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Palestine - 22 octobre 2011
Par Ahlam Al-Tamimi
Ahlam Al-Tamimi est interviewée par Alaa' Hamza
Juste avant son départ en avion pour Amman, j'ai rencontré la seule prisonnière palestinienne originaire de Jordanie faisant partie de l'accord d'échange de prisonniers entre le Hamas et Israël, celle qui a été surnommée "la perle de l'accord", Ahlam Al-Tamimi. Elle a été libérée après avoir passé 10 ans dans les prisons et centres de détention israéliens et grâce à l'accord d'échange, elle ne passera pas le restant de sa vie en prison puisque sa condamnation initiale était de 16 perpétuités.
Nous nous sommes rencontrés [le mardi 18 octobre 2011, ndt] à l'Hôtel Sheraton de l'aéroport du Caire, et avec son sourire caractéristique et même son visage légèrement émacié, on reconnaissait tout de suite Al-Tamimi au centre de la foule rassemblée. Son air innocent contredit le juge israélien qui l'a condamnée. La foi d'Al-Tamimi dans le bien-fondé de la cause palestinienne confirme qu'elle est née pour la résistance et la lutte ; sa foi dans le Créateur lui a donné la force de résister à la dureté de l'incarcération.
Alaa' Hamza : Quelle est l'histoire de vos fiançailles avec votre cousin Nizar Al-Tamimi, alors que vous faites partie de la branche militaire du Hamas et lui de son équivalent au Fatah ?
Ahlam Al-Tamimi : Au début, ce fut purement et simplement un attachement familial sans lien avec les lignes politiques des partis, même si notre lien est la réalisation pratique de l'appel des factions à l'unité palestinienne. Maintenant que Nizar et moi sommes fiancés, nous espérons être une belle démonstration aux factions que l'unité est possible, si Dieu le veut, grâce à une réconciliation globale.
AH : Votre alliance avec Nizar a-t-elle commencé en prison ?
AAT : Oui, en août 2005, par l'intermédiaire de nos avocats respectifs, nous avons envoyé des messages à nos parents, qui ont organisé les fiançailles officielles.
AH : Vous êtes-vous rencontrés pendant que vous étiez en prison ?
AAT : Je n'ai été autorisée à voir Nizar qu'une fois, le 1er mars 2010, alors que j'allais à un interrogatoire avec le renseignement israélien, qui voulait connaître la nature de notre relation et ce que nous ferions à l'avenir. Ils étaient inquiets pour leur sécurité et les conséquences, pour eux, de notre attachement.
AH : Avez-vous jamais pensé que vous vous marieriez ?
AAT : J'ai une foi profonde en Allah et elle m'a soutenue et donné de l'espoir. Mon lien fort à Allah fut une corde qui ne s'est jamais rompue. Ce fut la source première de ma détermination à me marier. J'ai mis ma confiance en Allah et il semble qu'il ne m'ait pas abandonnée.
AH : Que direz-vous à vos enfants sur votre lutte ?
AAT: Tout d'abord, je demande à Allah de nous bénir avec des enfants parce que [et elle se met à sourire] je ne sais pas ce qu'Allah nous destine. Cependant, mon histoire est celle de nombreux prisonniers palestiniens ; chaque prisonnier a une histoire qui est une leçon pour nous tous. Si Dieu le veut, non seulement je raconterai l'histoire de mon mari et moi aux enfants que nous pourrions avoir, mais je leur raconterai aussi les histoires de tous les prisonniers et martyrs du peuple palestinien, car chacune constitue une leçon importante. Ce serait injuste de réduire la lutte du peuple palestinien à la seule histoire de Nizar et moi.
AH : Et que leur direz-vous sur les années de détention et la prison ?
AAT : Les aspects positifs et les aspects négatifs. Je leur enseignerai les leçons que j'ai apprises ; être emprisonné par l'ennemi est un enseignement dans tous les sens du terme, et une vie, dans la mesure où un individu y entre les mains complètement vides, et en sort plein d'expériences, d'idées et d'histoires de vie qui enrichissent une expérience et font les dirigeants.
