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Israël - 18 février 2006
Par Tom Segev
Quelque part dans les clauses de la nouvelle loi pour la prévention de réunification des familles se cache l'intention d'expulser des milliers d'enfants de Jérusalem-Est quand ils atteignent l'âge de 18 ans. Amal Abu Jawila a déjà 16 ans : elle a deux ans pour partir.
Sa mère, Mirfat Abu Jawila, originaire de Jérusalem s'est mariée à un résidant de Ramallah en 1988.
Quatre de leurs enfants sont nés à Ramallah : trois fils et une fille, Amal; trois autres filles sont nées à Jérusalem. Officiellement, Amal est une résidante illégale.
C'est une histoire très compliquée, en apparence tout un ensemble d'imbroglio juridique et administratif, mais son essence humaine et politique est très simple: Près de 40 ans après qu'Israël ait conquis et annexé Jérusalem-Est, elle montre des signes clairs de remors. La philosophie nationale est toujours sacrée "l'unité éternelle de Jérusalem," mais, malheureusement, Jérusalem est plein des Arabes.
Pour réduire leur nombre, le gouvernement a proposé une loi pour empêcher la réunification des familles, une loi qui menace de mener à l'expulsion des milliers d'enfants palestiniens de Jérusalem, un transfert bureaucratique dans l'esprit d'Avigdor Lieberman.
Quatre des sept enfants de Mirfat Abu Jawila devraient être expulsés; la Cour Suprême tiendra une audience sur la loi la semaine prochaine.
L'objectif principal de la loi, qui a été en travaux au cours des trois dernières années, est de limiter sérieusement la capacité des citoyens palestiniens à obtenir la citoyenneté israélienne par le mariage avec des citoyens israéliens.
Beaucoup a été déjà dit et écrit au sujet de cette loi.
Maintenant il est évident qu'il y a également caché quelque part dans ses articles et sous-articles la possibilité d'empêcher des milliers d'enfants qui sont des résidants de Jérusalem de rester en Israël quand ils auront 18 ans; évidemment, ils devront partir vers le territoire de l'Autorité Palestinienne.
Certains sont nés à Jérusalem. Leur centre de vie est à Jérusalem. C'est là où vivent leurs parents.
Il y a des gens, des résidants de Jérusalem, qui ont vécu pendant un certain temps avec leurs parents en Cisjordanie , habituellement juste après le mariage - une femme avec les parents de son mari ou vice versa, et quand les enfants sont nés, ils les ont enregistrés là , en supposant qu'Israël les reconnaitraient également comme résidants de Jérusalem.
Jusqu'il y a trois ans, l'Etat acceptait d'enregistrer les enfants dont un des deux parents était résidant de Jérusalem, même si les enfants naissaient dans les territoires.
Cependant, le bureau du Ministère de l'Intérieur de Jérusalem-Est ne fournissait pas un service sérieux : Les gens étaient forcés de faire la queue des jours entiers, sous le soleil et la pluie, dans des conditions difficilement supportables, et ceux qui finalement réussissaient à voir un employé étaient habituellement renvoyés pour apporter des documents supplémentaires et devaient alors reprendre la queue de la file d'attente.
Beaucoup de gens ont donc préféré enregistrer leurs enfants dans les territoires.
L'enregistrement des enfants qui étaient nés dans les territoires, ou qui avaient l'un des deux parents qui n'était pas un résidant de Jérusalem, rentrait dans le processus de la "réunification des familles." Dans l'esprit de la nouvelle loi, ce processus a cessé.
Depuis la fin de l'année dernière, les enfants de moins de 14 ans peuvent habiter à Jérusalem avec leurs parents sur la base d'autorisations provisoires qui leur donnent droit à une allocation de l'Institut d'Assurance Nationale et à une assurance de Sécurité Sociale.
Les enfants âgés entre 14 et 18 ans peuvent résider en Israël sur la base d'autorisations militaires, sans privilèges sociaux. Et ce n'est pas un processus automatique: Il est sujet à l'approbation du Shin Bet.
Une affirmation que quelqu'un qui est lié à la famille - un frère, un beau-frère, un oncle ou autre - pourrait nuire dans le futur à la sécurité nationale peut priver l'enfant du droit de résider à Jérusalem. Une ville entière, y compris chaque enfant, est ainsi suspecté de terrorisme.
Naturellement, ceux qui sont visés ne sont pas autorisés à recevoir des informations détaillées sur la substance des affirmations que le Shin Bet soulève contre eux, et ils n'ont donc aucune base leur permettant de faire appel.
