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Naplouse -

Comprendre les checkpoints

Par

Un ami palestinien m'a dit une fois que c'était aux checkpoints qu'il se sentait le plus humilié, dés-humanisé et en colère....
C'est aux checkpoints que je constate certaines des violations des droits humains les plus significatifs et la violation de la dignité des personnes. On voit couramment un vieillard de 75 ans obligé de supplier un soldat de 19 ans pour obtenir la permission d'accéder aux oliviers de sa famille...
L'existence même des checkpoints fait suffisamment de dégats sur l'esprit d'une personne et sur sa volonté, pour que rien, si ce n'est leur destruction totale, ne puisse être envisagé comme début d'une solution.

Comprendre les checkpoints

J'ai vu récemment un document interactif intéressant sur le site de la BBC intitulé "comprendre les checkpoints".


Il présente une image de la forme que peut prendre un checkpoint en Palestine, avec des liens pour les différentes parties, qui renvoient à des explications.



Vous pouvez voir cela sur :
http://news.bbc.co.uk

Pour beaucoup d'entre vous, ce sera facile de comprendre les problèmes en visualisant cette représentation.
Pour ceux qui ne sont pas venus ici, ou, qui ont peu d'informations sur les checkpoints, je vais en donner une meilleure description en utilisant le modèle de la BBC.


Introduction

Une récente déclaration de la Croix Rouge Internationale annonce qu'elle arrêtera son programe d'aide alimentaire d'urgence en Palestine, disant que "l'effondrement de l'économie palestinienne est la conséquence directe des bouclages des militaires israéliens, et qu'Israël doit faire face à ses responsabilités, en tant que puissance occupante, et assurer les besoins économiques des Palestiniens".
Basiquement, même la Croix Rouge reconnaît que l'occupation par l'armée israélienne, y compris les bouclages, (checkpoints) suffoque les Palestiniens et demande maintenant à Israël de prendre la responsabilité de pourvoir à l' aide humanitaire.
Bien que cela soit important politiquement, cela peut finalement faire du mal aux Palestiniens qui souffrent déjà.


Essayer de "visualiser" un checkpoint, même en s'aidant du dessin de la BBC, c'est difficile. Je ne pense pas que les gens puissent comprendre précisémment ce qu'est un checkpoint, s'ils n'adoptent pas le point de vue palestinien.

Revisualisez des images que vous avez vues dans des films d'occupations.....

Maintenant, mettez vous à la place d' un étudiant palestinien d'Awarta (un village pres de Naplouse). Il fait chaud et humide. Tous les jours, vous devez vous rendre à Naplouse à l'université. Ou, mieux encore, vous êtes mon amie Bilel, d'Asira (Nord de Naplouse ).
Vous avez besoin de vous rendre à Naplouse n'importe quel jour pour une dialyse. Si vous ne pouvez y entrer, vous pouvez tomber gravement malade et mourir.
Chaque jour ou n'importe quel jour, vous allez au checkpoint et attendez dans la file (avec 400 autres personnes) pendant des heures et des heures, attendant d'être "contrôlé".
Vous quittez votre domicile à 4 heures du matin, car vous devez toujours prévoir que cela prendra au moins 4 heures pour passer (si vous passez). Cela, pour un déplacement qui devrait prendre 10 minutes en voiture....

Pour clarifier mes propos, la BBC dit que "certains de ces checkpoints divisent les regions contrôlées par les Palestiniens de celles contrôlées par les Israéliens", mais il y en a d'autres, et particulièrement les barrages non-gardés, qui sont situés en plein milieu des "zones palestiniennes".

C'est important de se rappeler que les checkpoints sont tous à l'intérieur de la Cisjordanie , et non en Israël (frontière de 48). Lorsqu'ils parlent de zones palestiniennes, ils se réfèrent à la zone A (villes) qui sont supposées être sous le contrôle (mais ne le sont pas) de l'Autorité Palestinienne depuis les accords d'Oslo.
Que les checkpoints séparent la zone A de la zone B (soit disant contrôle commun, villages) ou un village palestinien d'une route pour les colons, ou un village d'une ville, une ville des fermes, ect....
Il y a pratiquement presque un checkpoint à chaque mouvement que vous faites.