AH : Etant donné que vous êtes affiliée au Hamas, vous opposerez-vous si vos enfants veulent suivre leur père ?
AAT : Bien sûr que non ! Tous les membres des factions palestiniennes sont nos frères et nous respectons tous les principes. Ce sera leur décision personnelle, quelle qu'elle soit. Cela dépend de la personnalité de l'individu. Peu importe si on est affilié au Hamas ou au Fatah, on doit enseigner aux enfants ce qui est juste, et l'affiliation aux factions n'interfère pas ; quand on a été élevé en accord avec la foi islamique correcte, on élève ses enfants de la même façon.
AH : Après votre cérémonie de mariage, resterez-vous au Hamas et votre époux au Fatah ?
AAT : Naturellement. Je rends hommage à tous les fils du Fatah et je respecte le choix de mon mari. Quant à moi, je resterai fidèle à mon idéologie et à mes affiliations. Je les ai embrassées avec conviction ; le Hamas est une faction qui m'a tellement appris et j'y resterai.
AH : Comment votre mariage va-t-il avoir lieu, si il est à Ramallah et que vous n'avez pas d'autre choix que de vivre en Jordanie, dans le cadre de l'accord d'échange ?
AAT : Les organisateurs de l'échange nous ont promis que Nizar serait transféré de Ramallah à Gaza le mois prochain, où les arrangements garantis par les Egyptiens et les frères du Mouvement auront lieu ; ces dispositions pour notre mariage font partie de l'accord global.
AH : Décrivez-nous le moment où vous avez mis le pied à l'extérieur de la prison.
AAT : Croyez-moi, j'ai remercié Allah ; ce fut un moment indescriptible et je ne peux pas mettre de mots sur les sentiments que j'ai ressentis. Je n'arrivais pas à y croire réellement jusqu'au moment où j'ai rencontré les frères, ici au Caire.
AH : A quoi ressemblez votre vie avant votre arrestation ?
AAT : J'étais comme n'importe quelle autre fille arabe, j'étudiais [média et journalisme] à l'université Bir Zeit. Je travaillais déjà dans la profession pour le magasine "The Birth" et pour l'émission de télévision "Indépendance". Je vivais chez une famille modeste.
AH : Comment en êtes-vous arrivée à rejoindre les Brigades Izzedine al-Qassam [la branche militaire du Hamas] ?
AAT : Par un collègue de l'université qui a remarqué combien j'étais affectée par les conditions tragiques et l'amère réalité de l'occupation israélienne. Ce fut la première étape vers mon ralliement aux Brigades et j'ai rencontré Abdullah al-Barghouthi [un dirigeant renommé, très intelligent et enthousiaste, avec des positions nationalistes et des sentiments religieux forts], et de là, je suis passée du journalisme à être la première femme aux Brigades Al-Qassam.
AH : Parlez-nous de vos premiers jours dans la résistance.
AAT : Par la grâce d'Allah, ma première activité a eu lieu en juillet 2001. Je marchais dans les rues de Jérusalem pour identifier et choisir des endroits pour des opérations de résistance. La résistance est le mot-clé ; c'est de l'auto-défense face à l'occupation de notre terre et en réponse à l'assassinat de nos dirigeants par l'armée israélienne. Beaucoup de martyrs éminents sont tombés et, en réalité, les fusils sionistes ne font pas la différence entre leurs cibles et les autres Palestiniens.
AH : Et l'opération de Jérusalem ?
AAT : Mon rôle était d'aider une opération martyr à l'intérieur de Jérusalem occupée. Grâce au Tout-Puissant, l'opération a réussi à frapper les piliers de l'occupation israélienne.
AH : Pouvez-vous nous parler de l'opération ?
