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Palestine occupée - 27 mars 2020
Par Issam Adwan
Issam, chef de projet à Gaza pour We Are Not Numbers, est traducteur/interprète, journaliste et professeur d'anglais de formation, avec plus de quatre ans d'expérience. En 2019, il a été choisi par le Centre Carter pour être le premier observateur palestinien indépendant des élections tunisiennes. Issam a obtenu sa licence en langue anglaise et méthodes d'enseignement à l'Université Al-Aqsa et travaille actuellement sur sa thèse de maîtrise en traduction/interprétation à l'Université islamique de Gaza. Ses passions sont l'amélioration de l'expérience d'apprentissage pour les diverses populations étudiantes, l'autonomisation des jeunes, la justice sociale et l'égalité des sexes.
26.03.2020 - Depuis que le ministère palestinien de la Santé a annoncé, le 6 mars dernier, qu'un habitant de Bethléem était la première personne de Cisjordanie à être identifiée comme porteuse du nouveau coronavirus, les effets d'entraînement ont été considérables. Et ils ont particulièrement touché les quelque 573.000 Palestiniens qui se rendent de Cisjordanie en Israël pour y travailler.
Même dans des circonstances normales, il est difficile de voyager de Cisjordanie en Israël ; les permis de travail sont rarement accordés, de sorte que certains dépendent des passeurs. Et maintenant, malgré le fait que beaucoup plus d'Israéliens ont été diagnostiqués avec l'infection (2.693 contre 84 au moment où nous écrivons ces lignes), ces travailleurs palestiniens sont harcelés et humiliés aux points de contrôle israéliens, et voient leur permis révoqué lorsqu'ils restent chez eux, disent-ils.
Leur situation a fait le tour des médias sociaux après qu'un journaliste local ait tourné un documentaire vidéo dans lequel les travailleurs parlent de leur expérience. Au poste de contrôle de Beit Sira, à 22 kilomètres à l'ouest de Ramallah, disent-ils, ils ont été obligés de rester debout pendant plusieurs heures par des gardes israéliens qui les ont accusés d'être infectés, sans aucun fondement.
Le gouverneur de Tukarem, Issam Abu Bakr, a annoncé le 24 mars que trois travailleurs qui avaient été licenciés par leurs employeurs israéliens avaient été jetés au poste de contrôle de Jubara, au sud de la ville, parce qu'ils étaient soupçonnés d'être infectés (bien qu'aucun test n'ait été effectué) "dans un état d'épuisement et souffrant d'une température élevée de quelque 40 degrés". (Vidéo "They dumped him like trash" (« Ils l’ont jeté comme un déchet »), sur Middle East Eye)
Des équipes médicales ont testé les travailleurs et les ont placés dans un centre de quarantaine jusqu'à ce que leurs résultats soient connus [aux dernières nouvelles, ils ne sont pas porteurs du virus, ndt].
D'autres Palestiniens disent que leur permis de travail a été révoqué lorsqu'ils ont suivi la directive de l'Autorité palestinienne de rester chez eux.
"Nous avons respecté les instructions de notre gouvernement, mais nos permis de travail ont été retirés", a déclaré Ahmed, qui coud et fabrique des vêtements pour une entreprise israélienne et a demandé à rester anonyme.
Après la conférence de presse au cours de laquelle le Premier ministre de l'autorité, Mohammad Shtayyeh, a ordonné aux travailleurs de rentrer chez eux, Ahmed et ses amis ont décidé d'obéir. Cependant, lorsqu'ils ont informé leurs employeurs israéliens, les propriétaires de l'entreprise ont essayé de les convaincre de continuer à travailler, en leur assurant qu'ils pourraient être testés et que l'hôpital local leur communiquerait les résultats négatifs de la COVID-19 (une hypothèse de normalité qui n'était peut-être pas vraie, bien sûr). Ahmed et ses amis ont refusé l'offre, disant qu'ils n'envisageraient de travailler que si une demande formelle était envoyée à l'Autorité palestinienne. Les employeurs ont alors demandé au gouvernement israélien de leur retirer leur permis de travail. Un des patrons a même cassé le pare-brise de la voiture d'un travailleur.
Ahmed ajoute que lors de son dernier passage sur son lieu de travail, ses collègues et lui ont été obligés de dormir dans la même pièce que celle où ils travaillaient. Lorsqu'ils sont retournés en Cisjordanie , l'AP n'a pas proposé le test de dépistage du virus promis. Néanmoins, dit Ahmed, ils ont signé un engagement de quarantaine à domicile pendant 14 jours. Ils ne sont pas sûrs de ce qui se passera après cela.
Najia, une employée de maison dans la colonie de Giv'at Ze'ev au nord-ouest de Jérusalem occupée, est maintenant obligée de rester chez elle aussi. Cependant, son revenu dépend de son travail et si on lui permet, elle dit : "Je n'hésiterais pas à aller [travailler à l'intérieur du territoire israélien] ; Dieu me protégera".
Najia n'est pas allée travailler depuis la déclaration de l'état d'urgence. La famille de Najia se compose de six personnes et elle est responsable de chacune d'entre elles. Elle dit que l'argent qu'elle a économisé ne suffit que pour l'électricité.
"Je ne travaille pas maintenant et j'attends de voir comment les choses vont évoluer", a déclaré un autre travailleur, K.F., qui est terrifié à l'idée de parler à la presse de ses souffrances.
Il travaille dans une blanchisserie spécialisée dans le lavage du linge et des couvre-lits pour les hôtels et les hôpitaux. K.F. a décidé de rester chez lui à la fois en raison de l'état d'urgence de l'AP et de la crainte pour sa sécurité. La blanchisserie où il travaille fait affaire avec des hôtels qui ont été transformés en centres de quarantaine.
"D'autres travailleurs m'ont dit que rester là-bas [à travailler dans les territoires israéliens] est mauvais. Ils ne nous fournissent même pas de tests", a-t-il expliqué. "Et si des symptômes se manifestent, [les Israéliens] vous jettent simplement au poste de contrôle."
K.F., qui a préféré ne pas donner son nom complet, est père de deux enfants, dont un troisième en cours de route.
En revanche, S.A., un autre travailleur, a décidé de continuer à travailler sous la responsabilité de son employeur, expliquant qu'il avait pris la décision de s'assurer qu'il aurait encore un emploi après la fin de l'urgence. Ce travail est la seule source de revenus pour ses sept enfants, et en restant en Israël plutôt qu'en faisant des allers-retours quotidiens, il peut s'assurer qu'aucune infection ne se transmettra à sa famille au cas où il serait contaminé. "J'arrive à consacrer 10 shekels de mon salaire à l'achat de crédit téléphonique pour leur parler. Mais que se passera-t-il à l'avenir ? Je n'en ai aucune idée".
Je tiens à remercier tout particulièrement Hala El-Zuhairy, journaliste de FM24 en Cisjordanie , qui m'a aidé à rédiger cet article. Issam Adwan
Conseillère : Pam Bailey
Source : We are not numbers
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Issam Adwan
27 mars 2020