Taxis

La BBC dit vrai lorsqu'elle affirme que de voyager d'une ville palestinienne à une autre est difficile. Les voitures avec des plaques israéliennes sont habituellement autorisées à traverser les checkpoints, elles passent souvent sans être contrôlées. J'étais avec quelques Palestiniens à un checkpoint près d'une colonie, attendant des heures, et une voiture de colon nous a dépassé rapidement, nous crachant dessus en passant.

Souvent les taxis ne sont pas autorisés à stationner à moins de 80 mètres de chaque côté du checkpoint, obligeant tout le monde à marcher en plus 1km 1/2 à chaque (ou probablement plusieurs) checkpoints, au cours de leurs déplacements.

A l'un des principaux checkpoints de Naplouse, chaque jour, 6 à 15 taxis sont retenus par les soldats pour s'être approchés trop près du checkpoint. Les soldats prennent les cartes d'identité et les clés des chauffeurs, et leur disent de revenir dans 3 à 7 jours.

Economiquement, le gouvernement israélien peut contrôler les produits d'importation à destination de la Palestine par les checkpoints. Presque chaque camion que vous voyez entrer un checkpoint est Israélien, transportant des produits israéliens (avec une TVA très importante) produits qui auraient pu être obtenus à meilleur prix et plus facilement d'un village ou d'une ville voisine palestinienne.


Zone d' attente

Bien que certains checkpoints aient un abri en métal ou bâché, beaucoup n'en ont pas. Ceux qui existent, sont souvent trop petits pour contenir tous les Palestiniens qui attendent. Il y a également dans la plupart de ces zones d'attente, de grands barrages de pierre, des barrières-surprises faites de barbelés tranchants, des murs de barbelés, et des graffitis écrits pas des soldats et qui disent quelque chose comme "Bienvenue en Israël".
Souvent, des soldats pointant leurs fusils et refoulant les personnes sont également présents dans les zones d'attente.

Le temps d'attente aux checkpoints varie suivant le jour, l'heure, les soldats ou les checkpoints. Les soldats ont le contrôle total sur qui passe et quand ils peuvent passer. Souvent, les décisions des soldats semblent complètement arbitraires. A un petit checkpoint, le temps d'attente peut être court ou long. A des checkpoints plus importants, comme ceux d' Huwarra ou de Qalandiya, la plupart des gens prévoient d'attendre au moins quelques heures.

Aux heures de pointe (le matin et en fin d'après-midi) le nombre des personnes qui attendent peut aller jusqu'à 400. 400 personnes qui attendent, et habituellement 2 à 4 soldats qui les contrôlent (spécialement à Huwarra).

Les personnes sont généralement parquées comme du bétail dans la zone d'attente pendant des heures, beaucoup chargées de sacs lourds et/ ou avec des enfants. Les personnes sont entassées d'ue manière incroyable, les unes sur les autres, à tel point que, parfois, certaines versent dans les barbelés sur les côtés, se retrouvant ainsi coinçées entre la file d'attente et les barbelés qui leurs rentrent dans la peau.

Dans cette situation, la tension est habituellement très élevée. Les Palestiniens commencent à se pousser les uns les autres, essayant d'avancer ou de préserver leur place dans la file. Les soldats voient l'important groupe de personnes en détresse, ne savent pas comment y faire face et réagissent avec violence.
Presque chaque après-midi, nous devons intervenir auprès d'un soldat qui attaque le groupe de personnes, souvent en leur flanquant son fusil dans la figure, en tirant des tirs d'avertissement ou en leur jetant des gaz lacrymogènes.
Ce n'est pas rare de trouver quelqu'un avec le nez cassé, ou une bosse sur la tête, résultat de la brutalité des soldats au checkpoint.


