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Israël - 7 juin 2002
Par Ze ev Schiff
paru dans Ha'Aretz (quotidien israélien) du 7 juin 2002 et repris in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du samedi 8 juin2002
Hier, c’était le vingtième anniversaire du déclenchement de la guerre du Liban. Il est satisfaisant de constater, à cette occasion, qu’un certain nombre de généraux et d’hommes politiques (israéliens) qui avaient à l’époque soutenu cette guerre avec enthousiasme ont fini par adopter, aujourd’hui, une position différente.
Mais ce qui doit retenir notre attention, actuellement, ce ne sont pas les ruses et tactiques qui avaient abouti à la guerre et à son extension, mais bien les leçons stratégiques qui émanent de tout un enchaînement d’échecs qui avait conduit à cette guerre et à ses (déplorables) conséquences.
Le premier échec découlait de ses objectifs politiques, exagérément ambitieux, et notamment celui de consacrer (“couronner”) un président de la République libanaise. Ces buts et ces objectifs (hors d’atteinte) avaient créé une cassure profonde à l’intérieur même d’Israël. Les guerres ne bénéficiant pas du consensus national sont vouées à l’échec, nous ferions bien de nous en souvenir. Israël avait obtenu de Washington le “feu vert” pour des opérations limitées. Mais l’engrenage militaire avait fini par aboutir avec un contentieux avec Washington. Ainsi, nous avons été confrontés à une guerre d’offensive, sans appui, sans soutien de La Grande Puissance. Ajoutez à cela que la gageure d’imposer la paix par la force à notre grande voisine du nord (la Syrie, ndt) était vouée par avance à l’échec.
Le deuxième flop, plus dommageable que le premier à bien des égards, fut la décision de rester au Liban sans fixer de terme à cette présence militaire. Trois longues années se sont ainsi écoulées avant que soit prise la décision (à la majorité (Likoud+parti travailliste)) de se retirer mais de rester dans une zone-tampon gardée par des milices libanaises (ALS - armée du Liban Sud), soutenues par Israël. Durant les années de notre présence au Liban, nous avons encaissé les plus grandes pertes jamais enregistrées (par “Tsahal”, ndt), notamment, du fait des opérations-suicides. La liste des arguments pour le maintien au Liban était impressionnante. Nous étions convaincus, par exemple, que le fait de garder le contrôle de Saïda assurerait la paix et la sécurité à la Galilée (!). Nous avons refusé d’appliquer la résolution 425 du Conseil de sécurité, laquelle confiait la sécurité, au Sud Liban, à l’armée libanaise. Chose que nous n’exigeons même plus aujourd’hui...
Avec le temps, nous avons fait des Shiites du Sud-Liban nos ennemis. Le Hizbullah, à la création duquel nous avons indirectement participé, a pris la place de l’organisation shiite Amal, en devenant une des principales milices armées au Liban. Ceci a ouvert la porte à une intervention iranienne massive dans ce pays. Une situation très complexe s’est instaurée, dans laquelle une organisation de commandos, telle le Hizbullah, a fini par tenir à sa merci des colonies situées au nord d’Israël. Mais le problème ne se limite pas là : en effet, l’Iran a réussi à installer au Sud-Liban une base avancée de missiles. Pendant toutes ces années, aucune personnalité centrale, capable de persuader le système (administrativo-militaire) de la nécessité de reconsidérer sa vision et le modèle stratégique en vigueur, n’est apparue en Israël.
Le troisième échec est relatif à nos amis - “amis” entre guillemets et amis sans guillemets - au Liban. Les premiers (les “amis”), ce sont les membres des Kataïb (milices chrétiennes-extrême droite, ndt), nos alliés dans la guerre de 1982. Ceux-là avaient en vue l’objectif de nous pousser à faire la guerre jusqu’à ce que nous finissions par chasser les Syriens du Liban, à leur place. Les Kataïb nous ont impliqués dans un massacre commis par leurs soins contre les Palestiniens, à Sabra et Chatila. Bien que les stratèges des Kataïb aient administré la preuve qu’ils étaient plus sages que toutes nos têtes d’oeuf du Mossad et du gouvernement, le résultat final fut que cette guerre aboutit en réalité à leur quasi-disparition.
Le Liban est contrée traîtresse. Au moment où il propose de créer un front anti-terroriste, épaule contre épaule avec l’Occident, les débris d’Al-Qa’ida continuent à s’y réfugier, venant d’Afghanistan. L’assassin d’un président libanais est sorti de prison. Ceux qui ont commis les massacres de Palestiniens se baladent, en toute liberté. La façon dont (les officiels libanais) traitent les Palestiniens est très dure, on pourrait dire ‘sauvage’. Ils veulent, encore aujourd’hui, se débarrasser des réfugiés ‘installés’ chez eux et les envoyer chez nous.
De son côté, Israël a fait la démonstration de son ingratitude et de son absence totale de pudeur et de honte, vis-à-vis de ses anciens alliés fidèles, (les supplétifs) de l’Armée du Liban Sud, dont des centaines ont été tués dans le no-man’s land frontalier afin de défendre, en réalité, nos propres frontières septentrionales.
Durant la guerre du Liban, et après, le ministre de l’Histoire s’est bien fendu la pêche, il a bien ri aux dépens d’Israël. Nous avons chassé Arafat et son armée de là-bas, afin d’infliger aussi, indirectement, un grand coup aux Palestiniens des territoires (occupés).
Lorsqu’Arafat a voulu retourner au Liban, ce sont les Syriens qui l’ont mis dehors.
Et finalement, à cause d’une stratégie bricolée à la va-vite, incarnée par Oslo, nous avons amené Arafat et toute sa clique en Eretz-Israël. Voilà pourquoi votre fille est muette. Voilà pourquoi, en réalité, ce que nous sommes en train de vivre n’est autre chose qu’une nouvelle phase de la guerre d’”Indépendance” (indépendance... pour Israël, ndt) de 1948...
Article paru dans le Point d'information Palestine
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