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Palestine - 25 novembre 2005
Par Muhsin Salih
J.Joffe a écrit récemment un article ayant le même titre "un monde où Israël n'existerait pas", publié par la revue Foreign Policy, qui est une des revues les plus spécialisées dans les relations extérieures des Etats-Unis, et qui a obtenu le prix de la meilleure revue dans ce pays.
Joffe discute l'idée selon laquelle Israël est la cause de tous les problèmes du Moyen-Orient, rejetant cette idée pour affirmer que si nous imaginons un monde sans Israël, les conflits et les problèmes du monde arabe se poursuivraient.
Il donne pour exemple l'intervention de Abdel Nasser au Yémen, la domination de la Syrie sur la politique au Liban et l'occupation du Koweit par l'Iraq.
Il dit que les Etats arabes souffrent de problèmes religieux, ethniques, politiques et idéologiques variés, et qu'il n'est pas possible de faire porter à Israël la responsabilité des troubles, de l'arriération et de la dictature dont souffrent la région, à son avis.
Joffe tente de faire croire que le malheur d'Israël est d'être né dans la région "la plus polluée du monde". Il rappelle une anecdote parlant d'un juif apeuré au cours de la guerre de 1948 qui tient un autre juif par le cou, lui criant : "tant que la Grande-Bretagne peut nous donner un Etat qu'elle ne possède pas, pourquoi ne nous donnera-t-elle pas la Suisse ?"
L'article de Joffe, bien mis en évidence sur la couverture de la revue, eut un grand retentissement et suscita plusieurs débats. Il a essayé de prouver que le problème n'est pas Israël mais la nature de la région qui l'entuore, et que le traitement de cette situation anormale ne peut se faire en se débarrassant d'Israël mais en "nettoyant" la région de ce "qui la pollue", pour assurer la stabilité d'Israël.
Ce qui a suscité l'article de Joffe et ses semblables, ceux qui défendent l'entité israélienne, n'est pas l'hostilité et les critiques envers cette entité dans le monde arabe et musulman, mais plutêt les opinions adoptées par plusieurs chercheurs et penseurs du monde occidental, affirmant qu'Israël est un "élément ajouté et indésirable".
C'est l'avis de A.N. Wilson qui a affirmé qu'il est parvenu à cette conclusion "qu'Israël a prouvé, par son comportement, qu'il n'a pas le droit d'exister".
T. Hudt, directeur de l'institution Rimark, de l'université de New York, appuie cette idée, disant que l'idée d'un Etat juif constitue un paradoxe historique, ressemblant fort au projet d'apartheid de la fin du XIXème siècle, et qu'il n'y a pas de place pour Israël dans ce monde qui se dirige plutêt vers la pluralité culturelle et ethnique, et que le droit international tente de rassembler.
Même le savant brésilien José Gianotti rappele qu'Israël a ouvert une plaie entre l'Islam et l'Occident, et qu'il n'est pas possible de se débarrasser du "terrorisme islamiste" sans se débarrasser de cette plaie (Israël) qui constitue "la source de la tension chez les terroristes en puissance".
La cause de la peur de Joffe et de ses amis est que l'idée de l'existence d'Israël est devenue une matière discutable dans le monde occidental, ce qui constitue pour lui, le franchissement de toutes les lignes rouges.
Bien évidemment, il n'est pas possible de faire porter à l'entité israélienne la responsabilité de tous les problèmes internes, de toutes les divergences religieuses, ethniques, des troubles politiques dans le monde arabe, mais Joffe nous présente une logique inversée ne répondant pas aux outils de l'analyse objective, car la question est liée aux justifications de l'existence en tant que telle d'Israël, et non à l'existence de problèmes pouvant apparaître dans n'importe quel endroit dans le monde.
Est-il suffisant qu'il y ait des problèmes dans une région donnée pour créer une entité politique coloniale contrairement aux souhaits de la majorité de la population de la région ?
Par exemple : pendant plus de mille ans, l'Europe fut le théâtre de conflits sanglants, et des deux guerres les plus importantes dans l'histoire.
Est-ce pour cela qu'Israël a le droit de se trouver à la place de l'Allemagne ou de la France ?
Est-ce que les problèmes entre la Grande Bretagne et l'Irlande donnent-ils le droit aux Juifs de créer Israël dans le sud de la Grande Bretagne, par exemple ?
Est-ce que les problèmes des Hutu et des Tutsi donnent le droit à Israël de créer un Etat au Rwanda ou au Burundi ?