AAT : J'ai parcouru Jérusalem en voiture pour identifier le circuit pour le martyr Ezzedine al-Masri, et qu'il puisse mener l'opération. Le lendemain, j'ai accompagné Ezzedine et mon rôle s'est arrêté là, après que je l'ai conduit sur les lieux de l'opération. (1)
AH : Pourquoi avez-vous participé à une mission martyr ?
AAT : Nos familles nous ont élevés dans l'amour de notre patrie et le sacrifice en son nom... et quand je suis revenue [de Jordanie] en Palestine en 1999, je suis arrivée dans ma patrie, qui était le dénominateur commun de mes conversations avec mes parents. Je savais que notre famille avait donné beaucoup de martyrs et de prisonniers ; nous avons beaucoup souffert de l'occupation israélienne. Défendre la Palestine était mon devoir.
AH : Comment avez-vous été arrêtée ?
AAT : Ils sont venus chez moi, à Nabi Saleh, dans la région de Ramallah, à 3h du matin. Des soldats de l'occupation israélienne, accompagnés de blindés, ont forcé notre domicile et m'ont emmenée à un centre d'interrogatoire.
AH : Que s'est-il passé immédiatement après votre arrestation ?
AAT : En fait, j'ai été arrêté juste après la mort de ma mère, nous étions toujours dans la période de deuil. La première fois qu'on m'a emmenée à la prison Maskoubia pour être interrogée, j'ai ressenti beaucoup de chagrin et de douleur ; cependant, cela m'a donné la force de faire face à l'enquêteur israélien qui a utilisé la torture pour essayer de me soutirer des aveux. J'étais dans une petite cellule sombre, en sous-sol, comme une tombe ; je me suis tournée vers Allah et j'ai ravivé ma relation avec lui, tissant un lien de communion inconnu des autres, sauf de lui et moi. Cette relation avec Allah m'a permis de voir que tout était beau. Elle m'a rendue inébranlable, même si j'étais dans un endroit confiné et extrêmement cruel sous terre. Par la grâce d'Allah,
j'ai pu surmonté les interrogatoires, qui furent la phase la plus difficile de la détention.
AH : Vous avez été condamnée à 16 perpétuités et le tribunal israélien a recommandé que vous ne fassiez partie d'aucun futur accord d'échange de prisonniers parce que vous représentiez un danger pour l'occupation. Avez-vous donc jamais imaginé être libérée dans le cadre de l'échange "Fidélité des Libres" ?
AAT : Comme je l'ai dit, j'avais confiance en Allah et quand vous lui faites confiance, vous obtenez souvent plus que ce que vous espérez.
AH : Avez-vous ressenti de la colère en prison, ou avez-vous envisagé de revenir sur votre choix de résistance ?
AAT : Non, jamais… cependant, j'étais convaincue que de tous temps, la cause palestinienne nécessite les négociations et la lutte armée.
AH : Quelle est la situation la plus dure à laquelle vous avez été confrontée en prison ?
AAT : Après la première période d'interrogatoire, j'ai vécu plusieurs situations difficiles. Les Israéliens m'ont pris tous mes droits et la décision du tribunal était très injuste. Il avait décidé de m'isoler des autres êtres humains et ils ont appliqué la décision en me mettant en isolement à la prison Al-Ramlah. J'ai été mise en isolement plusieurs fois pendant ces dix ans de détention. Toutefois, j'ai surmonté cela en faisant la grève de la faim ; je me suis rebellée contre l'isolement et je leur ai arraché mes droits en me servant de la grève de la faim comme arme.
AH : Ahlam Al-Tamimi, merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous parler.
(1) Le 9 août 2001, à 14 heures, Ezzedine al-Masri est entré dans un restaurant de Jérusalem occupée, la pizzeria Sbarro, dans le centre-ville et y a fait exploser sa bombe. Il est mort dans l'opération-martyr, ainsi que quinze Israéliens et cent trente autres ont été grièvement blessés. Le restaurant a été totalement détruit par l'explosion. (ndt)
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM
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