, comme nombre de personnalités étrangères, dément jusqu'à l’existence) ? Je rappelle à tous les camarades sous quels divers nobles prétextes s’est mise en place l’intervention militaire contre la Yougoslavie (pas contre les Serbes seuls, malgré les apparences, contre l’existence de la Yougoslavie, seule digue qui résistait encore, dans cette zone, aux impérialismes américain et allemand rivaux), contre l’Irak, contre l’Afghanistan, et le bilan qu’on peut en dresser après près de vingt ans de nouvelles guerres coloniales et de démembrements territoriaux.
La défense des populations victimes de répression s’impose aux syndicats et à tout mouvement démocratique. Mais assurément pas le soutien à l’application, par les impérialismes « occidentaux » de « la technique d’une guerre civile extérieure » ‑‑ expression utilisée par un homme politique français à l'époque où les impérialismes italien et allemand appliquaient ladite formule à l’Espagne républicaine, depuis juillet 1936, avec le soutien passif et actif des impérialismes, tous réunis, des démocraties.
Le Snesup n'est pas l’organe de BHL ni des va-t-en-guerre, il ne saurait se transformer en instrument du « devoir d’ingérence » ‑‑ nouveau synonyme du colonialisme pur et dur ‑‑ prescrit par un récent ministre des Affaires étrangères. Il ne saurait prendre la responsabilité du soutien à une nouvelle guerre pour le contrôle américain ou « occidental » du pétrole, comme la chose a été faite contre l’Irak, désormais revenu à l’âge de pierre. Il faut se méfier d’un consensus suspect et bien lire les textes de pétition.
(1) Pétition "Libye : stoppez la répression", sur Avaaz.org.
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