Contrôles d'identité

Comme montré ci dessus, la plupart des checkpoints séparent une zone palestinienne d'une autre.
De ce fait, les Palestiniens doivent avoir les " papiers adéquats " (permis du DCO) pour aller d'un village à un autre. Le permi est difficile à obtenir, rarement accordé.
Pour aller à l'école, au travail, chez le docteur, beaucoup de Palestiniens dans les villages ont besoin de traverser les checkpoints pour se rendre dans les villes. Ils sont rarement autorisés à le faire.
Chaque fois que je suis à un checkpoint, des groupes de personnes s'approchent de moi avec des papiers médicaux ou des bébés malades, m'implorant de négocier pour eux, avec les soldats. Actuellement, les papiers des hôpitaux ne sont plus suffisants pour permettre aux personnes de rentrer dans Naplouse.
Pour la plupart des gens qui ne vivent pas en ville, les soins médicaux sont inaccessibles.

Les étudiants à l'université sont supposés être autorisés à s'y rendre et en sortir quotidiennement. Ceci, également, arrive rarement. Chaque jour, les soldats ont de nouveaux ordres : pas d'étudiant autorisés à sortir, ou pas d'étudiant autorisés à entrer, ou pas d'étudiant male , ect.......
Les étudiants risquent également d'être détenus pendant des heures, leur faisant souvent perdre une journée d'étude, ou manquer un examen. Pour ces raisons, la plupart des étudiants qui vivent dans des villages louent de petits appartements en ville, pour rester pendant la semaine, essayant seulement de rentrer à la maison pour le weekend.

Une grande partie de la population palestinienne essaie d'éviter les checkpoints, alors qu'ils n'ont pas d'autres moyens de passer. C'est ce qui est dénommé "traverser illégalement" dans l'article de la BBC.
Souvent, cela implique des marches difficiles à travers les montagnes, vallées et oliveraies. Cependant, les soldats patrouillent aussi, souvent, ces zones.

Au début de l'été, un étudiant de l'université de Najah à Naplouse (c'était sa dernière semaine avant le diplôme) s'y rendait en empruntant une vallée abrupte, recouvertes de pierres dentelées et de boue glissante. Des soldats l'ont vu, lui ont tiré dessus, l'ont manqué, mais ont touché le sol où il se trouvait, et, déséquilibré, il a fait une chute mortelle.

Souvent, les personnes qui se faufilent pour rentrer dans la ville, sont détenues au checkpoint, en essayant d'en sortir.
Cela inclut en général la confiscation de leur carte d'identité, et de les retenir dans un endroit séparé, avec souvent les mains liées, les yeux bandés et baîllonnés.

Les détenus sont retenus pendant des heures, parfois jusqu'à 12 heures, sous un soleil de plomb et sans eau. Légalement, les soldats ne sont autorisés à détenir les personnes que 3 heures, avant de les relâcher ou de les arrêter. Cette pratique est rarement suivie.

Souvent, j'ai observé des détenus emmenés à l'écart des autres, et battus. Les soldats affirment en général, qu'ils "punissent les personnes" pour ne pas passer par le checkpoint (bien qu'ils reconnaissent que ces personnes n'auraient pas été admises à le franchir).


Cas médicaux

Il y a de nombreux incidents signalés concernant des ambulances qui ne sont pas autorisées à passer les checkpoints, même en cas d'urgence. Si elles y sont autorisées, elles sont souvent retardées et complètement fouillées. Vous pouvez trouver beaucoup d'histoires sur ce qui arrive aux services ambulanciers d'urgence aux checkpoints.
La semaine dernière, dans Beit Furik, un garçon de 10 ans a été tué et l'ambulance n'a pas été autorisée à passer le prendre. il y des histoires sans fin sur des femmes enceintes obligées d'accoucher à un checkpoint, parce qu'elles ou que leurs ambulances ne sont pas autorisées à le franchir.

