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Hébron - 23 décembre 2004
Par Rim al-Khatib
Le 21 décembre, à une heure quarante du matin, en plein centre ville, les forces de l’occupation ont encerclé la maison de la famille de Badrane Badr Jaber, et ont procédé à l’arrestation de Badrane, âgé de 60 ans et de son fils Fadi, âgé de 20 ans.
Badrane Jaber était recherché par les forces militaires de l’occupation.
Badrane Jaber connaît la prison depuis 1973.
Les années passées en prison depuis cette date s’élèvent à 14 ans (1973, 1979, 1983, 1985, 1987, et 1995-1997).
Quand il n’est pas en prison, il est en résidence surveillée, comme entre 1980 et 1985. Il a également connu la détention administrative, renouvelable de six mois en six mois, à partir de 1997.
Quelques mois après la fin de la dernière détention administrative, Badrane est devenu un homme recherché.
Ce qui signifie qu’il doit vivre en clandestinité, éviter de passer deux nuits de suite au même endroit.
Tout au long de ces arrestations, Badrane n’a reçu aucune condamnation. Il a été interrogé dans les pires cachots israéliens et il a été remis en liberté, à chaque fois, sans être accusé de quoi que ce soit.
Le soir de son arrestation, les forces de l’occupation ont encerclé deux maisons, la sienne et celle de sa fille mariée, Falastine, chez qui il avait passé la nuit précédente. Ils ont cogné aux portes violemment, l’épouse de Badrane a ouvert la porte. Les soldats ont brutalisé la femme, la poussant devant eux avec leurs fusils, avant de lui demander : "Où sont les hommes ?"
Elle s’écrie : "Vous les avez tous pris, qui voulez-vous encore ?" car il faut dire que Badrane et son épouse ont déjà deux fils en prison, Ghassan, 22 ans et Majd, 18 ans.
Tahreer, la sœur de 24 ans qui dormait, est brutalisée par un soldat qui rentre dans sa chambre, pointant le bout du fusil sur sa tête pour la réveiller. Fadi se lève, ainsi que Badrane. Les soldats arrêtent les deux.
L’épouse, Umm Ghassan, raconte le calvaire vécu depuis près de trente ans par sa famille.
Ils ont huit enfants, dont Majd qui n’a connu son père qu’à l’âge de 5 ans. Le même capitaine israélien venu arrêté son père l’a arrêté aussi, il y a deux ans. Fadi a déjà été arrêté il y a quelques années, et aujourd’hui, il est de nouveau en prison.
Elle dit amèrement : "voilà, nous nous sommes partagés les enfants, le père et ses trois fils sont en prison, la grande fille est mariée, et je suis avec les autres".
Pendant ces années où Badrane était recherché, la maison a été investie une dizaine de fois, avec des brutalités contre les membres de la famille : Ghassan se retrouve avec un pied cassé, avant son arrestation, Fadi est presque étranglé devant sa mère.
Les enfants de Badrane sont détenus dans des prisons séparées : à Ofer, à Ramleh et à Atzion. Le père a été emmené directement à l’infirmerie de la prison de Ofer. Il faut dire qu’il est malade.
Sa première attaque cardiaque a eu lieu lorsqu’il a été arrêté la première fois en 1973 dans la prison de Majnouna, près de la ville d’al-Khalil (qui n’existe plus aujourd’hui). Il a été emmené à l’hôpital de la prison de Ramleh. La seconde attaque cardiaque a eu lieu lors de son arrestation quelques années plus tard, et il est emmené de la prison de Beer Saba’ vers l’hôpital Siroka dans le Naqab.
Depuis, les maladies ne l’ont pas épargné : il souffre de plusieurs maladies et son épouse met en garde les autorités israéliennes ainsi que la direction des prisons de tout ce qui pourrait lui arriver, vu les conditions de détention, la négligence médicale dont font preuve les autorités carcérales et surtout à cause de son âge.
Quant à ses deux enfants, Ghassan et Majd, ils n’ont pas encore été condamnés. Les séances des tribunaux se suivent, sans aucune accusation.
Il ne s’agit que d’un exemple de ce qui se passe actuellement dans la ville d’al-Khalil, ou plutôt de ce qui se passe depuis quelques années. L’arbitraire le plus total de la part de l’occupant contre la population de la ville et de la région.
Les prisons israéliennes renferment des milliers de prisonniers, souvent des membres d’une même famille.
Umm Ghassan dit : "Je connais des familles qui ont en prison le père et le fils, ou deux frères, même trois. Moi, j’ai mon mari et mes trois enfants".
Umm Ghassan peut visiter ses enfants parce qu’elle est native de la ville d’al-Quds, ville que les sionistes ont annexée en 1981. Mais cela ne signifie pas que les visites sont faciles. Umm Ghassan explique les conditions de visite, conditions humiliantes et en totale violation des droits les plus élémentaires de l’homme.
Tout d’abord, les familles se rassemblent au centre de la Croix-Rouge, vers 4-5 heures du matin. Ensuite, les cars qui emmènent les familles se mettent en route en direction d’une prison.
Le trajet dure plusieurs heures car il faut passer aux barrages, et les cars ainsi que les passagers sont contrôlés.
Ensuite, les cars arrivent. Les familles sont enfermées dans un espace couvert ou découvert, cela dépend des prisons, où elles attendent que viennent leur tour, pour une visite de 45 mn.
Et puis, c’est fini.
Les cars repartent vers 19 heures pour arriver parfois à 22 heures.
Umm Ghassan dit : "Ceux qui habitent en ville ont de la chance, mais il y a toutes les familles qui viennent des villages.
Comment peuvent-elles retourner chez elles, alors qu’il y a des couvre-feu, des barrages ?
Parfois, ce sont les enfants qui visitent, car les parents sont des "interdits sécuritaires", des enfants qui ont moins de 16 ans. Ils sont seuls. Je les emmène chez moi, et les parents viennent les prendre de la maison. »
Umm Ghassan parle aussi des fouilles humiliantes que les parents subissent de la part des soldats et gardiens de la prison.
"Ils nous considèrent comme des "terroristes", même les enfants sont fouillés, ils craignent qu’on n’apporte avec nous des cartes téléphoniques, pour eux, le téléphone est considéré comme un crime. Mais les prisonniers veulent téléphoner à leurs familles. Ce n’est pas par téléphone que les prisonniers organisent la résistance."
Umm Ghassan peut parler des heures, pour raconter les détails de toutes les agressions que sa famille, ses amis et ses connaissances subissent depuis que la Palestine est occupée.
Elle dit tout simplement : "Les terroristes, ce sont ceux qui occupent. Un soldat qui pointe son fusil sur une fille endormie est un terroriste, nous nous sommes chez nous, nous vivons dans notre pays. Ce sont eux les agresseurs, les terroristes".
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