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ISM France - Archives 2001-2021

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Article lu 2003 fois

Bethléem -

"Nous sommes une Démocratie !"

Par

En marchant dans Bethléem hier, j'ai été arrêté par un chauffeur de taxi que j'avais été amené à connaître au cours des années, Abu Anwar. Il semblait agité et en colère.
Il connait mon travail ici et il tenait absolument à ce que j'aille chez lui pour qu'il me montre ce qui s'était produit pendant une visite surprise matinale qu'il avait reçu deux nuits plus tôt.

Abu Anwar et son épouse vivent avec leurs cinq enfants dans une petite maison dans la ville de Doha, une ville relativement nouvelle, en réalité une banlieue de Bethlehem, qui s'est développé rapidement car il reste peu de terre à Bethlehem pour son développement en raison du Mur d'Apartheid et de la colonisation israélienne.

Ils ont trois filles et deux fils. Je m'étais rendu dans leur maison auparavant, comme c'est la coutume en Palestine, pour boire le café et parler.

Vers 1 heure du matin dans la nuit du 7 mars, la famille entière était, comme le serait la plupart des familles à une telle heure, bien endormie. Abu Anwar travaille de longues heures, et commence tôt dans son taxi, afin d'entretenir sa famille

Quand la première pierre est arrivée par leur fenêtre, ils se sont réveillés avec effroi. Alors que d'autres commençaient à s'écraser contre leur maison et briser leurs fenêtres, ils n'avaient aucune idée de ce qui se passait. La grande porte verte en métal dans leur jardin résonnait avec le bruit d'une pluie des pierres et de briques.

Leur lourde porte métallique de la façade avant résonnait dans toute la maison alors qu'elle recevait des coups de pied et des coups de crosse de M-16. Um Anwar a commencé à crier pour voir ce qui se passait.

“Qu'y-a-t'il ? Que se passe-t'il ? Quel est le problème ?"

La réponse était assez prévisible pour toute perturbation de fin de nuit en Palestine ; c'était plus un ordre qu'une réponse:
"Nous sommes des soldats, ouvrez la porte, ouvrez la porte maintenant ! !"

Um Anwar est descendue en bas des escaliers jusqu'à la porte et l'a ouverte nerveusement.

"Que faites-vous ? Qu'est ce qui ne va pas ? Nous essayons de dormir !"

La réponse qu'elle a reçue était encore plus une demande beuglée qu'une réponse :
"Où est votre mari ? Faites le descendre ici maintenant, je veux voir toute votre famille dehors et dans la rue maintenant !"

Abu Anwar est descendu comme il en avait reçu l'ordre et est allé dans la rue en leur demandant quel était le problème. Les soldats lui ont brusquement donné l'ordre de se taire et ils lui ont dit qu'ils n'avaient rien à leur dire (en dépit du fait qu'ils terrorisaient sa famille et endommageaient sa propriété).

Um Anwar est remontée retrouver ses enfants et elle a été suivie à l'intérieur d'un grand nombre des soldats des Forces de l'Occupation israélienne.

Ses deux enfants les plus jeunes s'étaient enfermés à clef dans la salle de bains. Recroquevillés de peur, le garçon de 9 ans et sa soeur de 7 ans, espéraient dans leur naïveté que s'ils se cachaient, ils ne seraient pas blessés et que les intrus partiraient.

Les Forces de l'Occupation israélienne ont cogné à la porte de la salle de bains.
Um Anwar a dit à ses enfants d'ouvrir la porte en sachant que s'ils ne le faisaient pas, les soldats l'ouvriraient eux-mêmes par la force et les enfants seraient blessés.

Alors que le petit garçon terrifié ouvrait la porte à titre d'essai, il a jeté un coup d'œil à l'extérieur :

“Salaam alekum” (Que la Paix soit avec vous)

Alors que le canon d'un M-16 pointait devant un soldat, et que la porte était ouverte, il a même reçu une réponse criée :
“Salaam! Tu veux salaam? Alors , je vais te donner salaam!”