Sur ce sujet consulter les sites ci dessous :

http://www.reliefweb.int/hic-opt/

http://www.upmrc.org/



Les colonies israéliennes

Les colonies, les routes des colons, les routes de contournements, et les routes militaires, toutes séparent les terres de Palestine. Des oliviers sont détruits, des maisons et villages sont ciblés, de nombreuses vies sont perdues.

Cette infrastructure divise, isole, et vole la Palestine. Les colons et les Israéliens ont le droit de circuler librement sur ces routes, tandis que les Palestiniens sont forcés de marcher des kilomètres dans une autre direction, simplement pour les éviter.

Souvent, les Palestiniens risquent d'être tués en traversant une route de colons, pour acceder à leurs oliviers de l'autre côté.

Lire le texte de Jeff Halper la Matrice de Contrôle :
http://www4.alternativenews.org/matrixofcontrol/index.php

Beaucoup de checkpoints sont mis en place essentiellement pour contrôler les personnes qui traversent les routes des colons(celles-ci coupant le passage pour aller et venir aux villages). Parfois, il y a des checkpoints des deux côtés de la route. Les hommes de moins de 35 ans sont strictement interdits de passage. Habituellement, la plupart des personnes sont interdites de passage.

Pendant que des centaines de Palestiniens se mettent en ligne, attendant de rentrer chez eux, les colons les dépassent librement. Des affrontements peuvent aussi se produire à ces checkpoints. Beaucoup de cas de violence exercée par les colons se passent à proximité des checkpoints, souvent sans que les soldats n'interviennent.
Les Palestiniens sont laissés seuls, confrontés au harassement, à la fois des soldats et des colons.


Checkpoints mobiles

L'un des aspects de la vie quotidienne des palestiniens qui n'est pas mentionné dans l'article de la BBC, c'est celui des checkpoints mobiles. L'armée israélienne dresse souvent des checkpoints, au hasard, dans des endroits arbitraires, le long de routes entre des villes et à l'intérieur des villages, bloquant tout trafic.

Ces checkpoints consistent généralement en une jeep et 4 soldats. Ces checkpoints sont souvent les plus dangereux. Ces checkpoints semblent être tenus avec des règles encore plus arbitraires que les checkpoints permanents.

Là, les soldats peuvent arrêter quelqu'un sans raison et personne n'est là pour voir ce qu'ils font. Beaucoup de mes amis ont été battus à ces checkpoints mobiles.


Conclusion

Un ami palestinien m'a dit une fois que c'était aux checkpoints qu'il se sentait le plus humilié, dés-humanisé et en colère. Il a dit que de se tenir dans la file au checkpoint d' Huwarra lui faisait comprendre le raisonnement mental derrière les attaques suicide.
David Grossman , dans "le vent jaune" décrit la part énorme de temps dans une vie qui est dérobée par les checkpoints. Chaque minute est précieuse, et chaque minute volée est une injustice.

C'est aux checkpoints que je constate certaines des violations des droits humains les plus significatifs, et la violation de la dignité des personnes.

On voit couramment un vieillard de 75 ans obligé de supplier un soldat de 19 ans pour obtenir la permission d'accéder aux oliviers de sa famille.

Les checkpoints ne font pas grand chose pour la sécurité d'Israël, car la plupart des gens peuvent les contourner.Logiquement, les gens qui projettent une attaque ne vont pas passer par les checkpoints de toute façon.

Les checkpoints tels qu'ils fonctionnement actuellement servent simplement à contrôler et humilier les palestiniens quotidiennement. Des tentatives pour "améliorer" les checkpoints, telles que de fournir de l'eau, la présence régulière d'un membre du personnel du DCO (District Coordination Office), ou même surveiller les checkpoints, ne peuvent pas être vues comme des étapes pour solutionner le problème.

L'existence même des checkpoints fait suffisamment de dégats sur l'esprit d'une personne et sur sa volonté, pour que rien, si ce n'est leur destruction totale, ne puisse être envisager comme début d'une solution.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MDB

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