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Syrie - 11 août 2012
Par As'ad AbuKhalil
La performance des médias occidentaux (américains, britanniques, français et autres) sur le conflit syrien est tout à fait honteuse. On n'attend pas grand chose des médias américains. Des éditorialistes et des correspondants étrangers mal informés et la lâcheté politique en ont fait des outils de la politique étrangère des Etats-Unis. C'est particulièrement vrai quand il s'agit de la couverture du Moyen Orient, où un supplément de courage politique et un niveau singulier de connaissance et d'expertise sont plutôt rares, bien que ce soit des éléments essentiels pour contester la politique étrangère US. Mais au sujet de la Syrie, les médias britanniques - y compris le libéral Guardian qui a souvent courageusement dénoncé les politiques étrangères et les guerres de l'occident - sont sur la même ligne que les médias américains.
Ces médias ont floué leurs lecteurs à maints niveaux. Leurs manquements peuvent être résumés comme suit :
1. Avoir recours à des méthodes de documentation qui ne sont jamais acceptées pour la couverture du "conflit arabo-isaélien", comme s'appuyer sur des témoignages, par Skype et par email, de gens dont les noms ne sont pas obtenus par un processus aléatoire, et la dépendance aux agences de presse saoudiennes et quataris.
2. Se cacher derrière le cliché que "le gouvernement syrien n'autorise pas les journalistes à entrer" pour justifier les florilèges variés d'erreurs contenues dans les articles. De nombreux journalistes ont soit été autorisés à entrer ou se sont arrangés pour entrer en douce ; l'exonération générale de responsabilité utilisée quotidiennement dans le New York Times est donc inexacte et induit les lecteurs en erreur. Une telle exonération n'est jamais utilisée contre Israël, qui impose des formes strictes de censure aux reportages sur Israël, en particulier quand il perpètre ses crimes de guerre et massacres habituels.
3. Le recours aux comptes-rendus de l'opposition syrienne en exil sans aucun examen ni scepticisme sain.
4. L'hypothèse que les organes médiatiques financés par les Saoudiens ou par les Qataris ne véhiculent pas les programmes de ces gouvernements.
5. Obscurcir exprès le rôle lourd des Frères musulmans dans l'opposition syrienne en exil dans le but de projeter l'image trompeuse d'une opposition laïque.
6. Le rôle que la plupart des journalistes et correspondants occidentaux ont joué sur Twitter pour mener la claque de l'Armée syrienne libre et l'opposition syrienne en exil. La prétention à l'objectivité est abandonnée.
7. Le recours constant (en particulier dans la presse états-unienne) à des "experts" de l'Institut sioniste de Washington pour la politique du Proche-Orient comme s'il n'avait pas de programme de lobby idéologique. La référence à cet Institut n'informe les lecteurs que sur son orientation politique - et c'est un euphémisme.
8. La distorsion délibérée et la fausse représentation d'un camp dans le conflit.
9. L'insistance à affirmer que Bashar al-Assad n'a pas de base de pouvoir en Syrie - en dehors de la communauté alaouite - quand l'endurance montrée par le régime requiert davantage que le recours à la force brutale, pour laquelle le régime est bien connu.
10. L'écart entre la couverture passée de la Syrie, qui a négligé les violations des droits de l'homme par le régime Assad pendant ses années d'entente avec les gouvernements occidentaux et la soudaine découverte de la brutalité du régime.
11. L'obsession des préoccupations israéliennes : les médias couvrent effrontément l'histoire de provenance israélienne sur des armes chimiques syriennes sans jamais mentionner l'énorme arsenal israélien d'armes de destruction massive.
12. Le manque de vérification des informations publiées.
13. Brouiller les lignes entre la politique éditoriale et les articles - ceci a été vrai même dans The Economist - un des meilleurs échantillons du journaliste moderne.
14. Couvrir l'histoire de la Syrie depuis d'autres capitales, à commencer par Beyrouth, où les journalistes sont largement dépendants des services, suggestions et même instructions du bureau de presse Hariri (l'ancien chef du bureau de CNN travaille maintenant pour la famille Hariri).
15. La peur de s'inscrire en faux vis-à-vis des hypothèses et orientations de la politique occidentale.
16. L'absence d'ironie dans les articles sur le soutien qatari et saoudien à la lutte démocratique en Syrie.
17. Couvrir les crimes de guerre et autres méfaits de l'Armée syrienne libre.
18. La réticence à écrire sur les combattants jihadistes étrangers en Syrie jusqu'à ce que le gouvernement US admettent leur présence.
19. La tendance à reprendre les mêmes informations.
20. L'absence d'hésitation à rapporter les mensonges et les fabrications tant qu'ils servent la cause des gouvernements occidentaux et tant qu'ils nuisent à la cause du régime syrien ennemi.
21. Le mépris pour le contexte politique de certains des opposants de dernière minute au régime syrien. Les médias occidentaux n'ont toujours pas écrit sur ces personnalités qui furent des partisans du régime syrien et qui ont prétendu qu'ils étaient des opposants au régime lorsque c'est devenu politiquement et financièrement opportun.
22. Le recours à des journalistes qui ne connaissent pas l'arabe et ne connaissent pas la région continue. Le New York Times continue d'envoyer des reporters qui ont couvert la politique américaine ou les rondes de la police à NYC pour couvrir la région du Moyen Orient.
Personne n'a à rendre compte et il est peu vraisemblable qu'un livre sorte sur les manquements et les échecs des médias occidentaux, qui ont également commercialisé l'histoire de la Libye et qui n'ont jamais eu à rendre compte des mensonges qu'ils ont colportés à son sujet.
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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As\'ad AbuKhalil
11 août 2012