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Cisjordanie occupée - 8 octobre 2015
Par Ben White
Depuis jeudi dernier, quatre Israéliens et quatre Palestiniens ont été tués dans différents incidents en Cisjordanie et à Jérusalem, et des dizaines de Palestiniens ont été arrêtés et blessés par les forces israéliennes.
Depuis les dernière années, une question a été répétée encore et encore : est-ce que nous assistons au commencement d'une nouvelle intifada dans les territoires palestiniens occupés (TPO) ?
Il est compréhensible que l'on se pose cette question : plus de 500 Palestiniens ont été blessés dans des confrontations avec les forces israéliennes en Cisjordanie depuis 72 heures – dont un tiers s'est fait tirer dessus à balles réelles ou avec des balles en acier recouvertes de caoutchouc.
Depuis jeudi dernier, 4 Israéliens et 4 Palestiniens ont été tués dans différents incidents en Cisjordanie et à Jérusalem. Le dernier décès fut celui d'un garçon palestinien de 13 ans, lundi, tué par balles par un soldat israélien dans le camp de réfugiés Aida, au nord de Bethléem.
Mais débattre du fait que les clashs en cours constituent ou non une troisième intifada est moins utile qu'une analyse des faits dont l'élément le plus important sont les données disponibles sur la violence dans les TPO, de la part à la fois des forces d'occupation israéliennes et des Palestiniens qui combattent leur présence.
En 2015, jusqu'à aujourd'hui, 30 Palestiniens ont été tués, et 8 Israéliens. Une comparaison avec 2014 n'est pas vraiment utile à cause des deux offensives majeures israéliennes : « opération Gardien de nos frères » et « opération Bordure protectrice ». En 2013, toutefois, 38 Palestiniens ont été tués et 4 Israéliens.
Une base de données tenue par le Shin Bet, le service des renseignements israélien, est un baromètre utile pour connaître le niveau de la résistance palestinienne dans les TPO (une fois que l'on a passé outre l'absurdité des cocktails molotov ciblant une armée d'occupation décrits comme des « attaques terroristes »).
Au cours de la période d'un an allant de septembre 2014 à août 2015 inclus (voir graphique 1 sur MEMO), le nombre d'attaques palestiniennes en Cisjordanie varie, mais a tendance à osciller entre 100 et 150 incidents par mois (ciblant à la fois les forces d'occupation et les colons).
Entretemps, le graphique 2 (voir sur MEMO) montre le nombre d'attaques « firebomb » (i.e. cocktail molotov) enregistrées par le Shin Bet dans la même période de 12 mois. Encore, il n'y a pas d'augmentation continue évidente – quoique à Jérusalem-Est, il est possible de discerner une augmentation marquée dans les mois récents, qui s'est maintenue.
Pour finir, dans le graphique 3 (voir MEMO), on voit le nombre de raids israéliens dans les communautés palestiniennes, ainsi que le nombre de Palestiniens arrêtés et blessés. Pris ensemble, ces trois graphiques ne permettent pas d'identifier une tendance claire.
La situation d'ensemble, pourtant, montre une augmentation nette du nombre d'attaques palestiniennes sur les forces d'occupation israéliennes et les colons. En 2011, le Shin Bet a enregistré 320 incidents de ce type en Cisjordanie : en 2012, leur nombre s'est élevé à 578, et en 2013, à 1271 (l'utilisation d'armes à feu a quintuplé).
Le relativement faible nombre de décès israéliens dans les dernières années – y compris, en 2012, une année où il n' y a eu aucun Israélien tué en Cisjordanie – peut masquer l'augmentation de la résistance palestinienne (à noter que la vaste majorité des « attaques » enregistrées sont des incidents de lancer de pierres ou de cocktails molotov).
Il y a de nombreux facteurs en jeu ici. Le manque de négociations entre Israël et l'Autorité palestinienne constitue, bien sûr, une partie de l'équation – mais plus significatifve est la raison principale de l'effondrement du processus de paix : un gouvernement israélien dirigé par la droite et l'extrême-droite.
Netanyahu, Naftali Bennett, Moshe Ya'alon, Miri Regev, Ayelet Shaket – le gouvernement israélien est plein de politiciens dont l'engagement en faveur d'un Etat palestinien est douteux ou explicitement non existant – mais dont le dévouement à la colonisation de Jérusalem-est et de la Cisjordanie est sans précédent.
Lorsque l'on sait que Yair Lapid représente la voix de la modération au sein du gouvernement, et qu'Isaac Herzog est la figure de « l'opposition », on sait que les choses vont mal. Beaucoup de Palestiniens ont renoncé au « processus de paix » il y a longtemps – même maintenant ses plus fervents défenseurs commencent à douter de l'issue de ces négociations.
En même temps, les différents aspects du régime israélien d'apartheid demeurent : les colonies grandissent, les terres sont expropriées, les forces israéliennes tuent des civils en totale impunité, les Palestiniens languissent dans les prisons israéliennes, les maisons sont démolies, la violence des colons continue, la liberté de circulation des Palestiniens est entravée.
D'un autre côté, Mahmoud Abbas, les leaders politiques de l'Autorité palestinienne et les forces de sécurité sont toujours opposées à une vaste insurrection. Comme l'a dit Amira Hass, « la situation politique fragile du Fatah exclut le congrès d'une série de conférences, laissant orpheline la conduite d'une nouvelle intifada ».
En août; Mouin Rabbani a pointé comment, pendant « la plus grande partie de la dernière décennie », l'Autorité palestinienne (AP) « a systématiquement conduit des opérations offensives... contre son propre peuple et précisément dans le but d'empêcher l'émergence d'une contestation majeure de l'occupation israélienne ».
Ce sont dans les zones où les forces de l'AP exercent une influence limitée ou sont absentes, comme les camps de réfugiés de Cisjordanie , la zone C et particulièrement Jérusalem-Est, que l'on a vu les confrontations les plus régulières et intenses avec les forces israéliennes.
Les facteurs que Rabbani a identifié cet été « de conspiration contre une nouvelle rébellion » n'ont pas disparu. Cette vague de soutien du peuple pour un soulèvement de masse plus soutenu et organisé, spécialement de la part des militants du Fatah, peut changer cela, mais on ne sait pas si cela se matérialisera au stade actuel.
Nous en avons déjà été là. Les médias israéliens demandent : « Est-ce que c'est une nouvelle Intifada ? », tout comme en mars 2006, il y a à peu près une décennie. Une troisième intifada a été décrite comme « inévitable » mais « pas imminente » en 2011, « inévitable » encore en 2012, pendant qu'en 2013, un commandant israélien annonçait qu'elle avait déjà commencé.
Est-ce que c'est une nouvelle intifada ? Posé comme cela, il est trop tôt pour répondre, mais probablement pas. Toutefois, au lieu de se préoccuper des définitions ou labels, il est plus sensé de se focaliser sur la réalité sur le terrain. Cela nous dit qu'une nouvelle montée de soulèvements palestiniens est en train de voir le jour depuis ces dernières années, pour la raison bien évidente que l'occupation, le colonialisme et l'apartheid produisent la résistance.
Source : Middle East Monitor
Traduction : FS
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