Les deux jeunes enfants se sont recroquevillés, puis, quand le soldat est entré dans la salle de bains, ils ont couru vers leur mère, en recherchant la sécurité. Elle les a tirés vers elle. Leurs deux autres soeurs étaient également dans la salle de séjour et toute famille était ensemble.

Pendant que les soldats se déployaient dans la maison, toute famille a reçu l'ordre de sortir rejoindre Abu Anwar. Des bombes assourdissantes ont été jetées autour de la maison.

Pendant qu'ils descendaient les escaliers et qu'ils sortaient, ils ont vu des soldats partout. Leur jardin était plein de soldats avec leurs armes pointées sur les membres de famille.

Les maisons voisines et les toits de tous les bâtiments environnants étaient également couverts de ces intrus violents. Des jeeps des Forces de l'Occupation Israélienne étaient garées partout et bloquaient la route, avec des soldats partout.

Le fils ainé, Anwar, vit dans une chambre à coucher à l'étage inférieur de la maison et il s'était barricadé lui aussi dans sa chambre. Les bottes recouvertes d'acier des soldats ont bientôt démoli sa porte.

Anwar avait les mains en l'air quand les Forces de l'Occupation Israélienne sont entrées, évitant ainsi de leur donner une excuse pour lui tirer dessus.

Toutes les armes étant pointées sur lui, ils l'ont fouillé brutalement avant de lui attacher violemment les mains derrière le dos avec des menottes en plastique. Il a été alors poussé sur son lit et il a eu les yeux bandés, avant d'être levé et poussé.

Pendant qu'Anwar était traîné dans la rue, ses parents ont commencé à crier aux soldats :

“Que lui faites-vous ! Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ? Il n'a rien fait !"

Anwar a été immédiatement mis dans l'une des jeeps, puis ils sont partis à toute vitesse dans la nuit. Abu Anwar a à nouveau tenté de poser des questions aux soldats :

“Il n'a rien fait. C'est un étudiant. Il étudie, il travaille et il dort, il n'a pas le temps de faire autre chose. Que faites-vous avec lui ?"

Les armes pointées sur lui, on lui a répondu :

"Ferme ta gueule, nous n'avons rien à te dire !"

Bizarrement, l'un des soldats l'a également informé :

“Nous sommes une démocratie !"

Que voulait dire ce commentaire, personne n'est sûr. Mais ce qui est sûr c'est que toute la famille était terrifiée, les enfants criaient de façon hysterique.

Pendant les 4 heures suivantes, la famille est restée dans la rue, dans la nuit froide et sombre pendant que les Forces d'Occupation Israélienne fouillaient systématiquement leur maison.

À un moment, un soldat est sorti en courrant avec deux grands sacs, peut-être deux ou trois kilos chacun, remplis d'une substance blanche cristalline :

“Ce sont des explosifs ! C'est pour fabriquer des bombes, n'est-ce pas !"

Les deux sacs ont été alors vidés partout sur le sol du hall d'entrée de la maison. C'était l'approvisionnement entier de la famille en sucre…

Quand la famille a été finalement autorisée à rentrer dans la maison vers 5h du matin, sans Anwar maintenant disparu, la destruction qu'elle a trouvé s'est ajoutée à leur effondrement.

Dans le hall d'entrée, toutes les boîtes qui avaient été empilées remplies de jouets divers, des pots et des casseroles et d'autres équipements ménagers avaient été dispersés dans les escaliers.

Pendant qu'ils montaient les escaliers, ils ont trouvé des fenêtres cassées tout le long, dont une qui semblait avoit été cassée par une balle.

En haut des escaliers, à côté de l'entrée de la salle de séjour, il y avait un sofa. Ils l'ont retrouvé cassé et déchiré avec un couteau.

Pendant qu'ils franchissaient la porte cassée de leur salle de séjour, ils ont vu que l'ordinateur de famille était par terre, son disque dur enlevé et les fils arrachés.
Le sofa et les chaises étaient également endommagés et avaient été clairement coupés avec des couteaux.