Sans transparence et contrêle, ils n'ont aucun recours et doivent espérer que personne au Shin Bet exploite son autorité illimitée dans le but de chantage, de corruption et ainsi de suite. Quoi qu'il arrive, il n'y a aucune possibilité légale de prolonger les autorisations de résidence et ainsi, à l'âge de 18 ans, les enfants dirent au revoir à leurs parents et partir.
Bientêt, ce sera au tour d'Amal Abu Jawila; elle a déjà 16 ans.
Sa mère, Mirfat Abu Jawila, originaire de Jérusalem et résidante de la ville qui travaille comme aide-soignante pour les personnes âgées, s'est mariée à un résidant de Ramallah en 1988, qui est actuellement ouvrier d'entretien dans une maternité. Quatre de leurs enfants sont nés à Ramallah : trois fils et une fille, Amal; trois autres filles sont nées à Jérusalem. Officiellement, Amal est une résidante illégale.
Quand elle a essayé d'accompagner sa mère pour faire des achats à l'extérieur du quartier ou dans une visite de famille, elle a été détenue par des soldats pendant un long moment. Ils lui ont dit de retourner à la maison et ont également menacé de l'expulser.
Son frère Kamal, 15 ans, ne pourra pas se joindre à ses copains dans leur voyage de fin d'année parce qu'il n'a pas d'autorisation de résidence. Dans trois ans, il devra, aussi, quitter le domicile de ses parents et partir dans les territoires.
En attendant, ces quatre enfants ne donnent pas droit à leurs parents de toucher une allocation et ils n'ont pas d'assurance de Sécurité Sociale. C'est un des objectifs de la loi.
La possibilité d'expulser des milliers d'enfants de Jérusalem a reçu l'approbation de la Knesset; elle a été justifiée par la nécessité de se protéger contre le terrorisme.
La réponse de l'Etat aux pétitions qui seront déposées pour une audience la semaine prochaine devant la Cour Suprême est également basée exclusivement sur les besoins de sécurité.
Mais l'avocat Adi Lustigman, qui représente Moked, le Centre pour la Défense des Individus, a obtenu une présentation par ordinateur que des gens de l'Administration de la Population ont montré aux ministres du gouvernement avant qu'ils décident de la loi.
La nécessité de défendre l'Etat contre le terrorisme était seulement une justification.
Les représentants de l'Administration de la Population parlaient également de l'argent et du danger que les Arabes multiplieraient.
"Combien nous coûtent seulement les allocations familiales?" (phrase dans l'original) peut-on lire sur une page de la présentation que les Ministres ont vue.
Et une autre indique : "Six enfants ont été enregistrés en tant que citoyens dont la mère, à qui la citoyenneté a été octroyée, a continué à résider dans les territoires après l'acquisition de ce statut. Le résultat est qu'elle perçoit 92.000 NIS d'allocations et a un fils de citoyenneté israélienne qui s'est fait exploser dans le restaurant Matza à Haïfa."
La présentation a alerté les ministres "d'un danger immédiat et concret" - non seulement du terrorisme, mais du danger qu'Israël pourrait perdre son caractère d'Etat "Juif et démocratique".
Plusieurs pages de la présentation avaient des titres drêles censés clairement amuser les ministres, tels que "Un ami amène un ami."
L'explication : "Un mari acquiert le statut de résidence suite au mariage; il épouse une deuxième femme des territoires (il est un polygame), il divorce de la femme israélienne et il demande la réunification des familles pour la femme étrangère et ses enfants."
L'audience de la Cour Suprême est, naturellement, remplie de langage juridico-bureaucratique.
L'avocat Yocheved Gensin, du bureau du procureur d'Etat, a écrit, entre autres :
"Les pétitionnaires n'ont pas suffisamment étendu le travail préparatoire probatoire pour leur réclamation concernant une discrimination indirecte.
Cependant, même si une base était établie pour une discrimination indirecte, et nous ne pensons pas qu'elle l'a été, l'existence d'une justification objective pour un différentiel dans le traitement, démolit l'argument du préjudice... Dans le cas actuel, il existe là une justification objective basée sur l'évaluation professionnelle des fonctionnaires de sécurité, comme décrit ci-dessus."
Si les représentants de la Justice donnent aux arguments de l'avocat Lustigman une lecture complète, elles y trouveront un certain langage humain : "L'injustice et le déshonneur dont cette loi est teintée est criante. Cette action terrible de l'Etat n'est ni juive ni démocratique."
Source : Palestine Chronicle
Traduction : MG pour ISM
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