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Gaza - 30 octobre 2009
Par Eva Bartlett
Le 4 octobre, Ashraf Abu Suleiman, 16 ans, du camp de réfugiés de Jabaliya, est allé voir un copain de classe malade chez lui à Sudaniya, petite ville côtière, au nord de la Bande de Gaza. Il est ensuite allé sur la plage, où il a remonté les jambes de son pantalon pour faire quelques pas dans la mer et profiter d’un des derniers matins d’été. Il a pris quelques photos, pour les retravailler ensuite sur Photoshop, un passe-temps qu’il partage avec son père.
Quelques minutes après, Ashraf courait, aveuglé par la terreur, tandis que les soldats israéliens, depuis un navire de guerre au large de la côte, commençaient à tirer sur des pêcheurs palestiniens. Il a été touché par la balle d’un soldat israélien qui lui a traversé le cou et touché les vertèbres cervicales, facturant C-4 et C-5, le laissant à terre baignant dans son sang et incapable de tenir debout.
« Ils tiraient sur des pêcheurs palestiniens dans des hassakas [petits bateaux de pêche], » dit-il des soldats dans le navire de guerre. « Quelques balles tombaient près de moi. Je me suis mis à courir en direction du nord, sans réfléchir. »
Il pense avoir couru pendant quelques minutes, approchant rapidement de la frontière nord, avant que la voix d’un soldat israélien, par haut-parleur, lui crie de s’arrêter. Voyant un véhicule militaire à quelque distance devant lui, Ashraf a eu peur que les soldats en face de lui ne se mettent à lui tirer dessus. Il a continué à courir, espérant se mettre à l’abri derrière une colline proche.
C’est à ce moment là qu’il s’est écroulé, une des balles venait de le toucher au cou.
L’Agence de Presse Ma’an a rapporté : « Un porte-parole de l’armée israélienne dit que les soldats ont identifié ‘un Palestinien suspect’ approchant la grille frontalière, et qu’ils ont tiré des coups de semonce en l’air. Après que le Palestinien ait ignoré ces avertissements, dit le porte-parole, l’armée lui a tiré dessus et l’a légèrement blessé. »
Au moins 8 Palestiniens ont été tués, et au moins 33 blessés, dans la « zone-tampon » imposée par Israël le long de la frontière de Gaza depuis le cessez-le-feu du 18 janvier dernier. 3 des tués et 12 des blessés étaient mineurs, dont plusieurs enfants.
La « zone tampon » a été imposée par les autorités israéliennes il y a une dizaine d’années, d’abord à 150 mètres et aujourd’hui, alors que les autorités d’occupation disent que la zone interdite court sur 300 mètres depuis la limite entre Gaza et Israël, elle va jusqu’à 2 kilomètres dans certains endroits. La zone tampon interdit l’accès à environ 30% des terres agricoles les plus fertiles de Gaza, ainsi qu’aux terres qui lui sont adjacentes. Les autorités militaires avertissent que quiconque entre dans ce secteur peut être abattu par l’armée.
« Je ne me rends pas compte à quelle distance j’étais de la grille, peut-être moins de 400 mètres, » dit Ashraf.
Trois soldats israéliens se sont approchés de lui à pied, explique-t-il. « Un soldat m’a donné un coup de pied à la bouche et m’a dit de me lever. Je n’ai pas pu, mes jambes ne bougeaient plus. »
Selon Ashraf, un soldat israélien l’a traîné par les bras jusqu’au chemin en dur. Après un autre coup de pied au visage, il a été installé sur un brancard et transporté de l’autre côté de la frontière nord, à une jeep stationnée là.
Ashraf raconte qu’après avoir vérifié son identité sur un ordinateur, les soldats lui ont dit : « Tu as 16 ans et un mois. Tu es étudiant. » Bien qu’ils se rendaient compte qu’il était inoffensif, ils ont continué à le traiter avec mépris.
« Ils m’ont mis dans une jeep et nous avons roulé un moment, une vingtaine de minutes. Je ne sais pas exactement. Puis ils m’ont transféré dans un hélicoptère Apache qui a volé jusqu’à une base militaire près d’Erez. Je ne connais pas son nom, mais je sais que ce n’était pas loin d’Erez. Il y avait une petite clinique où ils m’ont donné quelques premiers soins, » dit-il, se rappelant que c’était au moins 30 minutes après qu’il ait été blessé.
« Ils m’ont mis de la gaze et un bandage sur la blessure, » dit Ashraf. Il a dû ensuite attendre, tandis qu’un infirmier palestinien négociait son retour à un hôpital de Gaza.
Hassam Ghrenam, infirmier et chauffeur d’ambulance du Croissant Rouge palestinien, avait un accord pour traverser en Israël pour deux cas médicaux indépendants de celui d’Ashraf. Alors qu’il était du côté israélien, Ghrenam a vu Ashraf et a demandé de le ramener à Gaza.
Ashraf a expliqué que Ghrenam voulait faire venir trois autres hommes, pour le transférer avec précaution, comme requis par la procédure médicale. Les soldats israéliens ont refusé sa demande et Ashraf a dû attendre une heure de plus, jusqu’à ce que finalement, les soldats cèdent.
« Il devait y avoir une trentaine de soldats autour de nous. Le chauffeur de l’ambulance n’arrêtait pas de dire, ‘il est dans un état critique, très critique, emmenez-le en Israël,’ mais les soldats ont juste pointé leurs armes sur lui, sans rien faire, » explique Ashraf.
Ghrenam a remarqué qu’il y avait du sang et des signes qu’Ashraf avait été frappé ou avait reçu des coups de pied au visage. « Les Israéliens lui ont mis un pansement sur la blessure, pas de minerve, pas de traitement approprié. Je lui ai immédiatement posé une minerve. Les blessures au cou et à la moelle épinière peuvent conduire à la paralysie. »
Du côté palestinien du carrefour d’Erez, Ghrenam a transféré Ashraf à une ambulance du Croissant Rouge qui attendait et qui l’a emmené à l’hôpital al-Shifa de Gaza. Il est maintenant dans le service de rééducation, et les médecins et ses parents attendent de voir si ses vertèbres fracturées guériront suffisamment pour qu’il puisse remarcher.
Le père d’Ashraf n’est pas optimiste. « A chaque journée d’attente, j’ai l’impression que sa vie est foudroyée. Je suis très inquiet pour son avenir. »
Source : In Gaza
Traduction : MR pour ISM
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