Le réfrigérateur était grand ouvert, sa porte cassée et la nourriture répandue partout sur le sol. La table et les chaises où la famille partage ses repas étaient cassés.

Sous les fenêtres, le béton était fêlé et le plâtre était tombé, ce qui avait du être endommagé avec une force considérable. La machine à laver était cassée et inutilisable.

Les jouets des enfants jonchaient le sol, les voitures en plastique et les petits soldats étaient écrasés, un grand ours blanc en peluche avait des marques de couteau juste en bas du dos et son bourrage était retiré.

À côté de la fenêtre, un texte religieux avait été arraché du mur et le plâtre derrière avait été écrasé et creusé avec quelque chose.

Dans les chambres à coucher, tous les placards et les armoires avaient été renversés sur le sol et leur contenu avait été répandu partout, les lits étaient sens dessus dessous et les matelas avaient été tailladés.

Au dernier étage de la maison, qui mène sur le toit, ils ont trouvé la même chose, des fenêtres cassées, des boîtes de stockage renversées et leur contenu jeté partout, et un nouveau réservoir de stockage d'eau, récemment installé sur le toit, était maintenant plein des trous et inutilisable.


La famille a plus tard découvert que d'autres membres de famille dans le quartier avaient reçu des visites semblables. Quatre maisons en tout ont reçu ce traitement répugnant.

Environ vingt jeeps ont été comptées dans la rue et selon des témoins, il y avait entre 50 et 80 soldats.

Anwar était la seule personne arrêtée mais des dizaines d'autres ont été terrorisées cette nuit-là, dont beaucoup d'enfants en bas âge.

Um Anwar m'a montré la vidéo qu'elle a enregistrée sur l'un des téléphones portables de sa fille. Le film montre la destruction immédiatement après qu'ils soient revenus dans la maison. Ayant fait un tour de la maison, je peux voir encore tous les dégâts mais des choses avaient été enlevées du sol.

La famille a reçu des visites semblables par le passé. Anwar avait été arrêté en 1998, quand il venait d'avoir 15 ans, cette fois-là, il était resté deux ans sans revoir sa famille.

Il a été également condamné à 10.000 NIS (près de 2000 Euros) et interdit de quitter Bethlehem ou de franchir un checkpoint pendant cinq ans.

Il a été accusé d'avoir lancé des pierres mais il a toujours clamé son innocence et lorsque ses amis sont venus rendre visite aux parents d'Anwar, ils ont dit que ce n'était pas vrai.

Um Anwar m'a également montré une vidéo d'un incident qui s'est produit en décembre quand un homme a été blessé par les Forces de l'Occupation Israélienne à l'extérieur de leur maison.

La jeep des FOI étant garé en travers de la route, Anwar a été sorti de sa chambre à la pointe du fusil et les soldats lui ont dit de porter l'homme blessé jusqu'à la jeep.

La vidéo montre Anwar essayant de lever l'homme qui était beaucoup plus grand que lui. Il lutte clairement avec le poids pendant qu'il traîne l'homme dans une mare de sang jusqu'à la jeep.

Les parents d'Anwar ont découvert par la Croix Touge que leur fils est détenu au centre de détention d'Acion. Ils ne savent toujours pas s'il est accusé et si oui, de quel crime.

Toute la famille est vraiment et tout naturellement désespérée, Um Anwar ne peut pas contenir sa colère

"Ils dissent qu'ils sont une démocratie, quelle démocratie ! Aucune démocratie ne traite les gens de cette façon ! Il 'y a pas de démocratie, ils sont stupides, ils sont mauvais !"

Je ne pouvais pas dire grand-chose à la famille. Ils ont voulu que je documente la destruction et que je raconte leur histoire, donc voilà, encore une autre histoire de violence, de destruction et de familles déchirées, grâce à "la seule démocratie au Moyen-Orient"…


Source : http://www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM

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