Quoiqu'il en soit, Joffe et les partisans de l'Etat d'Israël doivent être "satisfaits" car si la situation n'avait pas été si mauvaise dans le monde arabe, Israël n'aurait pas pu y être créé, et le projet américano-occidental-sioniste n'aurait pas pu s'imposer dans la région.
Joffe essaie de fuir les questions fondamentales liées à la création de l'entité israélienne, des drames et catastrophes qui en furent les conséquences dans la région.
La création de cette entité fut dramatique dans trois dimensions :
1 - l'injustice qui a frappé un peuple dans sa totalité, qui est le peuple de Palestine, la création d'Israël signifia l'occupation de la terre, la présence de 5 millions de réfugiés palestiniens vivant hors de la Palestine et plus d'un million et 700.000 réfugiés qui vivent encore dans le cadre géographique de la Palestine.
Il en résulta des drames, des guerres, des révolutions, des soulèvements et des troubles dans la région dont Israël supporte la responsabilité essentielle.
Avons-nous oublié les guerres de 1948, 1967, 1973, l'invasion israélienne du Liban en 1982, la première intifada et l'Intifada al-Aqsa ?
2 - La création de cette entité est à contre courant de la réalité des choses, contre le mouvement de l'histoire, contre le droit international et contre la loi des droits de l'homme.
La création de cette entité fut liée au mouvement colonialiste traditionnel qui s'est pourtant rétracté après la seconde guerre mondiale, et cette entité est le dernier exemple anormal de sa permanence, sa formation fut liée à des prétentions historiques dépassées que même leurs auteurs refusent de soumettre à des recherches scientifiques et objectives.
Qui, parmi les Juifs d'aujourd'hui, peut nous prouver, preuves et des documents à l'appui, que sa famille a habité la Palestine il y a 2000 ans ?
Même si c'est le cas et qu'ils ont le droit d'y vivre, qui leur a donné le droit de priver un peuple qui y vit tout au long des 4500 années passées, d'y vivre, même à leurs cêtés ?
Qui leur a donné le droit de l'expulser et de le rendre réfugié ?
L'entité israélienne est la dernière manifestation dans la vie contemporaine d'un régime d'apartheid, après la chute du régime d'apartheid en Afrique du Sud.
Par ailleurs, la formation de cette entité fut une situation historique anormale.
Est-ce que la Grande-Bretagne a questionné les fils de la Palestine lorsqu'elle a favorisé et encouragé l'apport de 450.000 juifs entre 1918 et 1948 ?
En tant qu'Etat mandataire, elle devait permettre aux institutions palestiniennes de faire parvenir le peuple palestinien à son indépendance.
Si tous les peuples du monde ont le droit de s'autodéterminer, selon les lois internationales et de l'ONU, pourquoi le peuple de Palestine a été privé de ce droit ?
Pourquoi les Nations-Unies ont-elles décidé la résolution du partage de la Palestine, n°181 en 1947, sans consulter le peuple de Palesitne ?
Surtout que les résolutions de l'assemblée générale des Nations-Unies ne sont pas obligatoires ?
Est-ce qu'Israël aurait été créé si nous avions appliqué les critères du droit international ou les principes des droits de l'homme, promulgués par les Nations-Unies elles-mêmes ?
3 - La création de cette entité fut réalisée par l'utilisation de la force, de l'oppression, de la violation des droits des autres, et elle continue à exister à cause de la permanence de cette force qu'il possède et dont sont dépourvus les autres.
Par conséquent, les peuples de la région vont continuer à attendre le changement du rapport de forces pour récupérer leurs droits, ce qui signifie que la stabilité dans la région est constamment menacé d'explosion, à tout instant.
Les déclarations du président iranien Ahmadi Najad relatives à la disparition d'Israël de la carte du monde a suscité une tempête de critiques et de protestations internationales, et nous pouvons le comprendre dans le cadre de l'influence israélienne internationale et dans le cadre de la domination américaine sur le monde, et dans le cadre de la tendance officielle du monde à se comporter avec Israël en tant que réalité stable, à encourager le processus d'un règlement pacifique qui garantisse sa puissance, son maintien et sa permanence.
De plus, cette déclaration fut considérée différente de la position diplomatique représentant l'attitude des régimes arabes, islamiques et internationaux au cours de ces trente dernières années.
Je ne discuterai pas l'intérêt ou le tort des déclarations du président Ahmadi Najad, mais elles sont conformes d'une manière générale avec le discours politique et idéologique de l'Iran, qui considère que la Palestine est une terre musulmane et qu'Israël est une entité spoliatrice créée par l'oppression et l'injustice.
Dans notre monde arabe et islamique, deux discours, l'un populaire et l'autre officiel, existent en ce qui concerne Israël et la Palestine.
Le discours populaire est celui de la quasi majorité des gens, qui parlent avec foi, spontanéité et honnetête, disant qu'Israël doit disparaître, et que la Palestine doit revenir. Le discours officiel est celui d'une minorité adopté par les régimes, qui sont pour la plupart antidémocratiques, non élus, ou du moins craignant pour leurs intérêts et ayant leurs calculs.
C'est le discours connu qui appelle à un règlement global et à la création d'un Etat Palestinien en Cisjordanie et la bande de Gaza, aux cêtés d'Israël.
Ce qu'a fait le président iranien est qu'il a transposé le discours populaire et les sentiments des gens, au niveau du discours officiel.
Qu'en sera-t-il si une enquête auprès de l'opinion publique était menée, à propos de l'ayant-droit à la terre de Palestine, si Israël at-t-il le droit légal à exister ?
Est-ce qu'il serait heureux si la Palestine renaîtrait et Israël disparaîtrait ?
Comment seront les réponses, loin des atermoiements des politiques et des paroles creuses des intellectuels ?
Quelle est la proportion des Arabes et musulmans convaincus, au fond d'eux mêmes, qu'Israël est un Etat légal et naturel ayant le droit à exister et à se maintenir ?
Les justifications de ceux qui soutiennent le règlement et la reconnaissnce d'Israël sont liées principalement au réalisme, aux rapports de force et aux considérations de la période actuelle. Et Ahmadi Najad n'a rien fait d'autre que refuser de parler en termes diplomatiques et de pratiquer le mensonge politique que beaucoup de dirigeants et "réalistes" pratiquent.
En 1994, lorsque la soutien à l'accord d'Oslo était à son comble, une enquête d'opinion fut menée en Cisjordanie et Gaza par une institution favorable au règlement, et l'une des questions portait sur cet accord, 60% des gens y étaient favorables, mais lorsque la question fut posée à propos du droit sur la terre de Palestine occupée en 1948 (soit Israël actuellement), 90% des réponses affirmaient que la terre revenait aux Palestiniens.
..
Après les déclarations du président iranien, Israël a réclamé de chasser l'Iran des Nations-Unies. Israël est probablement le dernier Etat à avoir le droit de réclamer quoi que ce soit et à parler du droit international.
Lorsque l'Etat d'Israël fut constitué, les Nations-Unies ont posé une condition pour son admission, qui est le retour des réfugiés sur leur terre, et Israël avait accepté, et la résolution votée il y a plus de 57 ans attend toujours d'être appliquée, bien que le droit au retour des réfugiés a été maintes fois réaffirmé aux Nations-Unies, plus de 110 fois.
Israël n'a pas appliqué cette condition, jusqu'à présent. Donc, n'est-il pas temps de le chasser des Nations-unies ? Si Israël respecte la légalité internationale, il doit appliquer plus de 500 décisions des Nations-Unies qu'il continue à exécuter, avec défi et arrogance.
Sans le véto américain quarante fois renouvelé en faveur d'Israël, cette entité serait hors de la légalité internationale depuis de longues années.
Le représentant d'Israël a parlé un jour devant l'assemblée générale des Nations-Unies, déchirant l'une des résolutions qui dénonçait son Etat, et les Nations-Unies ont avalé l'humiliation...
Israël a poursuivi, non pas parce qu'il est un Etat civilisé ou un oasis de démocratie, mais par l'arrogance de la force soutenue par les grandes puissances.
Qu'Israël le veuille ou non, il est un corps étranger dans la région, créé contrairement à tous les critères, les moralités et les lois internationales reconnues par le monde.
Que les régimes occidentaux le veuillent ou non, le maintien de cette entité sera le témoin sur la duplicité des critères, et le point suscitant la colère et les révolutions dans la région.
La question du règlement pacifique est essentiellement liée à la réalisation d'une forme de coexistence imposée par le rapport de forces, et non par les convictions profondes, ni par le recouvrement de tous les droits du peuple spolié.
Source : www.aljazeera.net/
Traduction : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine
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